« The Magic Order » : premier comics Netflix, et du bon !

Bang ! C’est presque un coup de tonnerre dans le ciel des comics qui retentit, à l’occasion de cette mini série rajoutant une bien belle corde à la bibliographie déjà remarquable d’Olivier Coipel, dessinateur français chouchou de l’univers comics. Mais le plus étonnant réside dans le fait que ce comics est produit par Netflix Studios. Magique, vous avez dit ?

Après un passage réussi à l’école des Gobelins, dans l’animation, Olivier Coipel, jeune premier de sa promo, est remarqué et rejoint en 1994 le studio Amblimation de Steven Spielberg, ce qui lui permet de travailler sur certains films Dreamworks. Londres et Los Angeles sont alors ses points d’attache où il reste jusqu’à la fin des années quatre-vingt dix. Le virus comics l’accroche ensuite par le biais d’une proposition de l’éditeur DC, avant d’intégrer le catalogue Marvel, où il travaille sur les séries « X-Men » et « Uncanny X-Men », sur scénario de Brian Wood, puis sur les « Avengers (Siege) », aux côtés de Brian Michael Bendis. Déjà extraordinaire. C’est néanmoins le succès de son passage sur « Thor », aux côtés de Matt Fraction ou Jason Aaron, puis la mini série « House of M » (Bendis) qui lui apportent son titre de gloire, car son style s’est affiné et explose aux yeux des lecteurs. En août 2017, Mark Millar, qui avait déjà approché le dessinateur, vend son catalogue Millar World à Netflix, productrice de séries TV sur Internet. L’idée, produire des comics et des films, à partir du talent du scénariste reconnu pour la qualité de ses univers indépendants. Et le premier comics produit se fera avec… Olivier Coipel.

« Magic Order » (L’ordre de la magie) est, vous l’aurez compris, un nouveau titre traitant de sorciers. Passé l’effet d’une très belle surprise due au magnifique rendu graphique, mise en couleur par l’excellent Dave « Hellboy » Stewart, que contient et vaut cette histoire ?
Dans l’absolu, le scénario de Mark Millar, mettant en scène une famille de sorciers modernes vivant à Chicago, anéantis les uns après les autres par un sorcier puissant, anonyme, déguisé en vénitien du dix-huitième siècle et aux ordres d’une « amie » du cercle : madame Albany, pourra laisser un peu dubitatif. En effet, que ce soit sur « Watchmen » (Alan Moore) et le principe de l’enquêteur cherchant à contrer le tueur d’anciens super-héros, « Black Monday Murders » (Jonathan Hickman) et ses familles diaboliques se faisant la guerre, ou bien encore « Black Magick » de Greg Rucka, et « Créatures Sacrées » plus récemment, de Klaus Janson, où à nouveau, une société tente d’éliminer d’autres sorciers, la chose est entendue, ce 21ème siècle a envie de voir des sorciers de la magie partout. De plus, et c’est à la fois significatif et cocasse, cette famille pourra rappeler néanmoins une série TV déjà proposée par Netflix : « The Haunting of Hill House », car Cordelia, la seule femme du groupe, surnommée l’escapologiste, use de ses pouvoirs pour remonter le temps (entre autre), et n’a de cesse de désobéir aux consignes de ses proches. Cette petite brune, très chafouine, possède un je ne sais quoi de l’héroïne de la série sus-citée.

Mark Millar est connu pour la qualité de ses histoires. Il démontre encore une fois son talent de conteur, même si, il faut bien l’avouer, on fait assez souvent le constat à la fin des lectures de ces comics, d’une impression de déjà vu. Ces six chapitres déroulent un récit fluide, intéressant, mais rien n’entrave vraiment le dénouement du point de départ. Dés lors, on s’extasie davantage sur les planches de l’artiste à l’esthétisme à la fois moderne et rétro bluffant. Quoi qu’il en soit, et en faisant fit de ces détails qui n’intéresseront que les amateurs compulsifs, achetant tout ce qui sort sur le sujet, mais aussi en faisant fit de l’aspect « buzz » de cette nouvelle collaboration entre deux artistes stars de la scène comics internationale, il reste un superbe album, déroulant une bonne histoire, bien calibrée, réalisée graphiquement aux petits oignons par un Olivier Coipel au meilleur de sa forme. Rare sont les artistes pouvant assurer un dessin et un encrage de si belle qualité, superbement colorisé en prime. Aussi, et comme le souligne l’avant-propos : ces deux là sont vraiment des magiciens de la BD. Carton plein pour « Magic Order », ou plutôt : Full aux as !

Franck GUIGUE

Toutes images © Olivier Coipel – Mark Millar – Panini comics 2019

Lire l’interview d’Olivier Coipel sur le site du Figaro :
http://www.lefigaro.fr/bd/le-dessinateur-olivier-coipel-raconte-la-genese-de-the-magic-order-20190505

 

« The Magic Order » par Mark Millar et Olivier Coipel
Éditions Panini comics (19 €) – ISBN : 978-2809477153

Nb : deux éditions sont proposées, une couleur et une limitée noir et blanc à 2500 exemplaires. (ISBN : 978-2809481235)

 

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12 réponses à « The Magic Order » : premier comics Netflix, et du bon !

  1. Crissant Clavier dit :

    Un comics produit par Netlix qui va devenir prochainement une série sur ….Netflix : https://www.hollywoodreporter.com/heat-vision/james-wan-lindsey-beer-tackling-mark-millars-magic-order-series-1211139

    Millar,roi de l’autopromo et qui semble ne travailler que pour voir ses comics adaptés en audiovisuel, sait s’entourer des artistes les plus en vue .Il suit les conseils de Stan Lee qui lui a suggéré de créer pour sa pomme et non pour une grosse structure style Marvel ou DC, qui gardent les droits potentiellement très juteux.Ainsi afin ,par exemple pour les créateurs,de ne pas se trouver dans la situation précaire du regretté Dave Cockrum- qui a relancé les X-men avec un talent exceptionnel – et de tant d’autres ,dans l’impossibilité économique de se soigner pour quasi agoniser sur un lit d’hôpital…..

    Alors que leurs créations rapportent des milliards de dollars!

    • Gwenaël Jacquet dit :

      Merci d’avoir évoqué avec regret Dave Cockrum. Il n’a pas disparu pour tout le monde et son oeuvre enrichit toujours ses employeurs. Heureusement, le système commercial des comics est de plus en plus remis en question par de nombreux auteurs.

      • Crissant Clavier dit :

        On ne parlera jamais assez de Dave Cockrum pour rappeler son importance et son talent, lui qui adorait créer des super-héros (avec sa femme) aidé par un exceptionnel talent de designer qui le classe parmi les plus grands du genre avec Kirby et Romita.

        Le talent de Cockrum a fait de la série DC Comics « La Légion des Super-héros « dont plus personne ne voulait,un comics de premier plan. Une série de contrariétés passablement humiliantes le font partir chez Marvel Comics où il relance les X-men fin 70,série la plus déconsidérée de Marvel, avec des concepts refusés prévus pour la « Legion ».
        L’immense succès des X-men va largement contribuer à redonner des couleurs à une industrie des comics en pleine crise ,au point que beaucoup pensaient qu’elle s’ arrêterait – comme aujourd’hui ! .

        Après une formidable embellie de l’industrie avec les X-men en tête de gondole,nouvelle crise, dûe à la spéculation (Marvel fait failite).

        Le joli succès du film X-men début 2ooo consolide l’idée amorcée par les films Blade qu’il y a moyen de faire de l’argent avec les adaptations de comics, amorce d’ une nouvelle embellie ,jusqu’aux records au box office actuel.

        Pendant ce temps,Cockrum a fini sa vie dans le dénuement, affaibli, à la merci de la solidarité des fans et des œuvres caritatives. Presque oublié.

        Significatif :le géant des comics Gene Colan – cocréateur de Blade – a fini sa vie presque aveugle ,avec de grosses difficultés pour financer ses soins médicaux, également bénéficiaire de la solidarité caritative.

        Ces regrettables situations sont le lot de beaucoup de créateurs vétérans dans les comics. Cependant sous la pression DC et Marvel finiront par mettre en place un système de royalties plus ou moins anecdotique.

        Voilà pourquoi avec l’âge d’or actuel des adaptations de BD en audiovisuel ,beaucoup de créateurs de premier plan préfèrent garder le bénéfice de leur plus bel élan créatif pour des projets dont ils gardent les droits,plutôt que créer les nouveaux Wolverine , Deadpool et Harley Quin pour le seul bénéfice de grosses structures.

        Un état de fait qui joue beaucoup sur la qualité des livres proposés par les grands éditeurs de comics,coincés aussi par des personnages devenus licences ultra lucratives,qu’il devient très difficile de bousculer et remettre en question dans des récits épiques.

        Voilà pourquoi on parle de nouvelle crise pour une industrie des comics à l’impact commercial dérisoire en comparaison des autres secteurs pour les mastodontes propriétaires comme Disney. Disney propriétaire de Marvel dont il se murmure (un vétéran des comics comme John Byrne,qui a beaucoup fait également pour le succès des X-men,en est assez convaincu) qu’il pourrait fermer Marvel Comics et arrêter la production de nouveaux livres ,ou eventuellement externaliser.

        A voir.

        • Crissant Clavier dit :

          Insistant et un peu hors sujet avec l’article mais Dave Cockrum le mérite:marvel Comics lance une série documentaire autour des X-men et les grandes étapes de leur historique.
          Sur ce premier chapitre on peut voir le remarquable travail de conception de Cockrum,qui aura des conséquences incommensurables sur l’expansion des comics :https://www.youtube.com/watch?v=iY3H43y5aKk

  2. Henri Khanan dit :

    Merci pour ce long message.
    Il me semble que l’on trouve quelques projets réussis de creator-owned chez Image. Dans le passé, les initiatives d’éditeurs indés (Pacific, Eclipse, First) n’ont rien donné, à part débusquer des débutants qui iront ensuite faire carrière chez les majors (Marvel et DC, il n’y en avait pas d’autres avant l’arrivée de Dark Horse et d’Image).
    On reste toutefois dans les genres traditionnels: super-héros, fantastique, SF et horreur.
    Dommage que les auteurs ne profitent pas d’une réelle liberté pour tenter d’autres domaines…
    Au fait que sont devenus Dave Sim après Cerebus? et le Smith de Bone qui se vendait très bien vers 1990?

    • Franck G dit :

      Je crois que c’est un faux « problème ». Un indépendant, comme son nom l’indique, permet effectivement à des auteurs de se faire remarquer, mais quelle structure est capable ensuite de lui apporter le soutien nécessaire pour en faire une « vedette » ? On sait la difficulté à monter ce genre d’entreprise, et gérer correctement la diffusion et la distribution de titres réservés à un public spécifique. On parlera, à ce sujet, mardi, de Don Lomax, un quasi « inconnu » en France, qui a pourtant vu publiés énormément de titres aux USA, et surtout dans de petites structures justement. (…)

      Dave Sim semble s’être « perdu » dans des idées et des passions un peu « ésotériques », qui l’ont conduit à lancer des projets peu vendables. Il revient sans cesse sur Cerebus, qui a d’ailleurs vu 115 épisodes produits à la TV américaine, et, parmi d’autres projets qui n’ont pas fait beaucoup de bruit en France (« Glamourpuss »), un recueil de couverture a paru en 2016 (« Dave Sim’s Cerebus : Cover Art Treasury »). Quant à Jeff Smith, on a eu l’occasion d’en reparler l’autre jour, à propos de Shazam, avec son titre « Shazam contre la société des monstres ».
      Merci à tous pour vos commentaires, et bien cordialement.

  3. Henri Khanan dit :

    Les morts dans la misère de Cockrum et Colan sont d’autant plus stupéfiantes quand on voit le prix qu’atteignent leurs plus belles planches sur Heritage. C’est en milliers voire en dizaines de milliers de dollards l’unité! Le problème, c’est qu’ils donnaient ou vendaient (ou se faisaient voler) tout au fur et à mesure.

  4. Crissant Clavier dit :

    Pas une semaine ne passe sans annonces de nouvelles adaptations de comics, pour alimenter les diverses plateformes de streaming ,Studios ciné ou chaînes TV qui fouillent chez tous les éditeurs,grands ou petits,récents ou anciens, voire disparus.Les récits en creator owned tirent aussi leur épingle du jeu dans l’affaire,comme un certain « The Walking Dead », petite série débutée dans l’indifférence générale. De ce côté ,les histoires dont les droits appartiennent aux créateurs, les réussites créatives sont nombreuses et très variées , en thèmes et formats.Rassurez-vous.

    Sim et Smith ont eu des problèmes physiques – poignets- qui les ont empêché de dessiner ou ralenti un certain temps, sans compter ,pour Sim,ses prises de positions peu en phase avec le climat de tension féministe ambiant…..
    Comme beaucoup,vu la conjoncture,ils serrent les dents et gardent un certain public,assez fidèle.

  5. PATYDOC dit :

    « En faisant fi  » (et non le fit de confit) – merci corriger :-)

  6. Franck G dit :

    Oui, j’ai lu un très long article (en anglais) développant ses soucis physiques et de position, (mais aussi de coût trop élevé de réédition de sa série principale, ce qui pose problème pour sa postérité semble t-il), sur : https://suggestedformaturereaders.wordpress.com/2015/11/30/dave-sim-thought-aloud-to-himself/

    Sur le blog non officiel dédié à Cerebus et Dave Sim, l’auteur poste aussi une mise à jour de temps à autre, et donne à voir, début mars 2019, la maquette de son prochain album à paraître, regroupant ses planches sur Alex Raymond, et prépubliés dans « Glamourpuss ». « The Strange Death of Alex Raymond » devrait être publié par IDW à la rentrée.
    Sinon, je suis bien d’accord, le web (entre autre) permet de rester au contact de ces auteurs si particuliers, souvent dans l’ombre, et pour diverses raisons. Je tentais juste d’exprimer que la lumière est seule dans les mains des gros éditeurs (quand ils le veulent bien).
    http://momentofcerebus.blogspot.com/2019/03/sdoar-updates-goldilocks-edition-daves.html

    • Crissant Clavier dit :

      Merci pour les liens,toujours très intéressants.

      Ma réponse s’ adressait avant tout à Henri Khanan qui semblait s’ inquiéter du sort des petits labels et de la créativité des auteurs en créatif owned…

      Pour le controversé Sim et ses problèmes de poignet,une petite vidéo où on le voit à l’ouvrage permet de se faire une idée : https://m.youtube.com/watch?v=tzM26dCdYjM

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