« Les Nouvelles Aventures de Sabrina » : Sabat Master chez Archie comics !

Coup de tonnerre chez Glénat et au sein de la collection Young Adult Log In, avec l’arrivée de l’apprentie sorcière Sabrina, issue de l’univers Archie comics, ligne horrifique. Un titre adulte effrayant.

Le poster original avant son renommage

Les éditions Archie comic, créées dés 1939 sous le nom MLJ Magazines (des initiales de leurs trois fondateurs), bien qu’éditant, comme beaucoup à l’époque, des comics de super-héros, ont surtout connu leurs heures de gloire dans les années soixante, avec la série principale « Les Archies », créée en 1941, collant aux effluves doucereuses et teen-agers de la Pop musique, qui leur restent d’ailleurs associées. Cela dit, il aura fallu attendre octobre 1962 pour avoir arriver au sein de la petite troupe de lycéens du campus de Riverdale, composée entre autre de  :  Archie Andrews, Jughead Jones, Betty Cooper, Veronica Lodge, Reggie Mantle et  le groupe Josie and the Pussycats, la jeune sorcière Sabrina Spellman. Un personnage supplémentaire qui, après coup, fera surtout penser à notre chère et adorable « Ma sorcière bien aimée ».

Première apparition de la sorcière, dans : "Sabrina, The Teen-Age Witch" (Archie's Mad House #22, Octobre 1962)

Projetons-nous cela-dit en ce début 2009, moment où Jon Goldwater, fils du fondateur, et suite au décès de son père, acquiert des parts dans la société et commence à dépoussiérer l’univers, ne correspondant plus du tout aux attentes des jeunes d’alors. Le fait que Roberto Aguirre-Sacasa, auteur de théâtre, de BD et de séries TV, ait lancé en 2003 dans les salles de théâtre « Archie’s Weird Fantasy », un spectacle décalé basé sur la série (celui-ci étant renommé, pour des questions sociétales et de droit : « Weird Comic Book Fantasy ») peut sans doute être vu comme l’origine de cette envie (le spectacle présentait pour la première fois l’homosexualité d’Archie, le personnage principal).

En juin 2010, le premier numéro de la nouvelle ligne éditoriale Life with Archie est lancé, sous les commandes de Roberto Aguirre-Sacasa, mais c’est davantage le contexte de la série Afterlife with Archie, peuplée de zombies et de loups-garous, écrite par le même homme, et dessinée par Francesco Francavilla qui nous intéresse (1). En effet, son succès est à l’origine de sa nomination en tant que chef des équipes créatrices et d’une seconde série d’horreur intitulée Chilling Adventures of Sabrina, lancée en octobre 2014. Cette série a connu de nombreuses adaptations télévisées, la première : « Sabrina, l’apprentie sorcière » (« Sabrina, the Teenage Witch ») réalisée par Tibor Takács et diffusée en 1996 sur Showtime. La dernière version en date : « Les Nouvelles Aventures de Sabrina », en est à sa deuxième saison et est diffusée depuis le 26 octobre 2018 sur Netflix.

Une couverture variant non reprise dans le recueil

« Les Nouvelles Aventures de Sabrina » (décembre 2014-octobre 2017 aux USA), récit comics édité par Glénat, écrit par Roberto Aguirre-Sacasa et dessiné par Robert Hack, peu connu pour sa part en France jusque là, se déroule dans les années soixante, dans la bourgade Greendale, voisine de Riverdale. Ils suit les déboires de l’adolescente de seize ans Sabrina Spellman, héritière d’une lignée de sorcières, qui s’apprête à prononcer ses vœux de sorcière, mais est confrontée à son amour (interdit) avec un « humain », le lycéen Harvey Kinkle. Les deux tantes de Sabrina, veillant sur elle et l’initiant, à l’occasion de la préparation du Sabat, pour son anniversaire, sont déjà un peu flippantes, mais cet évènement va connaître un retournement désastreux, dont la terrible sorcière bannie Lola, revenue de la Géhenne, en sera l’exécutrice.

Ce premier recueil propose les cinq premiers numéros, entrecoupés des couvertures alternatives de Francesco Francavilla. Ils sont dessinés par Robert Hack dans un style très particulier, au trait fin, hachuré, et aux couleurs à l’effet coloriage, que d’aucun pourront trouver un peu rebutant au premier abord. Que l’on ne se laisse cependant pas abuser : eu égard au scénario particulièrement adulte du récit, proposant une vraie histoire d’horreur, comme il aurait été difficile de l’imaginer venant de l’éditeur Archie, ce traitement graphique prend dès lors toute son importance.

Au fur et à mesure de la lecture, des images et sensations perturbantes viennent à l’esprit, rappelant le meilleur du genre horrifique. J’évoquerai tout particulièrement Clive Barker et sa série « Sang pour sang », (éditions Comics USA, 1990-1992), certes dessinée par divers illustrateurs, mais donnant un petit aperçu du traitement et de la réussite de celle-ci.

Il y a dans « Sabrina » une envie de faire peur, une présence d’angoisse permanente, tant au niveau du dessin et des apparences (visage monstrueux, entre autre, de la succube), que des enchaînements scénaristiques, qui pourra évoquer le film « Rosemary’s Baby ». On retrouve aussi un peu ce que Terry Moore a utilisé dans son superbe et incontournable « Rachel Rising », lui qui a évoqué la mise à mort et le retour de sorcières, ainsi que leurs différentes propensions à user ou abuser des humains. Ici, bien sûr, ce sont les amours adolescentes de Sabrina et Harvey qui sont intelligemment mixées avec une histoire de vieille vengeance maléfique, conduisant crescendo au summum de cette fin de première partie.

La traduction de Marie Paul Noël est fluide, on regrettera juste un lettrage un peu petit, ne facilitant pas la lecture. Ce premier tome surprend cependant pas sa maturité, et ses parti pris esthétique et scénaristique puissants. Une belle réussite, qui, on l’espère, augure de beaux lendemains à la ligne du relaunch de Archie comics chez Glénat.

Franck GUIGUE

 

(1) Espérons une publication de ces épisodes chez Glénat et l’on notera aussi, dans le même registre horrifique, les séries parallèles « Archie VS Predator », que les éditions Wetta ont édité en février 2018 pour la France. « Archie vs. Predator », par Alex de Campi et Fernando Ruiz.

A lire : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/26/riverdale-sabrina-derriere-les-series-tele-le-depoussierage-gagnant-d-une-franchise-de-comics_5375098_4408996.html

Couverture alternative de Francesco Francavilla

« Les Nouvelles Aventures de Sabrina » par Roberto Aguirre-Sacasa et Robert Hack
Éditions Glénat comics (12,50 €) – ISBN : 9782344036242

 

Galerie

13 réponses à « Les Nouvelles Aventures de Sabrina » : Sabat Master chez Archie comics !

  1. Crissant Clavier dit :

    Chasse aux sorcières pour Robert Crumb en proie à l’hygiénisme ambiant qui déchaîne une réévaluation de son oeuvre dans certains milieux…… artistique : https://reason.com/2019/04/29/cancel-culture-comes-for-count/

    Une archéologie de l’outrage se met en place partout en guise de relecture ,pour satisfaire ceux qui semblent avoir pour seul passe-temps la recherche de sujets qui les scandalisent et les offensent.

  2. Franck G dit :

    Très intéressant article (un peu ardu et long), qui fera écho, j’imagine, aux critiques concernant les premières oeuvres de notre « Hergé ». Le temps est un peu au révisionnismes de tout genre, mais en même temps, comme il est écrit : comment évaluerions ces histoires, en nous mettant dans la peau des personnes se sentant bafouées » ?… L’essentiel sans doute est que les livres restent disponibles. Chacun lisant ensuite ce qu’il veut.

    • caramel dit :

      « Le temps est un peu au révisionnismes de tout genre »
      nannnn ! : une petite explication de texte pour hergé (qui n’est pas le mien en passant)
      https://www.actuabd.com/L-abbe-Wallez-et-les-amis-fascistes-d-Herge

      • Franck G dit :

        Quand j’écris « notre » Hergé, c’est pour parler bien entendu de la proximité frontalière avec ce grand auteur, comparé à ceux, américains, dont est il est question dans l’article en lien. Et pour le reste, il est de notoriété publique que ces dernières années ont vu revenir un certain puritanisme, et parfois même une tentation de révisionnisme. (cf l’affaire Charlie par exemple). Lorsque l’on descend, pour le coup, les 1ers albums de Hergé, oubliant le contexte de leur publication, et que l’on demande à les censurer, cela me fait bondir. Que l’on n’ait pas envie d’encenser certains auteurs est une chose, vouloir revoir ou réécrire leurs oeuvre en est une autre. Et que je sache, chacun a droit à ses erreurs. Lui s’en est très bien expliqué ensuite. Ce qui arrive à Crumb me laisse sceptique, même s’il a toujours été sulfureux. Mais peut-être ceux qui l’attaquent sont-ils jaloux ce sa notoriété ?

        • Crissant Clavier dit :

          Le plus consternant est de voir Crumb se justifier maladroitement et ramper devant les promoteurs de l’hygienisme ambiant : https://www.theguardian.com/books/2019/mar/07/robert-crumb-i-am-no-longer-a-slave-to-a-raging-libido

          Au niveau du révisionnisme, les réactionnaires d’extrême gauche font le concours avec ceux d’extrême droite question surenchère et connerie. Avec pour les premiers l’assurance d’être dans le camps du bien et la bonne morale .

          Bah.

        • caramel dit :

          Personne ne parle de censure et personne n’oublie le contexte, au contraire il est parfois bon de le rappeler à la veille de la commémoration du 8 Mai .
          quant on lit ce que vous écrivez : « chacun a droit à ses erreurs.  »
          Les noms sur les plaques de marbre appréciront c’est certain.

          • Richard Upton Pickman dit :

            Et allez on est reparti avec caramel pour une séance d’autoflagellation devant chaque plaque de marbre qui traine. Ce n’est plus du puritanisme, c’est de la chasse aux sorcières, à quand les autodafés ? (tout ce qui ne rentre pas dans le moule des bien pensants doit être « révisé ou détruit », cela ne vous rappelle rien ?) Bientôt interdit de lire les Tintin des années 30, Lovecraft, Howard, Ewers, Meyrink et j’en passe pour satisfait les révisionnistes de tous poils. Il n’y a pas longtemps j’ai lu une introduction d’Edouard Drumont dans un livre de Gaston Coindre. Je n’en suis pas mort, je n’ai pas honte, j’ai pris cette intro pour ce qu’elle est et l’ai ramené à l’époque à laquelle elle appartenait (gros effort intellectuel vous voyez, 15 jours pour m’en remettre !) Pour caramel : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89douard_Drumont
            Vivez et laissez vivre, lisez et laissez lire, et arrêtez de nous bassiner avec votre bien-pensance de pacotille, on sait d’avance ou elle nous mènera. Quand on commence à réévaluer ou réécrire, la rééducation n’est plus très loin…Merci Messieurs Crissant & Frank pour vos points de vues qui ont encore le mérite d’exister et d’être publiés.
            Et le livre de Coindre est excellent…même avec Drumont dedans…

          • PATYDOC dit :

            Qu’est ce qu’il est collant ce caramel

          • caramel dit :

            A richard
            « tout ce qui ne rentre pas dans le moule des bien pensants doit être « révisé ou détruit »
            Ha HA , ben voyons c’est moi qui trouve des excuses à hergé.
            crétin !

          • Richard Upton Pickman dit :

            Je n’en attendais pas moins de caramel : quand il est au bout de ses argument il insulte. Un vieux dicton chinois dit : l’insulte ne blesse que celui qui la donne. Le crétin vous souhaite une bonne soirée et vous salue bien. Et laissez ce pauvre Hergé dormir en paix, il a laissé une belle trace dans l’histoire lui, même s’il n’était pas parfait, mais après tout qui l’est ? On verra comment nous serons jugés dans 90 ans….

          • caramel dit :

            On verra comment nous serons jugés dans 90 ans….
            Ben comme un crétin
            c’est tout

          • Richard Upton Pickman dit :

            Bof, comme vous en êtes un autre et en beaucoup plus grand sur l’échelle de la bassesse ambiante, je ne suis pas en soucis. Pas la peine d’utiliser de l’encre virtuelle pour me répondre, car votre vocabulaire s’étant arrêté au mot crétin, je doute que vous puissiez hisser votre niveau. Ave Atque Vale.

  3. JC Lebourdais dit :

    Archie est depuis bien des decennies une serie qui vogue sur l’air du temps en Amerique, avec cette bande de teenagers dont le style a su evoluer au fil des epoques. SABRINA est une excellente serie de Netflix qui remet bien le personnage au gout du jour. La version francaise est un peu penible a ecouter donc si vous comprenez l’anglais, vous prefererez la VO, le travail vocal des acteurs etant digne d’atention.

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