« Judge Dredd : les affaires classée T4 » : comme un hommage sucré à Ron Smith…

Les éditions Delirium continuent la publication chronologique en recueils cartonnés de la série classique « Juge Dredd ». Si 39 excellentes histoires datées 1979-80, tirées des progs 116 à 154 sont ici rassemblées, et 10 dessinateurs pour les illustrer, 23 sont l’œuvre de Ron Smith, qui nous a quittés il y a un an, le 10 janvier 2018.

John Wagner (alias John Howard) signe l’essentiel des scénarios. Après 6 pages nous présentant Vienna, la « nièce » de Dredd, dessinées par Ian Gibson dans un style assez seventies, les choses sérieuses commencent avec une série de récits dessinés par Ron Smith.Si cet auteur, né en 1928, l’un des plus productifs de la série depuis 1979, est entouré par Brian Bolland, Mike Mac Mahon, Garry Leach ou même Dave Gibbons, artistes aux noms respectés, son dessin dynamique et à l’encrage précis saute aux yeux.
John Wagner, de son côté, s’il est champion pour insuffler un humour second degré hilarant dans ses scripts de science-fiction pourtant violents, (voir l’épisode « Citybloc 2 » où un homme est heureux de se faire arrêter, condamné aux travaux forcés, parce qu’il est au chômage depuis trop longtemps), que dire des « Contes du journal de Walter », chroniques du robot ménager du juge Dredd. Celles-ci sont racontées par Walter à ses collègues métalliques dans le Lavomatic où il amène le linge du fonctionnaire. « Quelle belle histoire, Walt » concluent-ils…Évidemment, Brian Bolland assure, que ce soit sur « Les Crimes éternels » (prog 130), les deux premiers chapitres « Le Père nature » (prog 122 et 123), ou surtout « La Nuit des monstres » (prog 127), et « Judge Death » (149 à 151), mais son dessin reconnu, presque trop propre par moment en comparaison, est catapulté par celui de Ron Smith, fait de hachures précises, de dynamiques puissantes, d’explosions acides, de faces crispées, de flammes…On s’arrête pour se délecter de chaque case. A se demander si le scénariste n’a pas gardé ses meilleures histoire pour lui.

L’épisode « Le cobaye qui changea la loi », dessiné par John Cooper, s’il est aussi assuré dans un style de revue anglaise seventies, dénote avec un scénario abordant le sujet de la cause animale et des expérimentations. Surprenant, mais comme beaucoup d’autres récits de ce recueil, utilisant l’humour pour passer des sujets politiques, ou sociaux, dramatiques, de premier ordre : le chômage, le manque d’éducation, la perte de parents, les carrières ratées, le fanatisme, les dérèglements de tout ordre causés par l’homme… Ces thèmes se révélant un des atouts majeurs de cette série, dont le caractère « premier degré » des juges masqués sur moto apparaît comme l’arbre qui cache la forêt.De nombreux très bons moments, présentant ou remettant en avant des personnages ou des inventions importants, sont proposés : le juge russe Molotov, les Kreggs (ou ce qu’il en reste), Otto Sump, l’homme le plus laid au monde, les juge féminins Sweeney et Harkness, le Juge Death et la psi Andersson, l’amusement populaire le Boing, les graines aliens, les bonbons de l’oncle Umps, et on peut à cet égard, sans se tromper, accorder une réussite de plus de 98% à ce tome 4. Les quatre parties de l’épisode de la peste noire restant parmi les plus mémorables de la série, mais cela fait abstraction des trois chapitres de Juge Death évidemment, summum du genre zombiesque dans les comics, que l’on avait pu lire en leur temps dans les pockets Arédit et dans un des deux albums des Humanoïdes associés. (Quelle superbe interprétation du psi Anderson par Brian Bolland, on ne s’en remet pas !)
Les épisodes de la « La Peste noire », une invasion d’araignées sanguinaires via la terre maudite et dans Méga City One, bien qu’ils aient quant à eux été précédemment proposés en français en 2013 par les éditions Soleil dans leurs propres intégrales, ont été vite épuisés, et restaient invisibles.
Magnifiquement rendu par le trait de Ron Smith, c’est à un feu d’artifice SF et d’horreur auquel on est convié, au long de 22 pages (progs 140 à 143). Un vrai régal de noir et blanc, et un summum du genre, digne des meilleurs récit EC comics, serait-on tenté de dire, mais brillant largement au dessus de ceux-là, grâce à une ampleur rarement égalée. Et toujours la touche d’humour finale typique…On l’aura compris, ces « Affaires classées tome 4 » sont une porte d’entrée formidable pour n’importe quel lecteur souhaitant découvrir ou redécouvrir cette série de science-fiction vraiment pas comme les autres, et ce n’est sûrement pas Walter, le robot ménager du juge Dredd, qui me contredira. Un indispensable !

En 2018, un bel hommage à été rendu à Ron Smith sur la toile. On peut le retrouver à cette adresse : https://downthetubes.net/?p=103667&fbclid=IwAR1MiBopBbByps1y1H23dZXn3qrYlIgG4hvQ9CTEAclHlLM638iyLQp0cSM

 Franck GUIGUE

« Judge Dredd : les affaires classée # 4 » par John Wagner, Patt Mills, et Ron Smith, Brian Bolland, Mick McMahon…
Éditions Délirium (34 €) – ISBN : 979-10-90916-43-2

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>