Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Une fine lame de la BD revient !
« Capitaine Sabre » apparait dans les pages du journal Tintin dès 1979, puis en albums au Lombard, à partir de 1983. 7 albums verront le jour que les éditions du Long Bec vont rééditer en deux tomes avec des récits courts inédits en albums. Dans le genre Bernard Prince ou Capitaine Troy à la télévision dans les années 60, Gilbert Sabre (ben, oui, il s’appelle Gilbert) est un héros qui fait son petit commerce avec son petit bateau et son fidèle Samu…
Histoire de lancer le personnage et de le tester auprès des lecteurs, Gine, alors tout jeune auteur et connu depuis pour la série « Neige », lui fit vivre des histoires courtes, regroupées dans le premier volume, « Le vol du pélican ». Dans les années 1930, le marin vit ainsi de nombreuses aventures en Thaïlande, à Macao, dans l’Ile de Timor (partie portugaise) ou aux Célèbres, enfin à Hong-Kong. Gine aime alors dénicher des îles inconnues, reculées, telles Coleane face à Macao ou Saleiger au sud-est de Macassar. À une époque où il ne suffisait pas de taper le nom sur Internet pour en vérifier l’existence ou la localisation, l’inconnu était au rendez-vous, atmosphère coloniale en prime.
Les épreuves sont multiples : Sabre est confronté à un typhon, à des requins mais également à de dangereux pirates, à un bandit missionnaire, à l’équipage décédé d’un hydravion perdu en mer de Chine et à la fascinante chanteuse de cabaret, Miss Visage. À Hong-Kong, puis en Chine (au nord de Canton), dans le cadre des combats entre les Chinois du « Kouo-Min-Tang » de Tchang Kaï-Chek et les « Rouges », Sabre doit faire face à la guerre civile, aux seigneurs de la guerre chinois et aux soldats japonais pour retrouver son ami Samu.
Gine continue de se promener dans le fil du Santa-Cruz, le bateau de Sabre, qui remonte le Li-Kiang, l’auteur s’efforçant de perdre son lecteur dans cette Asie en révolte, n’oubliant ni les moines et les fantômes, ni les cauchemars et les pillards, jusqu’au retour de la très sexy Miss Visage dans le tome 2 auquel elle donne son nom. Alors que Gine compromet régulièrement son héros dans de sales affaires, multipliant les actions rocambolesques – quand Sabre perd son bateau, il lui reste, tel un Tintin du « Lotus Bleu », le side-car, la voiture, la course… – il aime aussi entraîner son personnage dans des histoires teintées de fantastique, ce qui est le cas dans « Le double Neuf d’or ».
La réédition des trois premiers volumes (sans les couvertures, malheureusement), est complétée dans ce premier tome par des récits divers et variés (hommages à Ric Hochet, Corentin et Cuvelier…), parmi lesquels on retiendra « L’Homme des bois », six très belles planches en noir et blanc entre peuple Dayak et « Livre de la jungle » ou « Les yeux de l’île », histoire dans laquelle, suite à un naufrage, Sabre fait une étrange rencontre…
Le tome 2 réunira les 4 épisodes restants, évidemment les meilleurs. Dans « La Croisade des saltimbanques », un petit groupe d’artistes (marionnettiste, montreur de chiens savants…) guidé par Sabre s’enfonce dans la forêt vierge de Bornéo à la recherche d’une riche héritière qui soigne les lépreux. Avec « Écrit par la tempête », découverte du Bhaïlam, petit pays supposé situé entre le Laos, la Birmanie et la Thaïlande, qui subit un régime de terreur. Dans le sixième volet, « Le Dieu Cargo », Sabre, seul survivant sur une chaloupe, dérive au large des Philippines. Il embarque bientôt à bord d’un navire abandonné et atteint, à son bord, toujours seul, une île où à son arrivée une tribu primitive et cannibale le prend pour un Dieu. Loin de là , à Hong-Kong, le sort du Quomodo et sa cargaison de pierres de yap, monnaie sacrée des îles Caroline (Océanie), intéresse des individus peu recommandables « travaillant » pour l’Allemagne… Enfin, avec « Sur la route Mandarine », Sabre accompagne un instituteur français au lieu de sa mission dans une région du Haut Tonkin particulièrement troublée par la bande de Phat-Pot…
Cette réédition est donc une belle initiative pour découvrir les débuts d’un auteur qui a désormais une très belle œuvre derrière lui. À noter que dans les années 2000 / 2004, Gine a réalisé « Nouvelles de Sabre », 7 numéros d’une revue où il réédita certaines des histoires courtes reprises dans ce premier volume, des crayonnés, etc. en invitant également quelques-uns de ses amis dessinateurs.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
 « Capitaine Sabre T1 » par Gine
Éditions du Long Bec (32 €) – ISBN : 979-1-0924-9987-2
Bonjour,
Je regrette toujours que les éditions du long bec ne reprennent pas dans leurs intégrales les couvertures des albums parus à l’unité. Les planches sans la couverture, quel dommage !