Comics 2018 : et pour quelques pépites de plus…

L’année 2018 s’achève et les habituels classements de fin d’année tombent sur les sites et revues consacrées aux produits culturels de tout genre. Plutôt que de donner une vue, comme l’année dernière, d’une vingtaine de titres ayant marqué ces douze derniers mois, je vous propose plutôt aujourd’hui une séance de rattrapage, mettant en lumière 10 titres que j’ai trouvé particulièrement intéressants, mais que je n’ai pas eu le temps ou l’opportunité de chroniquer précédemment dans cette rubrique. Bonnes lectures, joyeuses fêtes de fin d’année, et meilleurs vœux pour 2019 !

« Super War » par Reed Tucker

Il fut un temps où les histoires de super héros ne laissaient apparaitre que le nom de la série ou du héros sur la couverture de la revue, voire exceptionnellement un nom (de dessinateur) discrètement glissé au sein de la première page dans une vignette… Je vous parle d’un temps, les années quarante à soixante, ou DC était LA maison d’édition principale de comics qui dictait sa loi dans les kiosques. The Shadow, Superman, Batman, Wonder Woman, Green Lantern et Flash étaient les figures tutélaires et l’objet d’histoires assez classiques et policées, vecteurs de morales paternalistes encrées dans les trente glorieuses.

Elle était dirigée depuis le milieu des années trente par de vieux messieurs serrés dans leurs complets vestons qui ne comprenaient rien à la bande dessinée et au super-héros en plein essor alors, réponse à la crise de 1929 et à un besoin d’évasion. Ils géraient leur entreprise comme s’ils avaient vendu des stylos billes. Tout cela s’est mis à changer petit à petit lorsque le jeune Stan Lieber d’abord assistant chez la petite firme concurrente Atlas a eu l’opportunité au début des années soixante, de créer ses propres histoires, accompagné entre autre par Jack Kirby. Ils ont alors donné aux teenagers vivant la naissance du rock’n'roll en direct et aux plus grands ayant grandi avec « Superman », des personnages et des histoires dignes de leur époque, porteurs d’émotions, d’humanité et de fureur. DC n’eut alors qu’à bien se tenir.

« Super War », (« Slugfest » aux Etats-unis), troisième livre de Reed Tucker (1), journaliste américain free lance ayant travaillé dans le passé pour le Time Out puis au New York Post raconte par le détail cette histoire de « guerre » entre ces deux maisons, devenues géants chacune à leur tour, et le combat de titan qu’elles se mènent depuis les années 40. L’occasion pour tout amateur de mettre enfin des noms sur les hommes aux manettes derrière ces deux sociétés, mais aussi d’expliquer comment les dessinateurs ont pris le pouvoir à l’aube des années soixante, pour imposer leur rôle primordial dans l’élaboration d’un « bon » comics. L’importance de la couverture, bien sûr, sur les ventes, mais aussi d’univers en adéquation avec la période et les attentes du lectorat. Bienvenu dans l’école des réformateurs : Stan Lee, Jack Kirby, mais aussi Carmine Infantino, Arnold Drake, Joe Orlando, Jim Shooter, Roy Thomas, Neal Adams, Dick Giordano, Steve Skeates, Berni Wrightson, Tom Palmer, Herb Cooper, Ron Marz, Paul Levitz, Jerry Ordway…

« Que se passera-t-il lorsque Stan Lee disparaîtra et que le visage de Marvel deviendra alors celui d’un vice-président en charge de l’édition ? » (2) La réponse à cette question malheureusement divinatoire, posée en fin d’ouvrage, ne sera pas apportée, mais « Super War » demeure néanmoins un récit très bien documenté et passionnant, permettant, en une seule traite et comme jamais encore en français, de s’attarder longuement sur les détails économiques et de management ayant construit l’Empire commercial que l’on connait aujourd’hui. Avec le roman graphique « Joe Shuster » paru cette année chez Urban comics, l’un des deux ouvrages les plus indispensables sur le médium !

(1) Après celui consacré à la série TV « La famille Osbourne » (« The Osbournes Unf***ing Authorised: The Completely Unauthorized and Unofficial Guide to Everything Osbourne », 2002), et un au baseball, avec Andy Bagwel » : « Duke Sucks: A Completely Evenhanded, Unbiased Investigation into the Most Evil Team on Planet Earth », 2012).

(2) On se reportera utilement à ce sujet à l’hommage sympathique, normal et attendu de Panini comics, qui, pour un prix correct a proposé ce mois de décembre l’anthologie « Je suis Stan Lee », regroupant 17 récits, allant de 1953 à 2014, écrits par feu le maître des idées, nous ayant quitté récemment. Une très belle occasion de se plonger ou replonger dans des récits classiques (premiers épisode de : Spider-Man, des Quatre fantastiques, des X-Men, le retour de Captain America, ou des histoires bien moins connues, le tout accompagné d’un peu d’éditorial. Voir référence en fin d’article).

« Paper Girls T4 » par Brian K Vaughan et Cliff Chiang

Avant-dernier tome d’une des séries phare du comics de genre indépendant. Brian K Vaughan confirme son très grand talent de conteur et parvient à maintenir un suspens et un intérêt majeur sur cette histoire de science-fiction à la tonalité très teenager. « Teenager » parce que nous suivons bien entendu les traces de la bande de copines : Erin, Mac, Tiffany et Kj, jeunes adolescentes vendeuses de journaux à vélo d’une petite ville américaine en 1988, ayant été amenées à voyager dans le temps.
Après avoir rencontré d’étranges personnages du futur tentant de se rebeller contre une sorte de dictature du tout numérique, objet de guerre titanesque dans un espace temps déchiré, puis avoir été projetée dans un passé préhistorique, la bande a été séparée, Tiffany étant catapultée en l’an 2000. L’occasion dans ce tome de se retrouver enfin, mais avec un double du futur à gérer et un camp à choisir… L’occasion de discussions avec quelques « observateurs » engagés de leur époque et d’une critique de notre société au passage, Brian K Vaughan excellant dans ce registre.

Au delà d’un scénario très bien écrit et digne de séries TV à succès telles « Stranger Things », c’est un réel plaisir que de retrouver à chaque fois le dessin sensible et rond de Cliff Chiang, colorisé agréablement par Matt Wilson et Dee Cunniffe. L’artiste donne toute son identité adolescente au récit, et allie au sérieux du scénario un style graphique sensible et reposant. De quoi nous faire voyager sans souci sur encore au moins un tome. L’une des meilleures séries comics de ces cinq dernières années, à lire absolument ! Une intégrale serait à prévoir, mesdames et messieurs d’Urban comics.

« Providence intégrale » par Alan Moore et Jacen Burrows

Panini comics a enfin rendu possible la lecture intégrale de cette série ambitieuse mettant en abîme l’univers de Lovecraft. Ce pavé renversant constitue la deuxième partie d’un projet débuté en 2003 (et même bien avant si l’on considère les textes originaux perdus du scénariste) : la mini série « Courtyard », scénarisée par Anthony Johnson et mise en image par Jacen Burrows chez Avatar Press à cette époque. Celle-ci fut publiée en deux comics, complété par un sequel en 2010-2011 sous forme de quatre comics intitulés « Neonomicon » (Intégrale sous ce titre chez Urban comics en 2013).

Dans « Providence », plutôt que l’aventure délirante de l’agent du FBI Aldo Sax, Alan Moore nous propose de suivre le parcours de Robert Black, jeune journaliste homosexuel du New York Herald en 1919. Celui-ci a pour projet d’écrire un roman dévoilant les légendes de la nouvelle Angleterre. Pour cela, et partant du constat de l’existence d’une copie d’un livre très ancien : le Kitab, à Manchester, il va s’y rendre ainsi que dans les villes de Salem, de Saint Anselm puis Providence, interrogeant de nombreuses personnes, toutes plus intéressantes ou étranges les unes que les autres, certaines frappées par un mal semblant provenir d’une chute de météorite, et vivre des événements qui vont changer sa vie et sa conception du monde réel.
Utilisant pertinemment un déroulé liant le parcours géographique du journaliste à celui, mental, de ses découvertes, Alan Moore nous emmène sur les traces d’érudits ayant abordé cette thématique, mais surtout la confrérie Stella Sapiente, au cÅ“ur d’une sorte de complot invasif extraterrestre, permettant de délivrer au passage des aspects biographiques d’auteurs tels Lord Dunsanny et HP Lovecraft. Pour ce dernier, l’auteur imagine une rencontre assez longue entre les deux hommes, sorte de point d’orgue de l’histoire. On découvre un jeune Lovecraft alors au début de sa notoriété, expliquant l’origine de ces récits improbables qui influenceront plusieurs générations d’auteurs et d’intellectuels, ainsi que toute un pan de la culture populaire. L’occasion aussi d’appuyer sur certains traits moins glorieux, comme son antisémitisme primaire.

« Providence », grâce à un scénario précis et très bien documenté, appuyé par des insertions d’extraits du vrai faux journal de Robert Black, parvient à nous immerger dans un maelstrom de pensées étranges, partageant les expériences malsaines du narrateur, sensations typiques de l’Å“uvre du grand auteur de Providence. Du grand Å“uvre, appuyé par le dessin agréable quoi qu’un peu « clinique » de Jacen Burrows, qui rappellera par certains aspects celui de Dany Mourain, auteur oublié ayant dessiné la série toute aussi étrange « Les Contes de Wild Och » scénarisée par Robert Génin dans la revue Formule 1 , au moins durant l’année 1978 (j’y reviendrai). Sont ajoutées à cette édition intégrale toutes les couvertures, classique et variantes, plus neuf pages éditoriales d’analyse intitulées : « Le début est la fin ». Providentiel, et déjà rare et cher !

« John Prophet T3 : L’Empire… » par Roy Simon, Graham Brandon…

Les Johns, clones humains aux apparences diverses, continuent à se réveiller au travers de la galaxie et aident le plus ancien à bloquer la réinstallation de la race humaine dans un univers où celle-ci a été oubliée depuis longtemps.

Comme déjà évoqué en 2013 à propos du tome 1 chroniqué sur un autre site ami, « John Prophet » fait partie de ces comics alternatifs de science-fiction certes peu aisés à la lecture, et pourront refouler les amateurs de bande dessinée classique au premier abord. Ce tome concluant la série, encore plus épais que les précédents avec ses 584 pages, développe néanmoins une histoire, qui, sil elle fait beaucoup appel à notre imagination pour « voir » ce futur lointain, est marquée par une richesse créative débordante. Celle-ci se fait surtout ressentir sur les paysages traversés et la multiplicité des personnages et créatures rencontrés, évoquant les univers de génies tels Matsumoto (« Number Five »), Jodorowsky dans « L’Incal », ou Moebius dans « Arzach » voire « Les Jardins d’Aedena » sur le chapitre 12 dessiné par Dave Taylor.

« John Prophet », série de space opéra philosophique audacieuse, débutée en 2012 pour ce relaunch d’une licence quelque peu oubliée créée en 1999 par Rob Liefeld. nous emmène très loin et dévoile une œuvre monumentale, digne des meilleurs romans classiques de Science-fiction. Si Bliss comics se pose comme le réceptacle d’univers comics ahurissants en termes de grandeur scénaristique et graphique, Image comics et donc Urban comics, détiennent la couronne des éditeurs accueillant un des plus ambitieux projets du genre. Grâce leur soit rendue d’avoir porté la publication de cette série jusqu’à son terme.

« Animosity T2 : le dragon » par Marguerite Bennet, Rafael de Latorre

Où l’on retrouve la petite Jesse, Kyle et ses compagnons animaux, sur le chemin de leur exil vers la Californie. Ceux-ci doivent évidemment être sur leurs gardes, car, comme dans la série « Walking Dead », chaque étranger croisé, humain comme animal peut être dangereux. C’est le cas du
Dragon, un rapace sadique, adulé par une bande d’animaux à ses ordres, qu’il nourrit en tuant tous les visiteurs de passage dans la forêt où il règne. Dans un second temps, la petite bande va faire la connaissance d’une communauté apparemment pacifique, installée dans une ferme écologique, qui s’est malheureusement mis à dos une ruche intelligente…

Ce second tome d’une histoire dont le premier chapitre en recueil a été chroniqué sur ce site tient ses promesses. « Animosity » révèle une écriture féminine de qualité, pleine de sagesse. Marguerite Bennet connait ses classiques, comme « La Ferme des animaux », mais nous entraine avec talent dans une aventure de type Road movie originale, aux accents animalistes et écologiques fort. C’est tout le sel de cette histoire, magnifiquement mise en images par le doué Rafale de La Torre, dont on attend la suite avec impatience. Une série que l’on pourrait juger tous publics, mais non dénuée de moments dramatiques forts, publiée par une petite structure française n’en finissant pas de surprendre.

« Sous la maison » par Jesse Jacobs

Un sous-sol de maison dans un quartier résidentiel moyen. Une machine à laver. Et Daisy, une jeune lycéenne au tempérament plutôt calme, qui a découvert une porte vers l’improbable… Dans ce monde de réalité parallèle, fait de formes et de créatures étranges aux couleurs arc en ciel que la jeune fille veut faire partager à ses amis, existe cependant un ordre dont le déséquilibre peut avoir des conséquences fâcheuses. Préparez-vous à vivre une expérience onirique et graphique exceptionnelle avec cet étonnant récit psychédélique.

Jeune auteur canadien ayant déjà deux ouvrages publiés aux éditions Tanibis, mais dont je n’avais fait que survoler jusqu’à présent le style graphique, Jesse Jacobs séduit avec un dessin, certes typique de la scène alternative issue des beaux arts, mais aux intentions scénaristiques aussi étranges que la forme est radicale. Ses cases noires et blanches au formes très droites et angulaires (la régularité de la vie dire « normale »), laissent en effet la place à des scènes d’art brut quadrichromique d’une autre dimension lorsque le voyage commence. Une expérience sensorielle nous entraînant d’abord avec un sentiment de surprise, puis d’angoisse, et enfin d’envie et de délectation.

Entrer et ressortir de « Sous la maison » (« Crawl Space » en version originale, publié en 2017 chez Koyama Press, au Canada) équivaut à une authentique aventure, à la fois esthétique et psychologique. Un bel ouvrage à offrir, qui mettra de la couleur dans votre esprit.

« Conan : les comic strips inédit 1978-1979 » par Roy Thomas, Ernie Chan et John Buscema

Quel plaisir coupable de retrouver de nouveaux épisodes du barbare le plus sympa de Cimmérie (et de la bande dessinée) : Conan, avec 207 pages de strips inédits, datés 1978-1979, dans une traduction de notre collègue Jean Depelley. Pour sa part, Roy Thomas lui-même explique l’origine du projet dans une introduction : celui-ci rêvait de pouvoir travailler sur ce format.

La mise en page reprend le rythme classique de 6 bandes en noir et blanc puis une page couleur avec un bandeau récapitulatif à chaque fois (que l’on passe donc pour ne pas perturber la lecture en continue), pour huit histoires en tout, loin d’être désagréables. John Buscema assure la première, puis Ernie Chan dessine les suivantes. Les amateurs du héros créé par Robert E. Howard seront aux anges, car il faut bien avouer que le travail est de qualité, dans un format à l’italienne grand format séduisant et un cartonnage/maquettage sobre mais réussi. Néofélis fait partie de ces (petits) éditeurs qui gâtent leurs lecteurs, offrant de belles tranches de patrimoine pour tout passionné de comics historique, et cette année a été particulièrement fructueuse à cet égard.

On guette d’ailleurs les prochaines parutions 2019, avec les annonces de « L’intégrale Red Sonja », par Frank Thorne, et « John Carter from Mars » par Gil Kane, Dave Cockrum et Rudy Nebres. Miam.

« Virginia Hill » par Christophe Girard et Mk Deville

« Virginia Hill » n’est pas franchement un comics, puisqu’il a été dessinée et écrit par une équipe bien française, mais son format et son contenu auraient tout à fait pu tomber « sous le coup de la loi américaine », si je puis m’exprimer ainsi. En effet, Mk Deville s’est documenté afin de raconter aux lecteurs la vie trépidante de cette jeune femme, issue d’un milieu très modeste, s’étant prostituée pour survivre, et qui va intégrer le milieu mafieux des années trente aux Etats-Unis opportunément, afin de s’en sortir. Elle deviendra ainsi l’un des plus actifs brigands de ce milieu, menant la grande vie, jusqu’à son interpellation comme « témoin » (sic) en 1951.

C’est justement son audition, montée devant la commission Kefauver cette année-là, pour dénoncer le crime organisé, qui fait l’objet du début de la narration, effectuée ensuite sous forme de flash back, afin de suivre Virginia dans sa montée en puissance, ou sa descente, c’est selon, puisqu’elle sera témoin voire complice de quelques crimes odieux, étant amante entre autres du célèbre Bugsy Sieger, avant de se réfugier en Europe et finir sa vie tranquille.

Magnifique couverture à l’aquarelle couleur, donnant envie d’en savoir plus, c’est ce qui m’a fait me rapprocher de Christophe Girard sur son stand lors du festival BD d’Ambierle cette année. Bien m’en a pris car j’ai découvert là non seulement un dessinateur au talent incroyable, avec une rigueur et de nombreuses très bonnes idées, mais aussi quelqu’un de très gentil, au cœur d’une petite structure d’édition : Les Enfants rouges, au catalogue particulièrement remarquable.
Si le scénario de « Virginia Hill », donc adapté de faits réels, nous emballe, le dessin à la fois précis et tout en liberté souples de Christophe Girard séduit immédiatement. Il apparaît au premier abord comme réalisé avec un trait ébauché, à peine retouché pour l’encrage, mais qui révèle pourtant aucune approximation dans les cadrages, les poses, les mesures et les expressions. Bref, une belle découverte, qui, je le confirme, me prête à penser que ce duo-là pourrait fonctionner sur le marché américain. Étrange, subtil, et réussi.

« Depth H T3 » par Matt et Sharlene Kindt

Les naufragés de la station sous marine Depth H tentent une sortie à bord de leur mini sous-marin dans le but de rejoindre les collègues partis plus tôt dans la grotte plus en dessous. Un calamar géant guette leurs mouvements, risquant de les attirer à lui avec ses longs tentacules. Pendant ce temps, et alors que l’objectif ultime est de rejoindre la surface, quand bien même la base en surface ne veut pas d’eux, les pensant contaminés, Mia est assaillie par de nombreux souvenirs. Le fil de sa venue ici se déroule devant elle, offrant aux lecteurs des bribes de pistes pour essayer de comprendre.

Cet avant-dernier tome garde toujours ce subjuguant attrait de thriller, même si le fantastique regagne en intensité ici, grâce aux créatures monstrueuses effectivement montrées, qui font l’objet de contacts très rapprochés avec certains membres de l’équipe. L’autre thématique importante, celle des virus et de la lutte que se livrent les continents pour s’approprier leurs pouvoirs de contagion, donne un aperçu plus précis de ce vers quoi veut nous entraîner vraiment Matt Kindt : un polar sociétal moderne. Cela n’empêche pas de sourire à l’occasion, par exemple au clin d’oeil apporté sur le nom du professeur barbu Blake Mortimer.
Le charme opère encore à 100% sur ce roman graphique ambitieux mais agréable, mêlant enquête policière (on apprend que Mia à travaillé pour Scotland Yard), thriller psychologique, histoire fantastique, et dénonciation de dérives scientifiques et politiques (les camps de quarantaine de réfugiés montrés sommairement mais explicitement au passage).
Le mariage sensible du trait étonnement pertinent de Matt Kindt et des couleurs pastel de sa femme Sharlene reste solide et efficace. Vivement la conclusion !

« Creepy spécial Richard Corben » par Richard Corben

Pas un comics en soit ni un album, puisque ce fascicule de 40 pages a été « offert » dans l’édition de luxe des participants au projet Kiss Kiss Bank Bank lancé par Laurent Lerner des éditions Délirium à l’occasion de l’édition de l’intégrale « Grave : les Contes du cimetière » de Richard Corben. Ceci afin d’abonder dans le sens de l’édition en recueil de ces histoires à la mode de la revue Creepy des éditions Warren (3). Il n’empêche que cette revue limitée, et donc rare, nous permet de lire trois histoires inédites en français de l’auteur d’horreur texan, en plus de son interview par Roger Ash de Westfieldomics.com et d’un avant propos de Bruce Jones. Cela valait le coup d’en parler un peu.

« Les Illuminations de Charity Wallis » racontent la découverte d’un livre maudit par Booth Wallis, chercheur d’or, et comment cela l’a tué et a rendu folle sa femme. « Oncle Mangus » est mort et enterré, n’ayant pas indiqué l’emplacement de son trésor à sa femme, qui vient dormir sur sa tombe un soir de beuverie, afin de lui demander. Devinez ce qui va se passer…
« Ondes courtes », le plus original des trois histoires, apporte un peu de culture asiatique dans ce récit contant le triste héritage du jeune Danny Nash Wang, dont le père d’origine chinoise ayant combattu contre les japonais durant la seconde guerre mondiale est mort dans des circonstances tragiques tandis que sa femme s’est remise très vite avec un amant. Danny trouve par hasard au grenier une radio ondes courtes lui ayant appartenu, ainsi qu’un katana. Les ondes du souvenir vont avoir de bien étranges pouvoirs…

Un fascicule détonnant et indispensable pour tous les amateurs du maitre, qui se surpasse ici, allant même jusqu’à apporter de la couleur dans sa dernière planche, comme pour mieux signifier l’irréel et l’enfer. Richard Corben a obtenu le Grand prix d’Angoulême l’année dernière, et ce genre d’histoires démontre pourquoi. Complètement « creepesque » !

(3) Ces histoires proviennent de la nouvelle version de Creepy : Creepy comix, débutée en 2009 chez Dark Horse comics. Dans ce fascicule est reproduite, en plus de la couverture provenant du numéro 12, celle horrible du numéro 8, montrant un homme empalé.

Franck GUIGUE

« Super War » par Reed Tucker
Éditions Fantask (25 €) – ISBN : 978-2374940175

« Paper Girls T4 » par Brian K Vaughan et Cliff Chiang
Édition Urban comics (15,50 €) – ISBN : 9791026815242

« Providence intégrale » par Alan Moore et Jacen Burrows
Éditions Panini (36,95 €) – ISBN : 978-2809470055

« John Prophet T3 : l’Empire… » par Roy Simon, Graham Brandon…
Éditions Urban comics (35 €) – ISBN : 9782365775670

« Animosity T2 : le dragon » par Marguerite Bennet, Rafael de Latorre
Éditions Snorgleux comics (16,50 €) – ISBN : 978-2360140756

« Sous la maison » par Jesse Jacobs
Éditions Tanibis (18 €) – ISBN : 978-2-84841-045-6

« Conan : les comic strips inédits 1978-1979 » par Roy Thomas, Ernie Chan et John Buscema
Éditions Néofélis (28 €) – ISBN : 979-10-90314-13-9

« Virginia Hill » par Christophe Girard et Mk Deville
Éditions Les Enfants rouges (21,50 €) – ISBN : 978-2-35419-099-6

« Depth H T3 » par Matt et Sharlene Kindt
Éditions Futuropolis (22 €) – ISBN : 9782754822305

« Creepy spécial Richard Corben » par Richard Corben
Éditions Délirium (compris dans la version luxe de « Grave : Les contes du cimetière »)

Bonus : « Je suis Stan Lee » par Stan Lee, Jack Kirby…
Éditions Panini comics (25 €) – ISBN : 978-2809480665

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7 réponses à Comics 2018 : et pour quelques pépites de plus…

  1. Henri Khanan dit :

    Pas un Delcourt ou Glénat Comics? Ils ne vous envoient pas de SP, ou c’est que leur production 2018 est médiocre ou de qualité insuffisante?

  2. FranckG dit :

    Si, « ils » m’envoient des Sp, plein, ça déborde même, et d’ailleurs je les tiens à votre disposition pour les chroniquer…

  3. Henri Khanan dit :

    C’est vrai que certains albums,mêmes gratuits ne donnent pas envie. Tout est fonction de goûts, je vénère le francobelge, mais pas le comics, ni le manga. Maintenant si Glénat ou Delcourt ont publié des albums notables sur 2018 (on sait que Walking Dead se vend comme de petits pains… de viande!), vous en avez certainement parlé au cours de l’année.
    Ce que je note, c’est qu’il y a de très petites maisons dans votre liste (Snorgleux, Tanibis, Enfants rouges, Delirium, Neofelis), des petites structures qui travaillent sur la qualité plutôt que sur la quantité.
    Bien amicalement!!

  4. FranckG dit :

    Alors pour tout vous expliquer Mr Khanan, je ne reçois généralement que les services de presse que je demande, en amont, aux attachés de presse, relatifs aux titres que je juge intéressants à mettre en avant sur BDzoom dans cette rubrique spécifique. C’est le peu de subjectivité éditoriale, depuis plus que 20 ans que je chronique la bande dessinée, que je peux m’accorder, et cela serait sans doute différent sur un autre site, avec un autre chroniqueur…etc.

    Je m’engage personnellement à chroniquer tout ce que je reçois, si demandé de ma part, et encore davantage si reçu sous forme papier. Je respecte en effet la valeur du travail de chacun. Le temps que je passe à administrer mon propre planning d’articles et ou de chroniques, à effectuer ces demandes, à lire, rédiger, rechercher de la documentation supplémentaire, puis corriger et enfin mettre en page en ligne est faramineux, eut égard au bénévolat bien voulu de cette tâche. C’est une passion (dévorante) néanmoins, et je considère ce travail comme le juste retour sur « investissement » de la confiance que m’accordent les attaché(e)s de presse, que je préviens, la plupart du temps, de la publication effective des articles. Je m’occupe aussi de leur déploiement sur deux réseaux sociaux.

    Alors, si je fais attention à la diversité et l’équilibre des titres et éditeurs en présence, n’oubliant pas les petits éditeurs comme vous avez pu le remarquer, cela reste difficile et un peu aléatoire, reconnaissant que certains publient beaucoup plus que d’autres dans le domaine, et donc peuvent dérégler un peu les statistiques. Mais comme mes relations avec chaque attaché(e) est plutôt sympathique et respectueuse, et que je m’engage au mieux de mes capacités, allant même jusqu’à proposer des chroniques sur mon propre blog lorsque cela n’est pas possible en temps sur BDzoom, tout cela n’amène aucune sorte de tension ou de jalousie apparente.
    La diversité et la quantité de production sont réelles, et se retrouvent au niveau des chroniques dans différents sites, blogs et forums. A vous de vous faire une opinion. BDzoom ne prétendant à aucune exhaustivité.

    Cordialement.

  5. Henri Khanan dit :

    Bonsoir Franck, et merci pour ces précisions
    Je vous sens un peu irrité par mon commentaire, il n’y avait pas de quoi en vérité, il peut m’arriver de m’essayer à l’ironie ou à l’humour, et c’est tout à votre honneur de tenter de privilègier les petits labels. Je dois dire que je n’avais fait le rappochement entre le John Prophet d’Urban et le personnage créé par Rob Liefeld.
    Sur ce, je vous souhaite ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe de bdzoom de joyeuses fêtes!

    • Gary Khatur dit :

      « il peut m’arriver de m’essayer à l’ironie ou à l’humour » -> échec patent. L’ironie a bon dos

  6. Crissant Clavier dit :

    Une bien curieuse et intempestive andouille semble s’être évaporée dans le sillage du de circonstance boudin blanc du réveillon de Noël.Un rapport de verticalité bien singulier,qui illustre combien la populaire bande dessinée a changé,alors que dans le même temps les gilets jaunes,sans grades inaudibles et méprisés,manifestent leur exaspération contre l’exclusion et la récupération imposée par une caste dans sa bulle et ses suiveurs.C’est la fête.

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