Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Spécial « Aquaman »
Alors que sort sur les écrans le 19 décembre le premier film entièrement consacré à cet ancien personnage des éditions DC comics, il était temps de faire un point sur le parcours éditorial de ce héros, certes assez peu connu du grand public, mais haut en couleur. L’occasion de réaliser aussi un focus sur trois de ses plus récentes parutions françaises : « Aquaman Subdiego », « Aquaman Rebirth T4 : Détroné » et le patrimonial
« Aquaman : La Mort du prince ».
Le personnage d’Aquaman, créé par Paul Norris et Mort Weisinger, est né en 1941 dans la revue More Fun comics #73 avant d’être déplacé en 1946 dans la revue Adventure comics. Il fait partie des premiers super-héros, toujours en activité, de l’éditeur DC comics. On se rapportera aux images de l’article pour comprendre les premières origines de cet homme mi-terrien, mi-aquatique, révélées par lui-même dés le premier numéro. (En anglais, car malheureusement inédit en français).
S’il n’a pas été traduit en France de manière aussi suivie que ses collègues de la Justice League, dont il a fait partie dés 1960 aux côtés de Superman, Batman, The Flash, Green Lantern, Le Limier martien et  Wonder Woman, quelques publications ont tout de même été rendues disponibles dans les années soixante-dix. Tout d’abord dans les revues Aquaman série Pop magazine chez Arédit, dés son numéro 1, en 1970, (ci à gauche), pour un seul épisode daté 1959 (Adventure comics #267), considéré comme la première apparition de l’âge d’argent du personnage.
C’est le moment où celui-ci prend le nom d’Arthur Curry, fils de Tom Curry, un gardien de phare, et d’Atlanna, habitante d’Atlantis ayant la faculté de respirer sous l’eau.
Ce sont surtout ces épisodes des années soixante de la revue originale Aquaman lancée en 1962, qui seront publiés via les petits formats français Aventures fiction, Démon, Flash Pop magazine, Futuro. ou Aquaman Pop magazine, dés son #2 (Aquaman #36 de 1967), et ce jusqu’en 1978. (1) Urban réédite certains d’entre eux, datés 1974-1976, ce mois-ci dans un album patrimoine de sa collection Archives. (Chronique à venir).
Les années quatre-vingt vont voir notre héros apparaître surtout dans les comics dédiés à la Justice League, ainsi que dans une mini série américaine écrite par Neal Pozner présentant Aquaman dans un costume bleu. Ces épisodes (« Aquaman » T2 ) seront publiés en français dans la revue Vengeurs quatrième série des éditions Arédit, #9 à 12 en 1986 (2).
Les années quatre-vingt-dix (séries 3 et 4) se révèleront par contre peu charismatiques pour les lecteurs et seront très pauvres en français pour notre héros. Il n’empêche que l’aventure continue, comme l’éditeur Urban comics l’écrit à propos des années 1994 à 1998 et de la cinquième série, sur son site : « Pendant soixante-quinze numéros (la plus longue série Aquaman à ce jour), des auteurs tels que Peter David, Erik Larsen ou Dan Jurgens choisissent de bâtir la légende du héros autour de son statut de souverain du royaume d’Atlantide. Vaillant guerrier aux pouvoirs surhumains, Aquaman incarne dans ce run une certaine forme de puissance politique : une approche à l’exact opposé de celle prise par Geoff Johns et Ivan Reis dans la toute dernière série à lui être dédiée. »
Après un hiatus entre 2001 et 2003, où le héros n’a pas de série régulière à son nom, on le retrouve sur une sixième série, de 2003 à 2007, écrite par de nombreux auteurs dont Rick Veitch qui cherchera à amener Aquaman dans une direction un peu plus mystique (« The New Wave »). C’est entre autre à ce moment là que le héros perd et retrouve une main. Les autres auteurs ont pour noms : John Ostrander, Will Pfeifer, Tad Williams, et John Arcudi. C’est cette dernière série de 2003-2005, incluant l’arc « Sub Diego », (épisodes #15 à 27), jusqu’à présent inédite en français, que l’on a eu la chance de lire cette année. (Voir plus bas).
Aquaman est ensuite dirigé par Kurt Busiek, avec des épisodes inédits prenant la suite de l’évènement « Infinite Crisis ». La série de 18 épisodes, intitulée « Aquaman: Sword of Atlantis », datée 2006-2007 (#40 à 57), est appréciée par les fans. C’est après cette période que l’éditeur Urban comics prend le relais en France, publiant la continuité du héros avec les épisodes « Blackest Night » (datés 2009 chez Dc et publiés en 2013 chez Urban comics), « Brightest Day » (2011 Panini et relié 2013 Urban comics), puis assure le suivi du renouveau « New 52 » (septième série) avec les titres DC Renaissance à leur catalogue depuis 2012, puis les évènements « Rebirth » de 2016, nouveau départ des origines du héros, aujourd’hui barbu et aux cheveux longs.
(1) On se reportera utilement à la base http://www.comicsvf.com pour le détail de ces parutions.
(2) Voir http://www.comicsvf.com et http://onirique.free.fr/spip/spip.php?article154
« Aquaman Subdiego » (T1 & 2) par John Arcudi, Marc Guggenheim, Patrick Gleason, Leonard Kirk et Angy Clarke.
Dans cette mini série écrite par un auteur féru de récits d’horreur, Aquaman (Arthur Curry) n’a pas sa barbe (il l’a eu dans le passé et la retrouvera dans le relaunch de « Rebirth » ). Il est confronté à la disparition inexpliquée d’une grande partie de la ville de San Diego dans l’océan. 40000 habitants, d’abord considérés comme disparus par les survivants, ne sont cependant pas morts. Seuls ceux remontant à la surface périssent, leurs poumons ayant été remplacés par des branchies. La vie va alors s’organiser en bas, avec tout ce que la société peut produire de meilleur comme de pire…
Sur un scénario bien vu, et intrigant, John Arcudi développe une histoire au ton de thriller, aux scènes dynamiques, cela-dit bien équilibrées. Les personnages attachants de Lorena, nouvelle amie du héros et d’Anton Geist, scientifique au passé trouble, ainsi que ses relations avec les autres citoyens désemparés, apportent l’humanité nécessaire à d’autres scènes, plus tendues, de combats aquatiques pour le pouvoir.
Notre héros a enfin fort à faire avec la mafia sous marine, des enjeux de pouvoirs avec la surface se faisant jour, certains anciens ennemis, tels Black Manta, ou son passé, puisque les Atlantes tentent de le faire revenir dans son royaume perdu. On apprécie aussi le caractère ambivalent du héros, sorte de play-boy au grand cœur , assez présomptueux, aux triple relations amoureuses, entre Lorena, la journaliste scientifique Esther et la future reine d’Atlantis : Mera. Celui-ci dévoile aussi un homme politique refoulé, mais conscient de son pouvoir.
Le style graphique de Patrick Gleason illustrant ce propos peut cependant surprendre, pour le dire gentiment, car il se révèle quelque peu parodique dans la forme, proposant des visages et des corps déformés. Ils donnent néanmoins à Aquaman un aspect moins « super » et plus humain, plus crédible, au final. Celui d’Andy Clarke, ressemblant un peu à celui de Jae Lee, s’il redessine encore un visage différent de notre héros, apporte une touche davantage indépendante, boostant d’autant plus l’intérêt. Quant à Freddie E. Williams II, il dessine le dernier épisode du tome 2.
Les thèmes du drame de la perte de son domicile, l’adaptation forcée au changements radicaux, de la drogue, les dangers et conséquences sous-jacents liés au réchauffement climatique sont forts et font de ce récit une œuvre moderne très prenante.
« Aquaman Rebirth T4 : détroné » par Dan Abnett, Phillip k. Johnson, Max Fiumara et Riccardo Federici.
Dans ce quatrième tome du relaunch du héros, le scénariste Dan Abnett nous présente une cité d’Atlantis corrompue par son nouveau maître, le roi Corum Rath. Celui-ci a fermé le royaume par le biais d’un dôme magique appelé « La couronne d’épines » et se conduit en dictateur sanguinaire.
Si la résistance s’est organisée dans les tomes précédents, dans les niveaux inférieurs de la cité, il fait peu de doutes que cette dernière risque d’être matée avec violence et sans pitié. C’est le moment que choisit Aquaman, caché sous l’identité du fantôme d’Orin (l’ex roi), pour apparaître en pleine lumière et revendiquer le trône à nouveau.
Débutant avec un flashback (Aquaman Annual #1), dessiné par l’étonnant Max Fiumara, au style fin rappelant un peu le genre alternatif de Matt Kindt ou d’un Dean Orsmton, et colorisé par Dave Stewart, ces 41 pages très stylisées et Fantasy nous offrent un épisode onirique fort, expliquant la disparition de l’ex roi et de sa femme. Moment délicieux, quoi que dramatique et triste, donnant tout son sens au nom de la « Couronne d’épines » et nous laissant un goût amer.
Ricardo Frederici prend ensuite la relève, pour la série régulière se passant de nos jours. Le dessin de l’artiste, encré très finement, superbement colorisé par Sunny Cho, offre un feu d’artifice au récit. Si ce dernier reste toutefois assez classique, racontant le retour d’un roi déchu, les intrigues politiques et les scènes de combats avec quelques belles créatures aquatiques, donnent du tonus. La révélation de l’avenir de son amour perdu Mera est aussi un point important, et si cette atlante, déjà superbement dessinée par Ricardo Federici, séduit, que dire des couvertures somptueuses offertes par Stjepan Sejic ? Une série de qualité, préparant un tapis rouge pour la sortie du film, que l’on espère à la hauteur.Un article intéressant résumant la longue carrière de notre héros est proposé depuis peu sur le site de l’éditeur Urban comics : https://www.urban-comics.com/aquaman-et-la-famille/
« Aquaman : la mort du prince » par Jim Aparo et Steve Skeates, David Micjheline,  Don Newton, Mike Grell
Urban comics nous fait la surprise et le plaisir de rééditer ce mois-ci des histoires parues dans les années soixante-dix en kiosque, et restées indisponibles depuis. Le contenu original : Adventure Comics #435-437,441-455 + Aquaman #57-63, soit des épisodes datés 1974-1976. Une manière de découvrir enfin les origines d’Aquaman, ou en tous cas, ses secondes sur la liste, puisque le reste des années 40-50 reste à éditer en recueil.
N’ayant pas pu lire à temps ce recueil, à première vue très séduisant graphiquement et intéressant au niveau patrimonial, nous y reviendrons.
Franck GUIGUE
« Aquaman Subdiego » T2 par John Arcudi, Marc Guggenheim, Patrick Gleason, Leonard Kirk et Angy Clarke.
Éditions Urban Comics (22,50 €) – ISBN : 9791026829331
« Aquaman Rebirth T4 : Détroné » par Dan Abnett, Phillip k. Johnson, Max Fiumara et Riccardo Federici.
Éditions Urban Comics (14,50 €) – ISBN : 9791026813712
« Aquaman : la mort du prince » par Jim Aparo et Steve Skeates, David Micjheline,  Don Newton, Mike Grell
Éditions Urban Comics (28 €) - 9791026818748
Ca fait un pincement au coeur de revoir ces vieux Pop Magazines Arédit.
Oui, surtout que cette couverture est particulièrement agréable et attachante. Quel destin ces personnages … quand on voit le nombre d’épisodes qu’ils ont du (parfois) subir…avant de trouver la lumière avec de très bons scénaristes, voire de superbes dessinateurs. Toute la magie de ces publications d’époque, alors balbutiantes, empaquetées dans ces revues à deux sous au papier épais. Rendons hommage à leur créateurs.
Superbe article récap, avec en bonus la fameuse couverture « piéta » où un dauphin remplace Mera sur l’édition française Pop. J’avais traduit les premiers tomes du héros chez Urban, et je m’étais bien éclaté, notamment sur la saga de La Fosse. Depuis quelques mois, la traductrice de comics Sarah Grassart a pris le relais sur l’adaptation VF d’Aquaman. Vous pouvez lire son interview ici : http://www.makma.com/2018/11/09/comics-aquaman-sarah-grassart/
Super cette info Edmond. Merci du commentaire et du tuyau de ce site Makma, que je ne connaissais pas. Très intéressant ces interviews de traducteurs (trices).
Au plaisir ! Franck
Un dauphin « Poppy » pour une collection « Pop », c’était plutôt bien vu, non ?
Oups, en fait j’avais mal lu, il s’agit de « Porpy », et pas Popyy, pour le dauphin préféré du roi des mers. Dommage
Marrant… je me demande si je ne m’étais pas fait la même remarque pour Poppy/Porpy (en faisant la même erreur, haha).
Merci ! En tant que traducteur, je trouve justement que c’est un métier méconnu qui mérite qu’on parle de lui. Surtout que tout le monde remarque quand il y a un problème (je suis bien placé pour le savoir), mais que rare sont les gens qui soulignent quand le travail est bien fait, haha !
Voici un exemple de problème que bon nombre de blogueurs ont remarqué : la Gouverneuse dans Walking Dead ! http://www.tourriol.com/2018/11/12/la-gouverneuse-dans-walking-dead/
Oups. Je répondais à la réponse de Franck G sur mon premier commentaire.
Je n’y comprends rien. Vous êtes traducteur officiel de cette série depuis ses débuts, vous mettez Gouverneur…et ce qui apparaît à l’impression est Gouverneuse dans la version Delcourt? D’où vient l’erreur?
Ouais, j’ai eu du mal à y croire aussi quand un pote m’en a parlé. En gros, quelqu’un chez l’éditeur a décidé de changer « madame le gouverneur » en « madame la gouverneuse ». Un rechercher/remplacer a été effectué de façon systématique sur le terme gouverneur/gouverneuse, et il y a eu de la casse. Visiblement, il y a eu un problème de relecture (on ne me propose que rarement de valider les modifs qui sont réalisées sur ma traduction, ce que je regrette). Ce problème sera réparé lors d’une future réédition (mais la nana s’appellera toujours « la Gouverneuse »).