« Max l’explorateur » : au bon vieux temps des strips…

Les rares quotidiens qui survivent à la triste domination d’Internet ont, depuis belle lurette, abandonné la publication de strips. Il fût un (bon) vieux temps où France-Soir proposait une page entière de bandes dessinées verticales et horizontales. Entre le culte « Treize rue de l’espoir » de Paul Gillon et la non moins inoubliable « Juliette de mon coeur » de Stan Drake, un petit bonhomme portant le costume du colon belge des années 30, amusait les lecteurs avec ses facéties sans cesse renouvelées. Son nom : « Max l’Explorateur » !

C’est donc flanqué de son costume colonial des années 30 que Max débute ses explorations quotidiennes au bas de la dernière page tout en BD de France-Soir,le 31 mars 1955, quelques mois après sa création sous forme de cartoon dans Lectures pour tous. Si quelques rares décors souvent exotiques fixent les lieux, Max et de temps à autre avec un compère destiné à lui servir de faire-valoir sont les uniques protagonistes de ces stries muets en trois dessins, parfois un seul. Cette remarquable économie de moyens n’empêche pas le lecteur de s’esclaffer à la découverte du gag du jour. Guy Bara est un, je dirais même Le spécialiste de l’humour sans parole, discipline oh combien délicate que peut d’auteurs maîtrisent. Max ne se contente pas d’explorer l’Afrique, les rares décors permettent de le situer aux Indes, en Chine, seul sur des îlots déserts, ou encore en Europe.

S’il est remercié au cours des années 80 par les nouveaux patrons de France-Soir, Bara poursuit les aventures de son explorateur jusqu’en 1997 dans le quotidien belge  Le Soir de Bruxelles où la série dépasse les 13000 stries. À la demande de Spirou, en 1964, Bara accepte de lancer Max dans de longues histoires à suivre et en couleurs écrites par Maurice Rosy grand admirateur de son œuvre, puis dans Tintin à la demande de Greg, autre inconditionnel de son travail. Hélas, Max et son humour absurde ne sont pas faits pour parler dans des bulles et faute de suffisamment de lecteurs, le pauvre Max est condamné à perdre définitivement la parole.

Né en 1923 en Lettonie, fils d’un diplomate belge, Guy Willems aborde le dessin en créant en 1945 l’hebdomadaire littéraire La Faune. Il gagne Paris où après avoir été secrétaire de rédaction du journal Vivre, il publie ses premiers dessins humoristiques dans les nombreux  magazines de l’époque : Marius, le Hérisson, Ici-Paris, Le Rire, La Canebière, Boléro,  Fou-Rire, La Presse.. Grand admirateur de Ronald Searle, Bosc, Chaval…

il souhaite quitter dès que possible  la presse populaire alimentaire pour pratiquer un humour plus sophistiqué.La création de « Max l’explorateur » lui permet de réaliser ce rêve. Avec le temps le succès du personnage s’émousse et Bara doit créer pour survivre d’autres séries aux destins contrariés : « Kéké le perroquet », « Lamybidas », « Cro-Magnons », « Sigi le franc », « Philibert le perroquet », « Le Chéri de l’Olympe », … A la fin de sa vie, déprimé, il vendra des gaufres belges sur les marchés de Crête, puis du Sud de la France, à bord d’une camionnette Volkswagen. Sa dernière escale sera Carpentras où réside son ami François Corteggiani. Il décède à Marseille le 18 juin 2003.

Malgré quelques tentatives, « Max l’explorateur » n’a pas connu le succès sous forme d’album. Premier titre en 1964 de la collection Gags de poche des éditions Dupuis, héros de deux longues histoires chez le même éditeur… Max a toujours été invité à jeter l’éponge.

L’album somptueux que proposent aujourd’hui  les éditions Dupuis est avant tout un vibrant hommage à un auteur maudit, injustement boudé, digne de figurer au premier rang des génies de la bande dessinée. Son grand format à l’italienne (128 mm x 312 mm) permet de savourer le travail du dessinateur, digne héritier des maîtres du gag muet à l’américaine. Une longue et passionnante présentation écrite par Philippe Capart, co-concepteur de l’ouvrage avec Olivia Bara et où interviennent de nombreux confrères (Trez, Bercovici, Corteggiani…), permet de pénétrer au sein d’une oeuvre unique et originale. Savourer les 285 stripsréunis dans cet imposant ouvrage de 376 pages ne peut qu’inciter le lecteur à en demander d’autres. La balle est dans votre camp, amis lecteurs !

Henri FILIPPINI

« Max l’explorateur » par Guy Bara

Éditions Dupuis (55 €) – ISBN : 978 2 8001 6182 2

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3 réponses à « Max l’explorateur » : au bon vieux temps des strips…

  1. milo dit :

    En parlant de strip
    je signale la sortie de Tarzan L’intégrale des newspaper strips : Tome 1, 1967-1969 de Russ Mannig
    avec les pages dominicales en couleurs
    et l’excellent conan
    https://www.neofelis-editions.com/

  2. philippe capart dit :

    Bara ne s’est jamais appelé Guy Herzog! C’est bien précisé/corrigé dans ce livre. Merci. Ph.Capart.

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