Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...La fondation Boon acquiert « Master Race », chef d’oeuvre graphique des éditions EC comics consacré à la Shoa
En avril 1955, dans les pages du nouveau comics Impact édité par EC comics, parait une histoire qui fera date. Scénarisée par Al Feldstein et dessinée par Bernie Krigstein, ces huit planches seront considérées comme une des premières représentations marquantes de la Shoah et deviendront immédiatement une source de réflexion et une influence pour nombre de lecteurs et d’artistes.
C’est cette Å“uvre que vient d’acquérir la Fondation Boon pour les Arts Graphiques Narratifs, lors de la vente aux enchères « Heritage Auctions » à Dallas. (1) Une manière d’ajouter à sa collection éclectique de plusieurs milliers d’œuvres – issues notamment de la Bande Dessinée – une pièce incontournable et historique.
Comme l’expliquait Art Spiegelman, auteur de « Maus », dans une interview publiée dans le New Yorker du 22 juillet 2002 :« La mémoire hantée par le souvenir des camps de concentration, Carl Reissman entre dans le métro et reconnaît le personnage cadavérique qui vient s’asseoir face à lui. Un long flashback s’ensuit, décrivant toutes les horreurs perpétrées par le Troisième Reich, qui révèle au final que Carl Reissman est un bourreau : le commandant d’un camp de la mort. »
Art Spiegelman écrit plus loin : « Par ses qualités formelles – je parle ici de la seule narration et non de la thématique de l’histoire – Krigstein opère avec « Master Race » un véritable tour de force. Il résume brillamment les dix ans de terreur du régime nazi, mais avec une retenue qui le distingue du gore grand-guignolesque coutumier de l’éditeur EC Comics. En particulier, les quatre cases sans paroles dont le staccato cadencé constitue le climax de l’histoire sont restées célèbres dans le cénacle des commentateurs de la bande dessinée. Elles ont été très souvent décrites comme « cinématiques ». (…) Cette combinaison originale saisit le cÅ“ur et les tripes avec une efficacité unique dans l’histoire de la bande dessinée. »
Philippe Boon est « l’un des principaux collectionneurs d’originaux de bande dessinée, aussi bien que d’objets, de statues, d’illustrations et de peintures », explique Daniel Spindler, le vice président de la fondation, qui fait remarquer que « Monsieur Boon possède l’une des plus impressionnantes collections de ce genre en Europe. Il désire ouvrir les richesses de sa collection aux yeux du public. (…) Nous voulons explorer la richesse et la variété de la narration, non seulement dans la bande dessinée mais aussi dans les autres arts graphiques » déclare-t-il encore au New York Times.
Fondée en Belgique en juin 2018 par Philippe Boon, la Fondation Boon s’inscrit au cœur d’un vaste projet culturel dédié aux arts graphiques narratifs. Un lieu permanent à Bruxelles sera prochainement ouvert au public.
(1) Pour la coquette somme de 600.000 $.
A ma connaissance ce récit a paru uniquement en France dans « Horreur : une anthologie en bandes dessinées »
(Editions Williams France, 1974) (*Maj du 21/11 : voir un erratum à ce sujet dans les commentaires)
Franck GUIGUE
Si j’en crois vos confrères d’actuabd : Cette histoire est publiée intégralement en français, avec une longue analyse d’Art Spiegelman, dans l’ouvrage Shoah et bande dessinée – L’image au service de la mémoire [Dir. Didier Pasamonik & Joël Kotek] publiée chez Denoël Graphic et le Mémorial de la Shoah.
Et en même temps, vu le directeur de publication de cet ouvrage.. je comprends mieux que eux ne l’aient pas manqué Cette histoire reste en tous cas à répertorier dans les bases ComicsVF.
D’ailleurs, après une recherche plus approfondie sur BDzoom (comme quoi…), il se trouve que Gilles Ratier avait parlé de ce sommaire dans une note, au moment de l’exposition dont le livre a été tiré.
http://bdzoom.com/109834/actualites/une-grande-exposition-bd-proposee-par-le-memorial-de-la-shoah/
Au temps pour moi… Il n’en demeure pas moins que cette information méritait d’être (re) exhumée.
Et bien je vous remercie Christophe, car je n’avais pas du tout vu passer cette information, d’un ouvrage paru l’année dernière. J’en étais resté aux albums anthologiques EC comics, dont même les rééditions Akiléos, sauf erreur de ma part, n’ont pas repris ce récit. Ce qui fait que le livre que vous citez risque de gagner des acheteurs.
Dans quelle revue EC comics cette histoire a-t-elle été publiée ?
Dans la revue Impact capitaine ! C’est écrit dans le chapeau d’intro. On peut donc se demander pourquoi à ce jour, et sauf erreur de ma part, ce récit n’a pas été repris dans les anthologie Akileos ? Un volume pour cette revue seule serait-il nécessaire ? Histoire de droits particuliers ? … Je vais me renseigner de mon côté.
Après échange avec Akileos, une anthologie concernant la revue Impact est bien envisagée. Mais… pas de date de sortie prévue à ce jour.
Cette histoire a été reprise dans la première anthologie EC en français, vers 1975, chez Williams, et peut etre aussi chez les Humanos plus tard dans leur collection Xanadu?
Henri, c’est ce qui est écrit à la fin la chronique. Mais rien chez Xanadu.
Et je précise que la page vers laquelle je redirige pour ces informations a été créée par mes soins au mitan des années deux mille. Son but était de répertorier au mieux les publications françaises EC comics, à partir de ma propre collection et des recherches que j’ai pu effectuer. J’essaie de tenir cela à jour au mieux, même s’il me manque parfois un peu de temps, et des accès aux sommaires. Néanmoins, les choses ont pas mal bougé depuis les publications Akiléos et d’autres sites web ont un peu pris le relais depuis.
Entendu, Franck, vous semblez manquer de détails sur l’excellent « Les meilleures histoires de Guerre
- Corée,
idem 01/1984 (N/b) »
Je dois l’avoir quelque part, il contient des histoires de Harvey Kurzman. Si vous souhaitez la liste des auteurs présents dans ce livre….je me ferai un plaisir de vous les communIquer ce qui vous permettrait de completer votre site.
Merci Henri. Effectivement c’est le seul volume qu’il me manque. Je suis donc intéressé. Hectout at orange. Fr
On peut ajouter que pour les lecteurs anglais, et bien que d’autres anthologies consacrées à l’artiste aient déjà paru auparavant, Fantagraphics a proposé en janvier de cette année un nouveau très beau volume : « Master Race And Other Stories » où l’on retrouve ce titre parmi d’autres. Celui-ci faisant néanmoins l’objet de la couverture.