Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Blake et Mortimer T25 : La Vallée des immortels T1 » par Peter Van Dongen, Teun Berserik et Yves Sente
Souvenez-vous : à la fin du « Secret de l’Espadon » (1946 – 1949 dans Tintin), le tyrannique Basam-Damdu était anéanti dans son palais tibétain de Lhassa, cette victoire alliée mettant fin à la Troisième Guerre mondiale. Pourtant, rien n’était achevé ! Après avoir raconté les évènements ayant précédé le chef-d’œuvre d’E.P. Jacobs dans « Le Bâton de Plutarque » (2014 ; dessin par André Juillard), Yves Sente s’est penché sur ceux d’après : mise en scène par les Hollandais Peter Van Dongen et Teun Berserik, cette suite débute en Chine, à l’heure où le Seigneur de la guerre Xi-Li cherche à mettre la main sur un manuscrit qui lui permettra d’asseoir son pouvoir sur l’Empire du Milieu. Des ruelles londoniennes jusqu’à la défense de la colonie britannique de Hong Kong contre l’avancée communiste, Blake et Mortimer vont avoir fort à faire, ce d’autant plus que l’insaisissable Olrik mûrit sa revanche… Premier volet d’un diptyque annoncé, « La Vallée des immortels », 25e opus de la série, replonge aux sources des grandes arcanes et thématiques jacobsiennes.
Avec l’emploi d’un tel titre pour ce nouvel épisode, les mythiques « Blake et Mortimer » sont décidément confrontés à leur propre éternité. Ce choix thématique, lié comme on le sait à la recherche de mots-clés typiquement jacobsiens, n’est pas sans échos sémantiques : rappelons ces « sarcophages », « sanctuaire » ou « testament », termes tous employés par Yves Sente sur de précédents volumes. Autre veine à creuser pour le scénariste : qu’est-il donc arrivé à Olrik entre sa disparition dans les ruines fumantes de Lhassa et sa réapparition dans « Le Mystère de la Grande Pyramide » (1950 – 1952) ? En couverture, ce sont d’autres parallèles historiques qui sont soulignés par les auteurs : le style ligne claire, les mystères orientaux et l’évocation des tensions coloniales et impérialistes en Asie renverront immanquablement à Tintin et au « Lotus bleu » (prépublié en 1934 – 1935 dans Le Petit Vingtième). Dans le même ordre d’idée, la scène représentée sur le premier plat, où Mortimer arrive en pousse-pousse dans le quartier hongkongais de Wan Chai, ne sera pas sans rappeler celle – similaire – de Tintin à Shanghai.
Prépubliée durant l’été 2018 dans la revue Moustique et le journal Ouest-France, l’aventure aura réussi à séduire ses premiers lecteurs en mêlant l’histoire, l’archéologie, la science-fiction uchronique et l’action, ingrédients indispensables aux albums de la série. Interviewés dans un hors-série consacré dès septembre 2016, à propos de la répartition des tâches graphiques, Teun Berserik expliquait : « Nous avons découpé ensemble les cinquante-quatre planches et nous les sommes réparties, vingt-sept chacun. […] Je suis meilleur sur la partie technique et les personnages quand Peter [Van Dongen] excelle sur les décors de ville. Mais il nous arrive très souvent d’inverser. Travailler à deux permet d’être plus rapide et plus efficace. Chacun a sa page qu’il travaille seul dans son coin, puis on se corrige mutuellement. […] ».
Au jeu des comparaisons, l’album s’en sort très honorablement : scénario dense, décors aussi variés que détaillés, arrière-plan historique expliqué de belle manière et dessin à l’avenant. Bien malin sera celui qui pourra distinguer les planches de Van Dongen (auteur de « Rampoken » chez Dupuis en 2003 – 2005) de celles de Berserik, à moins qu’un certain Edgar Pierre J. ne soit venu surveiller l’avancée de leurs travaux…
Ayant réussi à séduire Dargaud par le biais de planches d’essais réalisées en 2014, les deux Hollandais ont très vite rejoint le projet scénaristique d’Yves Sente, afin d’être à la hauteur de l’impressionnant tirage prévu (400 000 exemplaires). Cette nouvelle équipe permet à l’éditeur de jongler entre les sorties prévues, pour l’instant toujours annoncées au rythme de une par an ; afin de s’y retrouver, rappelons que sont toujours programmés à ce jour les titres suivants : outre le second volet de « La Vallée des immortels » (« Le Millième bras du Mékong », à paraître fin 2019), « Huit heures à Berlin » (dessin par Antoine Aubin ; scénario de Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet), une suite à « L’Onde Septimus » parue fin 2013 (dessin par Antoine Aubin et Étienne Schreder ; scénario de Jean Dufaux), une aventure réalisée par Sente et Juillard (sur le thème des légendes celtiques et arthuriennes) et « Le Dernier Espadon » (album se déroulant en 1948, Londres étant sous la menace d’anciens nazis ; scénario de Jean Van Hamme, opus de nouveau dessiné par… Van Dongen et Berserik ! Rajoutons à cette liste (et à un calendrier allant déjà jusqu’en 2022 – 2023 !) un inclassable et potentiel « Blake et Mortimer vu par… » (annoncé depuis 2015 et prévu pour juin 2019). Scénarisé par Thomas Gunzig et Jaco Van Dormael, ce one-shot de 83 planches prendra pour cadres le Palais de Justice et la basilique du Sacré-CÅ“ur de Bruxelles; il sera dessiné par François Schuiten, dans un style plus contemporain que le trait habituel de Jacobs.
Du côté promotionnel, la parution d’un nouveau « Blake et Mortimer » s’accompagne comme il se doit d’une avalanche de produits et d’annonces : soirée de lancement le 15 novembre (19 heures) à l’Atelier néerlandais de Paris en présence des auteurs, billet commémoratif (à 0 € !), ex-libris pour BD Fugue, affiche inédite pour la librairie Bulle au Mans, édition bibliophile avec couverture alternative et illustrations hors-texte, planches originales des différents dessinateurs de « Blake et Mortimer » exposées à l’Abbaye Royale de l’Epau (Sarthe) entre le 25 novembre 2018 et le 17 mars 2019. Enfin, n’oublions pas la réédition augmentée du pertinent ouvrage documentaire « L’Héritage Jacobs » (Jean-Luc Cambier et Éric Verhoest, 2016) sous une nouvelle couverture dessinée par Antoine Aubin. Une fois de plus, le formidable « Piège diabolique » constitué par l’univers de Jacobs se referme donc sur – l’heureux – lecteur !
Philippe TOMBLAINE
« Blake et Mortimer T25 : La Vallée des immortels T1 » par Peter Van Dongen, Teun Berserik et Yves Sente
Éditions Dargaud (15,95 €) – ISBN : 978-2870972441
Version bibliophile (24,99 €) – ISBN : 978-2870972786
« auteur de « Rampoken » chez Dupuis en 2003 – 2005″
Rendons à César ce qui lui appartient : si l’intégrale couleur de Rampokan qui sort ces jours-ci (fort opportunément, mais on va pas se plaindre) est bel et bien chez Dupuis, c’est Vertige Graphic qui a publié la première édition française (et Oog & Blik en néerlandais).
A la lecture il me semble que Van Dongen s’est plutôt chargé des planches « asiatiques » ; il me semble que son style est moins pur, plus « Bob de Moor que Jacobs « , et de surcroît, avec une composition dans les cases un peu moins précise, que son coreligionnaire Berserik, qui lui, semble faire du « Jacobs » pur sucre (d’où la remarque de Van Dongen dans les préfaces): mais pourquoi n’avoir pas confié un tome à l’un, et l’autre tome à l’autre ?
Tout à fait! Au fait Monsieur Tomblaine, pourriez vous nous expliquer ce qui pousse des auteurs à travailler sur une recherche de couverture pour l’édition portuguaise? Pourquoi l’editeur portuguasi ne reprend il pas la couverture franco-belge, en ayant traduit le titre, bien évidemment?
Voici la réponse apportée par Yves Schlirf :
« La FNAC du Portugal aime, traditionnellement, faire une édition spéciale. C’est donc l’éditeur portugais qui nous fait cette demande, afin de mieux vendre le titre sur le marché portugais. Nous avons donc cédé, jusqu’à présent, et demandé une couverture inédite aux auteurs. »
Merci pour cette précision!
Magnifiques planches, encore plus belles en noir et blanc
Je ne suis pas d’accord avec vous ; il existe une iconographie pléthorique sur le Hong Kong de l’époque anglaise : on pouvait en tirer quelque chose de mieux, sur le plan graphique..
» on pouvait en tirer quelque chose de mieux, sur le plan graphique.. »
Allez montrez nous ce que vous savez faire avec un crayon en commentant ce que vous faites. Nous sommes tous impatients de voir le résultat.