Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...« Gideon Falls T1 : La Grange noire » par Jeff Lemire et Adrian Sorrentino
Après « Old Man Logan » chez Marvel, le duo d’auteurs revient avec une création alternative chez Image, dans un récit sombre et angoissant à la structure originale magnifiquement dessinée. D’ores et déjà culte.
Une grange maudite qui apparait subrepticement dans les champs de Gideon Falls depuis le dix-huitième siècle, un homme psychanalysé recueillant des clous dans les ordures de la ville et un nouveau prêtre muté pour remplacer celui qui vient de décéder : quel peut bien être le point commun entre ces trois éléments, dans cette bourgade canadienne ?
Jeff Lemire explique dans la postface et l’interview qui suivent cette première partie de 176 pages, représentant les 6 premiers numéros de sa dernière série en date, que ce projet remonte à vingt ans. C’est en effet alors qu’il était étudiant en cinéma et qu’il réfléchissait à son projet de court métrage que l’idée d’un homme fouillant dans les poubelles afin de trouver des indices expliquant un complot que lui seul devinait, lui est venue. Si le court métrage a été réalisé (et oublié depuis), l’avenir de Jeff Lemire s’est dés lors écrit dans le monde des comics, qui semblait davantage adapté à révéler sa créativité. C’est ainsi qu’est né « Ashtray » un comic photocopié, prémisse de cette histoire diabolique, avant
« Essex County » ayant lancé sa carrière professionnelle.
Norton Sinclair est un type malade, suivi par la psychologue le docteur Xu. Son histoire est traitée en parallèle de celle du père Fred, envoyé par son évêque (une personne énigmatique dont on nous montre uniquement la silhouette inquiétante de dos) afin de remplacer le père Tom, son prédécesseur malheureusement disparu dans de troubles circonstances. Ce nouveau venu, dont les antécédents avec la police ne sont pas vierges, va rapidement se trouver confronté à une série d’événements tragiques dans la petite ville. La shériff Clara Miller et l’ex docteur Sutton vont de fait devenir ses partenaires privilégiés dans ce qui va s’avérer être une affaire compliquée et surtout liée à l’occulte.
Dans ce nouveau scénario, très maîtrisé, qui rappellera néanmoins un peu la série « Outcast » aux amateurs (par Robert Kirkman et Paul Azaceta, chez Delcourt), Jeff Lemire surprend par le traitement spécifique qu’il donne a son récit. Celui-ci se dégage en effet de ses dernières parutions, davantage axées sur des souvenirs quasi familiaux et en tous cas d’apparence vécue. « Gideon Falls » convoque plutôt le récit d’épouvante, les histoires d’horreur dans la grande tradition des meilleurs Stephen King (voir par exemple « N » par Marc Guggenheim et Alex Maleev, Glénat 2012 http://nebular-store.blogspot.com/2012/04/la-n-des-pierres-dackerman.html) Sont conjuguées habilement les ambiances urbaines et étouffantes vécues par Norton et celles, rurales, se déroulant dans les champs de maïs et les masures de la campagne.
Le découpage, s’il est très lisible, réserve cependant d’excellentes surprises, tant dans son inventivité que son traitement stylistique peu commun, réalisé de main de maitre par Adrian Sorrentino. On est époustouflé tout du long par les montages de cases, les mouvements de pleines pages et le jeu des couleurs, réalisées par le surdoué Dave Stewart (« Hellboy »).
S’il rappelle par endroits quelques classiques du genre, tels ceux précédemment cités, ou plus récemment, le sanglant
« Dark Museum » (Gihef, Alcante, Stéphane Perger, chez Delcourt), « Gideon Falls » révèle surtout un thriller du plus bel effet et un Jeff Lemire au top de sa forme en tant que scénariste, sur une histoire longuement murie. Nul ne sait à ce stade combien de numéros sont prévus, mais c’est avec une vraie impatience de fan que l’on attendra la suite de cet excellent premier tome relié. Et le prix de dix euros pour 176 pages, c’est cadeau pour découvrir !
Franck GUIGUE
« Gideon Falls T1 : La Grange noire » par Jeff Lemire et Adrian Sorrentino
Éditions Urban comics (10€) – ISBN : 9791026814580
Paru récemment, aussi par Jeff Lemire, un One Shot issu de l’univers « Black Hammer » : « Black Hammer présente : Sherlock Frankenstein et la ligue du mal ».
Dans ce premier volume d’une série que l’on devine se développant autour d’autres personnages, Jeff Lemire décide de se pencher sur le « vilain » Sherlock Frankenstein, un des méchants ayant combattu le héros Black Hammer, disparu lors de la bataille avec l’anti-Dieu (voir la série « Black Hammer »). Sa fille Lucy Weber, que l’on a aperçue à la fin du deuxième tome de cette précédente série, est ici l’héroïne, menant l’enquête, dans les pas de son père, afin de savoir ce qui a pu arriver aux héros de Spiral City et éventuellement les retrouver, car elle est persuadée qu’ils sont vivants, quelque part. Le docteur Sherlock Frankenstein, aujourd’hui interné avec d’autres super vilains dans l’asile pour fous de Spiral City, va lui donner les moyens de le faire…
Des super héros à la retraite, menant enquête, on a déjà vu ça quelque part… Étonnant comme cette séquelle d’une série à succès surfe sur une autre, plus « classique », écrite elle aussi par un génie du scénario, j’ai nommé Alan Moore et ses « Watchmen », quoique ici dans une tonalité bien plus jeunesse. Encore plus étonnant d’y associer le personnage de Sherlock Frankenstein, ou celui de Metal Minotaur, et leurs appareillages plutôt vintage voire Steampunk, qui rappelleront une autre série extravagante du scénariste fou anglais : « La Ligue des Gentlemen extraordinaires ». Que l’on ne s’y trompe pas : Jeff Lemire, accompagné ici au dessin très onctueux et flashy de David Rubin, récemment chroniqué sur « Ether », est en train de poser les bases d’un univers cohérent et personnel, qui va se ramifier on s’en doute bien. Car si ce premier tome n’apporte que quelques éléments, déjà intéressants, à l’univers « Black Hammer », il promet d’être complété dans un futur assez proche par d’autre petits frères. A suivre donc.
« Black Hammer présente : Sherlock Frankenstein et la ligue du mal » par Jeff Lemire et David Rubin
Éditions Urban comics (15,50 €) – ISBN : 9791026815129
Urban Comics est particulièrement doué pour donner envie de découvrir de nouvelles séries, grâce à un prix d’appel (mais aussi parfois des comics promotionnels gratuits)
Bliss Comics qui développe l’univers Valiant Comics en France fait mieux en proposant près de 700(!) pages gratuites pour aider à découvrir leurs personnages:https://www.bliss-comics.com/gratuit-integrales-valiant/
En même temps, à 50 euros (en moyenne) le lourd pavé de 800 pages à peu près, il faut pouvoir convaincre. Belle initiative en tous cas, d’un éditeur qui sait « vendre » ses produits comme il faut. Et qui n’attend pas la fin des temps pour les rééditer lors qu’épuisés.
C’est vrai. Ce sont de belles incitations, bienvenues. Sur des œuvres qui méritent en plus.
Vous pouvez lire un bref entretien avec Benjamin « KGBen » Rivière, à propos de son travail de traducteur de comics sur ce titre : http://www.makma.com/2018/10/17/benjamin-riviere-traduit-gideon-falls/
Merci Edmond.
Tout le plaisir est pour moi !