François Walthéry, à propos de La mer de rochers

Avec « La mer de rochers », 19ème Natacha, Walthéry rend hommage à celui qui fut son maître, avant de devenir son ami : Peyo. L’auteur de « Johan et Pirlouit » et des « Schtroumpfs » reste un des scénaristes les plus limpides de la BD. « La mer de rochers » aurait dû paraître du vivant de Peyo. Ce n’est qu’il y a 3 ans que Walthéry eut la force d’attaquer le dernier scénario que lui avait laissé son ami.

 


« La mer de rochers » est une longue course-poursuite qui part de Liège (la ville de Walthéry) pour se terminer en Bretagne. Un récit qui baigne dans des ambiances superbes. Walthéry s’est offert un défi graphique en réalisant un album où le mouvement (sa grande spécialité) ne lasse à aucun moment. Des planches en apparence classiques cachent une série de casse-tête que bien des dessinateurs se refuseraient (chacun connaît ses limites) de dessiner. Comme il le dit très simplement: « J’ai essayé de faire un album qui aurait plu à Peyo ».


 


Quand Peyo vous a-t-il offert ces deux scénarios?


Walthéry : C’était en juin 1989, à l’occasion de mon mariage. «  Tiens, voilà, tu les feras quand tu voudras, ils sont pour toi ! « . C’était un très beau cadeau… mais attention, il y avait un contrat avec chaque scénario !!! Ah !Ah ! C’est normal, évidemment, mais un contrat pas du tout exagéré


Alors que Maurice Tillieux (« Gil Jourdan ») puisait dans ses «  vieux «  (et formidables) « Félix » pour nourrir ses scénarios pour « Natacha », Peyo, lui, est retourné vers « Jacky et Célestin« …


Peyo, en 1987, m’a parlé d’anciens scénarios de « Jacky et Célestin «  dont il était assez content, regrettant que ceux-ci ne correspondent plus à ce qu’il faisait, même pour «  Benoît Brisefer « . Je lui dis que cela m’intéressait. Une bonne histoire écrite au 19° ou au 20°e siècle reste toujours une bonne histoire. Il suffit de bien l’adapter et cela, Peyo savait le faire. N’est- t-il pas considéré, par nous tous, comme le meilleur raconteur d’histoires en BD de sa génération? Là-dessus, pour tuer le temps pendant ses multiples voyages à Los Angeles, chez Hannah et Barbera, pour corriger les scénarios des dessins animés des «  Schtroumpfs « , Peyo réadapte les deux scénarios. J’ai déjà dessiné le second («  La ceinture de Cherchemidi «  – le quinzième album de la série).«  La mer de rochers «  part du premier «  Jacky et Célestin «  («  Des fleurs pour mon Luger « ), un scénario dont il était le plus satisfait parce que, disait-il, il était fait dans l’esprit de Maurice Tillieux.


Peyo connaissait très bien « Natacha », un personnage créé alors que vous travailliez encore au sein de son studio. Qu’est-ce que cela vous a fait, de retrouver celui qui fut votre « maître« ?

Le plaisir d’être encore un peu avec lui ! C’est bête, parfois, la nostalgie, ça vous prend ! Et aussi le pari de tout dessiner moi-même -.décors et personnages. J’avais décidé que, pour ce scénario, je mettrais le paquet. C’était mon ultime boulot avec Peyo ! Parfois, pour aller plus vite, car c’est lent à dessiner une BD, je faisais des images trop simples, des gros plans, des plans américains, des cases sans décors. Je me disais : «  Cela ira comme cela ! « , avant de me dire «  Mais si Peyo avait été là, il n’aurait pas laissé passer « . C’était encore pire que s’il avait été présent. Alors, je prenais ma gomme et je refaisais le dessin comme au bon vieux temps. Peyo disait : «  II faut, tout en restant simple, en tirer tout le jus ! « . Où qu’il se trouve, qu’il soit remecié d’avoir été dans ma tête, à mes côté. Grâce à cela, «  La mer de rochers  » est un des «  Natacha «  les plus soignés que j’ai réalisés. Je le classerai juste après «  Le i^ème apôtre « , mon album fétiche, dont j’avais également réalisé l’ensemble du dessin.


 


Que savez-vous du public de « Natacha »?


Le public de « Natacha » était à l’origine un public dé jeunes, essentiellement des jeunes garçons de 14-15 ans. Parfois une fille. Maintenant, le public s’est fort élargi: maman, grand- mère… Progressivement, je me suis acquis un public féminin. Beaucoup de petites filles viennent maintenant avec leur mère faire signer leur(s) « Natacha ». Depuis quelques années, on est en train de changer de génération. Les parents qui ont bien aimé « Natacha » offrent le nouvel album à leurs enfants. Ils peuvent l’acheter les yeux fermés : ils savent ce qui est offert.


 


La vision des femmes vis-à-vis de « Natacha » semble avoir évolué?


Les féministes m’ont plutôt laissé en paix. J’ai pourtant été taxé de faire un personnage « Barbie », une espèce d’objet décoratif qui n’avait rien à dire. Or, dès le départ. Natacha était une fille indépendante. Elle avait un métier. Au fil des albums, Natacha a acquis de la personnalité. Très clairement, elle dirige la manœuvre.


 


Qu’est-ce qui plaît aux femmes dans « Natacha »?


Son indépendance. Chose nouvelle, les filles commencent à me dire qu’elles la trouvent jolie. Avant, elles étaient plutôt jalouses. Désormais, des filles offrent mes albums à leur copain.


 


La mer de rochers – Natacha 19, de Walthéry et Peyo – Marsu Productions – 7,95€


 

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