Rencontre avec Grzegorz Rosinski

Il a l’œil pétillant, aime les digressions, parler d’histoire, de peinture, citer des références tout azimut. Grzegorz Rosinski est un homme curieux, passionné et terriblement amoureux de son métier, pour lequel il regorge d’exigence et de créativité. Rencontre avec un Grand du neuvième art, à l’occasion de la sortie du premier volet de La vengeance du comte Skarbek. Retour sur l’homme, sa carrière, sa dernière œuvre et, fatalement, Thorgal, dont il nous livre ses réflexions de poursuite ,après l’arrêt programmé de Van Hamme au scénario, pour le trentième épisode de la saga.

 

 

Il n’y a pas que Thorgal dans la vie ….

 

« Au début de ma carrière, en Pologne, je faisais de l’illustration. La bande dessinée a vraiment commencé à exister dans ce pays vers 1968. J’y ai réalisé une trentaine d’albums pour divers éditeurs nationaux. Quand je suis arrivé en Belgique, j’ai travaillé sur Thorgal, une bande dessinée de facture classique. J’ai toujours voulu faire des choses à coté de cette saga. Le problème est que c’est très difficile et très long d’envisager un travail supplémentaire car je dois me documenter énormément et basculer d’un univers à l’autre pour quelquefois une simple illustration. En plus, je refuse de me lancer dans une autre série, pour éviter de me faire une concurrence directe et que les lecteurs comparent mon travail sur les épisodes de ces différentes séries. C’est pour cette raison que j’ai abandonné Hans, que je menais en parallèle de Thorgal. J’ai donc décidé, après réflexion,  de me consacrer à des « one-shots » à coté de ma série principale. »

 

 

 

Pas d’œuvres « de commande » …

 

« On ne peux pas parler de collaboration avec mes scénaristes, mais plutôt d’une succession de tâches. Quand le scénario est terminé et que je l’ai en main, je m’occupe de la partie graphique, dont je suis entièrement responsable. Je ne contacte dès lors le scénariste que si quelques zones d’ombres méritent éclaircissement. Il faut dire que je m’investis énormément dans mon travail puisque je ne travaille que sur des scénarios écrits pour moi, qui sont les seuls que je « sens ». Je n’aime pas dessiner les choses existantes, les habitations, le monde actuel qui envahit déjà notre quotidien. Je préfère créer un univers, crédible mais imaginaire. Je laisse la liberté au scénariste pour le reste, la construction qui me permet de visualiser. Je traduit en langage visuel la création du scénariste mais ce dernier n’a rien à voir dans mon travail. Pour La vengeance du comte Skarbek, Yves Sente a réalisé un travail « sur-mesure ». D’abord, j’ai un faible pour les lieux et personnages historiques, même si Skarbek est un  personnage de fiction . Ensuite, j’adore la peinture, je m’identifie donc facilement avec ce personnage, peintre de son état. En plus, mais Yves ne le savais pas en écrivant le récit, l’école des Beaux-Arts dont sort Skarbek, est la même que moi. J’ai pris beaucoup de plaisir à dessiner mon école, que j’ai quittée depuis longtemps maintenant. Par ailleurs, j’ai beaucoup appris du scénario d’Yves, comme par exemple l’impact de la révolution polonaise de 1830, contre le tsar, fêtée comme telle dans mon pays, sur la construction des autres pays européens, et notamment la Belgique. »

 

 

 

Une démarche graphique créative …

 

« D’habitude, je travaille sur des planches de format classique, ayant voulu, en arrivant en Belgique, faire « comme les autres » mais je n’ai jamais vraiment aimé de cloisonnement des bords, des cadres. Ici, j’ai réalisés mes cases les unes après les autres, comme des tableaux, et je les ai montées ensuite sur des planches, au format de 1m sur 70 cm ! J’avais bien sur prévu la place des textes, que j’ai ensuite intégrés, à la différence de Thorgal où je commence par mettre les textes dans les cases, afin d’évaluer la place dont je dispose pour le dessin et de gérer graphiquement cette surface restante. Les seules contraintes que je m’impose, pour citer Hergé, sont celles de crédibilité et de lisibilité. Au delà, tout est ouvert. Personnellement, la ligne claire m’ennuie. Je n’y trouve pas moyen à plonger dans la matière. Je n’y vois pas d’instinctivité. »

 

 

 

L’avenir, avec ou sans Thorgal ?

 

« ean Van Hamme devait arrêter Thorgal au 29ème épisode, c’est à dire dans deux épisodes. Finalement, il ira jusqu’à 30. Après, j’ai déjà des propositions de scénarios qui pourraient venir enrichir l’univers de la saga qui continuera, de toute façon.. Il est possible que se créent des séries parallèles,  mettant l’accent sur les personnages aujourd’hui secondaires, comme Jolan (le fils de Thorgal) par exemple, sans doute graphiquement différentes mais qui conserveront néanmoins les codes de l’histoire, le caractère de la saga familiale. La réflexion est engagée sur l’avenir. Le prochain album que je publierai sera un Thorgal, qui viendra s’intercaler entre les deux volets de Skarbek. Dans le second tome, qui paraîtra en fin 2005, et qui sera une nouvelle fois riche en rebondissements, tous les points d’ombre seront expliqués. » Patience …

 

 

 

Propos recueillis par Laurent Turpin le 11 février 2004.

 

 

 

Retrouvez la critique de Deux Mains d’or, premier volet de La vengeance du comte Skarbek.

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