Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...« Le Rêve de mon père » T1 par Matsumoto Taiyô
Annoncé depuis janvier 2018 comme le nouvel invité manga du Festival de la Bande Dessiné d’Angoulême suivant, on attendait avec impatience les prochaines sorties de Matsumoto Taiyô, qui auraient dû submerger les étagères des librairies françaises. Il n’en a rien été, les éditeurs ne s’étant pas bousculés pour publier ce qui ne l’avait pas été ou qui est depuis longtemps épuisé. Comme nouveauté, nous avons eu la suite de l’excellent « Les Chats du Louvre » paru chez Futuropolis. À part ça, Pika a sorti « Zero », un manga sur la boxe et maintenant Kana propose « Le Rêve de mon père », deux séries datant du début des années 90. Il est bon de voir que ces titres, qui n’avaient pas encore été édités en France, ne déméritent pas et restent très contemporains.
« Zero » et « Le Rêve de mon père » sont deux titres de jeunesse de Matsumoto Taiyô . Publiés alors qu’il avait 23 ans, dans la revue Big Comic Spirits entre 1990 et 1991, pour le premier et entre 1991 et 1992, pour le second. Soit deux ans avant « Amer Béton », le titre qui a propulsé cet auteur iconoclaste sur le devant de la scène, notamment en France avec la publication de la série par les éditions Tonkam.
Ces deux œuvres présentées aujourd’hui sont des titres sportifs. La boxe pour « Zero » et le baseball pour « Le Rêve de mon père », deux disciplines qui sont traitées de manière bien différente. Quand le premier montre de vrais combats et entretien la notion de rivalité, le second se rapproche plus d’une chronique sociale sur fond de challenge inaccessible. Voyez plutôt :
« Zero » narre la vie de Miyabi Goshima, le plus grand boxeur de tous les temps. Invaincu, il enchaîne victoire sur victoire sans y mettre beaucoup d’entrain. Il défend bien son titre à chaque combat, mais la frustration le gagne. Quand un autre boxeur, bien plus jeune que lui, arrive sur la scène, il sent la rage de vaincre revenir en lui. Voilà enfin un défi à sa hauteur.
« Le rêve de mon père » suit le déracinement de Shigeo, un élève prometteur que sa mère vient d’envoyer pour l’été chez son père. Or, il n’a rien en commun avec cet homme. C’est un élève studieux, bien plus intéressé à réviser à la maison qu’à aller voir un match de baseball ou faire du sport au grand air tôt le matin. Shigeo doit pourtant endurer les délires de son père qui, malgré son âge, rêve toujours de devenir joueur professionnel de baseball. Bref, tout les oppose, même s’ils sont de la même famille.
Ces deux titres, malgré leur ancienneté, montrent déjà la maturité et l’audace de cet auteur japonais complètement à contre-courant de ce qu’était le manga populaire dans les années 90. Il avait et a toujours un style proche de la lino gravure avec des noirs extrêmement profonds. Ses personnages ont une expressivité exacerbée et leurs visages grimacent quasiment en permanence, un caractère mis en avant par des lèvres cerclées de noir : traitement inhabituel en bande dessinée où les dessinateurs privilégient plutôt le regard en soulignant les yeux et non la bouche, dont les mimiques relèvent finalement le tempérament des personnages. Bien sûr, ces visages exaltants dans « Zero » sont là pour montrer l’effort et l’acharnement des adversaires l’un envers l’autre. Les corps dénudés n’étant apparemment pas suffisants pour montrer l’intensité du geste.
Dans « Le Rêve de mon père », c’est le côté grandiloquent du patriarche qui est ainsi souligné avec en plus ce ventre bedonnant largement mis en avant par un habile jeu de contre plongée. Matsumoto Taiyô multiplie les points de vue, fait tournoyer la caméra autour de ses personnages pour les accabler ou les agrandir. Le regard du spectateur, emporté par ce jeu de cadrage inhabituel, tient un rôle extrêmement important pour cet auteur. Ce qu’il confirmera par la suite dans « Amer Beton » où la ville prend une dimension spectaculaire avec ses perspectives grandioses confinées dans des cases bien strictes.
Si la boxe n’est pas un sport compliqué, il en est tout autre pour le français béotien concernant le baseball, cette discipline pourtant adulée au Japon. C’est peut-être là le plus gros écueil de l’album « Le Rêve de mon père ». Il nous est difficile de mesurer toute la ferveur que ressent cet homme face à ce destin qui lui passe sous le nez et qu’il réverait de vivre par procuration via son fils. Ce sport et ses stars sont malheureusement méconnus dans nos contrées. Néanmoins, avec un peu de bonne volonté, il est aisé de comprendre les enjeux devant l’enthousiasme communicatif de cet homme. Comprendre les règles de ce sport est un plus, mais finalement ce n’est pas une donnée obligatoire pour percevoir l’évolution de la relation père-fils qui se noue au fil des pages.
La France a toujours su accueillir avec enthousiasme les œuvres de Matsumoto Taiyô même si son travail reste bien éloigné de l’univers formaté des manga traditionnels. Encore une fois, cet auteur nous propose des histoires, fortes et très bien écrites, avec une mise en scène dynamique même si elles sont anciennes.
Gwenaël JACQUET
« Le rêve de mon père » T1 par Matsumoto Taiyô
Éditions Kana (12,70 €) – ISBN : 9782505072195
« Zero » Intégral par Matsumoto Taiyô
Éditions Pika (25 €) – ISBN : 9782811641368
A présent, tous les manga de Matsumoto ont été traduits en France, à l’exception de « Straight », sa toute première œuvre dont il refuse la réédition. Il ne reste plus qu’à publier les recueils d’illustrations « 100″, « 101″ et le tout récent « Taiyou » (le moins intéressant des trois).