Entretien avec Joann Sfar

Succès artistique, critique et public, Le Chat du Rabbin, fort du tirage de 65.000 exemplaires de l’Exode, est une des figures de proue de la collection « Poisson Pilote » des éditions Dargaud. Morceaux choisis d’une rencontre-conférence de presse avec Joann Sfar.

 

 

Le Chat du rabbin, série à part …

 

Pour le Chat du rabbin, j’ai utilisé un angle d’attaque différent de ce que j’avais pu faire avec d’autres séries que j’avais débutées dans un style « adolescent ». Le chat du rabbin est plus ancré dans le temps. Mes personnages vieillissent. C’est sans doute la moins autobiographique de mes séries. Il m’a fallu du temps pour appréhender cette identité algérienne si souvent caricaturée.

 

 

 

Une série « juive » ?

 

Je ne voudrais pas être instrumentalisé avec cette série. Les personnages du Chat du Rabbin ne sont pas « plus juifs » que dans mes autres séries. Je ne revendique rien de juif. J’utilise mon bagage affectif et culturel.

 

 

 

Le chat 

 

Mon chat n’est ni provocateur, ni sacrilège, c’est juste un bon élève dans la mesure où il ne se contente pas de répéter par cœur ce qu’il a appris.

 

 

 

… et Les rabbins.

 

J’ai voulu instaurer un rapport drôle, distancié et souple avec la religion, en revenant au rôle séculaire du rabbin. Dans la religion juive, il est normalement interdit de discuter de Dieu tant qu’on est pas vieux. Mon rabbin le dit lui même, s’il occupe cette fonction, c’est parce qu’il ne pouvait pas faire autre chose. Le jeune rabbin est plus rigide.

 

 

 

Sfar va-t-il trop loin ?

 

« Un rabbin qui trompe sa femme, ça s’est déjà vu, mais manger du cochon, c’est trop fort ! », m’a-t-on dit ! J’ai voulu faire un livre sur l’exode. Mon rabbin n’a pas envie de transgresser les lois. Il teste en interrogeant Dieu, qui ne lui répond évidemment pas. C’est tellement mieux. Le doute est une attitude très religieuse, quelque soit la religion. Ici, ces moments de doute et de mise à l’épreuve sont racontés dans un contexte moderne. Imaginez, mon rabbin ne vient que 10 jours à Paris et il trouve l’épreuve terrible. C’est dire à quel point les pieds noirs ont souffert de l’exode.

 

 

 

La tentation n’est-elle pas grande d’arrêter d’autres séries pour ne se consacrer qu’à celles qui marchent « commercialement » ?

 

 Je travaille mes séries et mes personnages comme des jouets. Tant que j’ai envie de jouer, je continue. Par exemple, si j’ai arrêté de dessiner le Professeur Bell, c’est parce que je n’étais pas content de ce que je faisais. Je voulais faire une BD très réaliste.

 

 

 

Sfar, Leader de la « nouvelle bande dessinée » ?

 

Je me moque d’être considéré comme le chef de file d’une nouvelle génération, dont je n’ai pas le sens. Je n’ai pas vocation à rechercher particulièrement de jeunes auteurs. Je ne scénarise des bandes dessinées que pour des gens que j’admire.

 

 

 

Allez, pour finir, une petite anecdote : 

 

S’il pleut beaucoup dans ce nouveau tome du Chat du Rabbin, c’est parce que je l’ai réalisé durant le printemps, à Paris. Et il pleuvait. Je ne peux travailler cette série, où il fait beau, qu’en été, sur la côte d’Azur. Ca n’a pas été possible pour des raisons de prépublication dans Les Inrockuptibles.

 

 

 

Propos recueillis  par Laurent Turpin le 2 octobre 2003

 

 

A lire : notre critique du Chat du rabbin 3 – L’éxode

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