« Phoolan Devi, reine des bandits » par Claire Fauvel

Sur la couverture, sur fond d’un palais oriental en ruines, une jeune femme armée d’un fusil regarde au loin… « La Reine des bandits », annoncée par le titre, se tient, droite, déterminée. La vie qu’elle a connue jusque-là aurait pourtant pu maintes fois la détruire : une vie de femme indienne si souvent meurtrie dans un pays et une culture qui ne lui fait aucun cadeau et contre lesquels elle va lutter âprement…

Claire Fauvel s’attache à évoquer le sort des femmes indiennes à travers l’histoire de l’une d’entre elles, une femme exceptionnelle par le courage dont elle fait preuve pour survivre, pour survivre en tant que femme. Le récit, adapté de l’autobiographie de Phoolan Devi, commence quand, en 1994, elle ressort de prison après 12 ans de détention pour être devenue une rebelle et une guerrière mémorable…

Née 20 ans plus tôt, dans la caste la plus défavorisée que l’hindouisme a décrétée, les « intouchables », les « impurs », c’est-à-dire la plus méprisée et marginalisée de l’Inde. Phoolan Devi souffre de la double peine : non seulement d’être pauvre, mais aussi d’être femme.  Dans un monde où les hommes font la loi, Phoolan connait très vite ce que veut dire autorité et violence masculines. Le pire est qu’elle soit donnée en mariage à 11 ans  à un homme qui entend, à travers elle, humilier sa famille qui doit finalement payer pour que sa fille devienne esclave !

Phoolan est encore un peu naïve, évidemment. Cela ne va pas durer. Battue, violée, l’enfant découvre que le monde qui l’entoure n’est pas fait pour les femmes, qu’il faut lui résister. Dès lors, sa vie devient un combat incessant contre la tradition notamment, toujours favorable aux hommes, qui ont l’autorité (les policiers, par exemple), qui ont les rênes de la tradition (le patriarcat et les prêtres) et/ou qui ont l’argent.

Dans ce monde-là, les contre-pouvoirs sont inexistants. Tout est corruption ou collusion. L’injustice est la règle ! Reste la marge, via le banditisme, qui va permettre à Phoolan Devi de se venger, mais également d’aimer, d’être aimée, de vivre femme et de défendre les droits des pauvres. Parcours incroyable que celui de cette véritable Robin des bois du Nord de l’Inde, puis, plus tard, femme politique et députée (en 1996), malheureusement assassinée en 2001.

Non seulement Claire Fauvel raconte à la perfection ce destin étonnant, mais elle le dessine efficacement et le colorise avec talent. Elle excelle particulièrement dans les paysages ou la vue des villages et des villes. Rappelons qu’avec « Une saison en Égypte » (2015, Casterman), Claire Fauvel nous faisait déjà voyager avec  Sacha, jeune homme sans le sou et sans expérience, rêvant de gloire et d’écriture, embarquant pour Le Caire et se liant d’amitié avec Alexandre, un peintre français. Sous une très belle couverture, orientalisante à souhait, elle faisait plonger le lecteur dans un orient réel ou fantasmé au fil d’imbroglios amoureux et aventuriers sans temps mort. Si son dessin a beaucoup progressé depuis, sa mise en couleurs ne manquait déjà pas de sensualité.

Dernière petite (quoique !) remarque en passant pour cet album passionnant du point de vue du combat féminin et féministe : en écrivant « la chef » en quatrième de couverture, on oublie que le mot « cheffe » existe en français (idem pour « député », au masculin dans la préface), ce qui est révélateur des combats à mener ici-même pour la féminisation de la société, ce dont la langue est toujours le reflet.

Alors, bons voyages !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Phoolan Devi, reine des bandits » par Claire Fauvel 

Éditions Casterman (22 €) – ISBN : 978-2-2031-1211-7

Galerie

2 réponses à « Phoolan Devi, reine des bandits » par Claire Fauvel

  1. Crissant Clavier dit :

    Est-ce que faire du féminisme une niche commerciale reste du féminisme ?

    Est-ce que prendre le féminisme en otage la main sur le coeur pour tondre (encore un peu plus ) le porte-monnaie des femmes n’est pas une plus grande violence que quelques règles de grammaire poussiéreuse ?

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