Comic Book Special : sélection été 2018

Parce que les éditeurs de comics français n’ont jamais été aussi nombreux, parce que les sorties s’enchainent à un rythme effréné, et que la qualité demeure quand même au rendez-vous, pour peu que l’on puisse avoir l’opportunité d’opérer un tri nécessaire, voilà une sélection de titres ne pouvant faire l’objet de chroniques indépendantes, mais méritant néanmoins votre attention. Que ce soit sous forme numérique (oui oui, ça existe, et c’est pas mal du tout) ou papier (hum !, le craquement du cartonnage et oooh !, l’odeur et le toucher du papier), asseyez-vous et profitez des vacances pour les déguster. Vous trouverez bien un bon libraire pour vous les proposer.

« Secret Weapons » par Eric Heisserer et Raul Allen

Secret Weapons est le premier volume d’une histoire consacrée à la création d’une nouvelle équipe de héros. Elle met Livewire, la technotelepathe Amanda McKee au coeur de ce récit en nous permettant de la découvrir de manière beaucoup plus personnelle que dans ses précédentes aventures. Envoyée par le gouvernement pour enquêter dans les ruines d’un laboratoire ayant appartenu à Toyo Harada, elle va retrouver la trace de jeunes psiotiques qui avaient été enrôlés puis ont été abandonnés car leur pouvoir ne convenait pas aux attentes de leur mentor.

Malheureusement, ces derniers ont été repères par un ancien lieutenant d’Harada, savant fou ayant pour ambition de siphonner les pouvoirs de chacun afin de les agglomérer dans une créature hybride, mi extraterrestre, mi bionique : Rex-O.

L’occasion pour nos trois psiotiques d’être aidés et rassemblés par Amanda. Les artistes Raúl Allen et Patricia Martin, travaillant deja ensemble sur les séries Bloodshot Reborn, Ninjak et Eternel Warrior réalisent une mise en page minutieuse, aux nombreuses petites cases, mais fluide, dont le résultat graphique à l’encrage léger pourra rappeler un peu celui de Juan José Ryp. Deux récits s’arrêtant sur les personnages de Nikki (celle qui parle aux oiseaux) : « Secret Weapons » #0 et Owen (je fais apparaître les objets que je veux) : « Secret Weapons Owen’s Story » #0 complètent les quatre premiers numéros. Le premier dessiné par Adam Molina, le second par notre duo. On y ajoute 22 pages d’interviews très intéressantes avec les auteurs, des recherches graphiques et l’habituelle galerie de couvertures et de pages encrées.

Un très bon début de série, par le scénariste des futures adaptations cinématographiques « Bloodsdhot » et « Harbinger », qui s’est beaucoup investi dans cette séquelle de l’univers Valiant, pour notre plus grand plaisir.

 

« Royal City T2 : Sonic Youth » par Jeff Lemire

Mon dieu, qu’il est bon de retrouver à chaque fois l’univers de Jeff Lemire et ici la petite ville de Royal City où se déroule ce récit intimiste et familial. Celui-ci laisse une large part à des souvenirs que l’on devine autobiographiques.

Dans ces épisodes # 6 à 10, l’auteur focalise sur le personnage de Tommy, le jeune blondinet dont on sait qu’il est décédé, (voir précédente chronique) avec un flashback très agréable et par le bais du carnet intime qu’il rédige chaque jour. Le jeune lycéen amateur de rock grunge (on est dans les années 90 au Canada), souffre de migraines lui provoquant des hallucinations et va suivre un traitement. Pendant que sa mère s’occupe de lui, petit dernier de la fratrie de trois garçons et une fille, son père, travaillant dans l’usine locale avec un de ses frères, s’échappe en collectionnant les radios vintage (superbe scène de brocante).

Roman graphique au ton très teenager, car vu par les yeux et le coeur d’un jeune homme solitaire amateur de Nirvana (et Sonic Youth comme son titre l’indique), « Royal City » surprend par sa fraîcheur et la poésie réaliste rendue par son auteur. Jeff Lemire EST Tommy et nous immerge dans son vécu d’une manière presque incroyable. Un chef d’œuvre du comics d’auteur, paraissant sous vos yeux. À ne pas manquer. Et surtout pas les superbes couvertures alternatives en fin de volume, rendant hommage aux groupes indie rock cultes de l’époque.

« Aliens Perdition » par James Stokoe

Dans la licence « Aliens », donnez-moi un petit comics bien sympa, sec et efficace, par un auteur peu connu du lectorat français, avec un graphisme bien alternatif, et traduit édité en cartonné chez Wetta. Bonne pioche !

« Aliens Perdition » (« Dead Orbit » en VO) est une mini série en 4 fascicules paru fin 2017 chez Dark Horse, mais rapidement traduite par Fred des éditions Wetta, passionné et aux aguets en ce qui concerne les apparitions du Xenomorphe. C’est une bonne chose car autant le label français s’est fait une spécialité de rééditions luxueuses de récits anciens sur cette licence ou d’autres (« Robocop », « Terminator »… ), autant n’avait- on pas vu beaucoup de vrais nouveautés depuis quelques temps sur ce titre. C’est chose faite avec cette histoire tout en flashback minutés, nous contant l’extermination d’une équipe d’astronautes ayant essayé de sauver des (un !) malheureu(x) collègue(s) coincé(s) dans leur caissons de survie dans un vaisseau à la dérive.

 

James Stokoe, auteur canadien, est surtout connu en France pour ses dessins sur l’univers Marvel, mais a aussi œuvré en solo aux États-Unis sur les mini-séries « Wonton Soup » (Oni Press), « Orc Stain » (image) et « Godzilla : the Half Century War » (IDW). Son style, assez underground et alternatif, est reconnaissable entre mille, quoique pouvant rappeler, par certains aspects légèrement gothiques, celui de James Harren (« Rumble » chez Glénat comics).
C’est ce qui donnait envie de découvrir sa vision de l’univers Aliens, et il faut reconnaître que cela est plutôt réussi. Tension palpable et univers graphique personnel, dans un récit, qui, s’il reste très classique dans son dénouement, apporte, au moins dans sa crude et dramatique introduction, une originalité indéniable.

Une mini-série et un album que les amateurs du monstre noir au sang d’acide ne manqueront pas d’ajouter à leur collection.

« Black Monday Muders » par Tomm Coker et Jonathan Hickman

Jonathan Hickman, un des scénaristes les plus respectés de ces dix dernières années, auteur entre autre de la série plébiscitée « Est of West » revient avec un thriller très spécial, abordant le thème de la luxure et du pouvoir par le biais des grandes familles de banquiers. Ceux-ci ne seraient-ils pas que des serviteurs de Mammon, depuis que l’argent est roi parmi les hommes ?

Le ton est ici au thriller, voire au polar, mais fantastique, car l’on suit l’inspecteur haïtien Theodore Dumas, flic féru de culture et de littérature, capable de voir des choses. Il va se faire aider en cela par un vieux professeur d’économie, ayant lui aussi été au bord du gouffre. Des Flashbacks remontant au premier crack boursier de 1929, permettent de resituer les activités « familiales » des Ackermann, Bischoff, Dominic, Rotschild, Abigail…tout en passant par les années quatre-vingt. C’est de nos jours cependant, en 2016, que les nouveaux événements se déroulent…car une crise en remplace une autre.

Vigie, lance, balance, trône de pierre ou simple esclave…chacun à sa place dans ce grand échiquier. Or la roue tourne : le prix doit être payé et le sang versé.

Avec sa couverture intrigante et alléchante, représentant un homme en costard cravate à tête de bouc lisant un journal d’économie, cigare fumant dans le cendrier et whisky dans une belle carafe à portée de main, indiquant son pouvoir, « Black Monday Murders » se pose d’entrée comme un comics prometteur. Car si le scenario de cette série fantastique en deux fois huit fascicules (2 tomes cartonnés) séduit par sa qualité d’écriture et de présentation (pages blanches aux textes fin jouant sur des extraits de journaux intimes et des symboles cabalistiques), l’aspect graphique est d’autant plus primordial et central.

Tomm Coker, déjà vu en France sur la série « Daredevil noir », ou « Cinq ronins », mais dont d’autres œuvres, semble t-il essentielles, restent à traduire (« Water Blood ») délivre un trait précis et ultra réaliste, proche de celui de Sean Phillips (« Criminal », « Fondu au noir »). La colorisation de Michael Garland le met particulièrement en valeur et donne à savourer des planches dans un style évoquant autant Alex Maleev (« Daredevil ») avec ses micro taches d’encre comme texture de fond, que Victor Kalvachev (« Blue Estate »).

Un premier tome excellent, car documenté, mais assez fou et particulièrement bien rendu.

Franck GUIGUE

PS : voilà, ce sera tout. Suite des chroniques comics début août, avec encore plein de bonnes choses, ici et sur mon blog personnel : Hectorvadair 40/30/30. On parlera entre autres d’intégrales (« Shadowman », « Helblazer » T2  par Mike Carey…), de « Batman Metal » T2, de « Bloodshot Salvation », de « Rapture », de « Britannia »T2, du « Batman légende » par Neal Adams, du second volume « New York » des « Tortues Ninja »…etc.) Bonnes vacances à toutes et à tous !

« Secret Weapons » par Eric Heisserer et Raul Allen
Éditions Bliss comics  (20€) – ISBN : 978-2-37578-117-3

« Royal City T2 : Sonic Youth » par Jeff Lemire
Éditions Urban Indies (15,50 €) – ISBN : 9791026813941

« Aliens Perdition » par James Stokoe
Édition Wetta (22,95 €) – ISBN : 978-2360741069

« Black Monday Muders » par Tomm Coker et Jonathan Hickman
Éditions Urban Indies (22,50 €) – ISBN : 9791026814290

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