Christian Desbois, éditions et galerie

En 1981, Christian Desbois est le premier à avoir l’idée de sortir la Bande Dessinée des albums pour la décliner en sérigraphies, lithographies, sculptures et portfolios ? en tirages limités et signés.
« Au début, j’ai pris des cases de Bande Dessinée et je les ai figées en sérigraphies, je trouvais ça beau et intéressant, détaché du contexte. »

 


Les premières cases sont issues de Jacobs, une valeur sûre. Mais très vite, Desbois trouve difficile d’envisager l’avenir avec des gens du passé ? ce que Jacobs, croulant sous les ans et les honneurs, confirme à sa manière : « On donne des noisettes aux singes qui n’ont plus de dents. »



Donc, Desbois attaque ceux qui ont encore des dents, et, baignant alors dans les aventures d’Adèle Blanc-Sec, il écrit à Tardi chez Casterman : « j’ai posté la lettre un jeudi, Casterman m’a appelé le vendredi, j’ai vu Tardi le samedi, il m’a présenté Bilal le lundi. L’idée était dans l’air. » Ce qui ne l’empêche pas de galérer pendant deux ans : « La cible, c’était deux ou trois librairies spécialisées un peu babas, et le produit, c’était un truc cher, fragile, qui ne pouvait pas se mettre en rayon. Toutes les raisons de se planter. » Néanmoins, ça finit par marcher, et Desbois s’installe en 1984 dans une boutique de la rue Pernety, où il entreprend une collection de vingt-deux couvertures de Tintin en sérigraphie, tout en cogitant à un nouveau lieu pour sa galerie. « Après une petite rue loin de tout, j’avais envie d’une avenue près d’un monument. » Qu’à cela ne tienne. Il trouve ça par hasard ? avenue de La Bourdonnais, à l’ombre de la Tour Eiffel ?, un jour où, coincé par le Tour de France, il explore le quartier le nez en l’air. (Desbois est un homme patient, inconscient et chanceux.)


Ouverte en 1986 et spécialisée dans l’exposition et la vente des planches de Bandes Dessinées originales, la galerie Christian Desbois amorce en 1990 un virage vers les arts plastiques, en présentant les auteurs de Bandes Dessinées sans cases ni bulles ? sur toile ou sur papier, à l’huile, au fusain, au pastel ou à l’aquarelle. C’est ainsi qu’on découvre les multiples facettes d’artistes tels que Bretécher, Bilal, Pochette, Baudoin, Tardi, Loustal, Gôtting, Cestac ou Avril. Depuis 1994, il édite également des livres (toujours liés à la Bande Dessinée), et remporte un gros succès avec le dernier, trente-six vues DE LA TOUR EIFFEL par André Juillard. Ce qui lui vaut de fêter ses vingt ans de métier, passés à mûrir des projets et des amitiés, sur cette Tour Eiffel dont les détracteurs
disaient, avant sa construction, qu’elle ne résisterait pas au vent.


 


Le Desbois en vrac


Arts Déco


« Je suis né avec un crayon à ta main et j’ai toujours dessiné. A part ça, mes carnets scolaires étaient pleins de remarques humiliantes du style « fait ce qu’il peut ». Si bien que je me suis arrêté en 3ème, et que je suis allé aux Arts Déco, où on pouvait encore entrer sans le Bac. Là, j’ai fait ce que je voulais, c’était plus épanouissant. »


Bonheur


« j’ai cinquante-deux ans et je suis content, j’étais déjà content à quarante, à trente, à vingt, et même ado. je ne me suis jamais senti paumé . »


Corsitude


je vais souvent en Corse, où j’ai atterri un jour par hasard, je leur dis que j’aime la Corse, uniquement parce que je sais que je peux rentrer à Paris. Ça les change, ils sont habitués à ce qu’on leur chante les misères de Paris et les beautés de la corsitude. »


Décalage


« Les premières éditions que j’ai créées avec Gilles Ziller, copain et prof de sérigraphie, s’appelaient « Repérage. Trois mois après, on a pris le contre-pied : « Décalage », je préfère, je suis dedans tout le temps. Par exemple, dans un milieu déjà marginalisé comme la Bande Dessinée, il y a un décalage énorme entre le moment où tu as une idée et le moment où tu arrives à t’imposer. »


Design


« Aux Arts Déco, ma première envie était de faire du « design », sans trop savoir ce que c’était parce que la section venait d’ouvrir ? c’était le début des années 70. Les mecs non plus ne savaient pas trop ce que c’était, le design, mais ça leur faisait un étudiant pour leur section, ils étaient contents. Finalement, j’ai abandonné le design pour l’illustration grâce à un prof formidable, Jean Lagarrigue, qui était copain avec Jean-Paul Goude. »


Garde-fou


« Au début, les artistes connus m’ont permis d’aider les moins connus. Ils m’ont fait confiance, et c’est un garde-fou : je ne peux pas leur faire honte. Evidemment, je peux me planter mais c’est autre chose. »


Humour


« 11 y en a qui voient de l’humour dans les Grosses Têtes et d’autres qui n’en voient pas dans Bilal.. »


Lucidité


« En 1981, j’illustrais des couvertures de livres et je passais des dessins dans Play-Boy, Lui, Cosmopotitan, etc. J’ai tout arrêté pour m’occuper des autres parce que l’artiste, c’était pas moi, c’était l’autre. »


Marchand


« je n’aime pas le mot « galeriste », je préfère « marchand ». Il est impensable que l’artiste se vende lui-même, alors je le fais. Mon plaisir, c’est d’être le lien entre deux mondes qui ne sont pas faits pour se rencontrer. L’artiste doute, l’acheteur aussi. Deux doutes ne peuvent pas se rencontrer. Dans
la galerie, le silence de l’acheteur est chargé d’un tas de choses : des envies, des trouilles. Le marchand intervient au moment précis où l’acheteur va partir parce que la trouille l’emporte sur l’envie. »


Miroir


« Avec les auteurs, c’est un peu comme si j’étais derrière un miroir sans tain. Ils continuent de se voir dans la glace et de se parler à eux-mêmes, mais ils savent que quelqu’un les écoute. Mon rôle est, entre autres, dans la retenue. »


Paris


« je suis un Parisien qui se sent bien à Paris. Je me fous des bagnoles et de la pollution, je suis toujours émerveillé, je marche beaucoup, partout, un jour je vais me faire écraser. »


Turbo-prof


« Pendant dix ans, j’ai été turbo-prof ? je faisais t’aller-retour dans la journée ? de communication visuelle et audio-visuelle aux Beaux-Arts de Nancy. Tu es noté, non sur ta valeur, mais sur le fait que tu ne peux pas perdre un quart de point, sinon ça discrédite l’administration. C’est formidable, j’ai toujours refusé d’être titularisé. »


Vice versa


« J’adore voir un artiste acheter le truc d’un autre. Pétillon qui achète un Bretécher, ou Bilal un Rochette. C’est euphorisant, de voir des gens que j’ai- me pour ce qu’ils font aimer d’autres gens que j’aime pour ce qu’ils font. (Et vice versa.) Ça confirme mon engagement et mes envies du début. »


 


Propos recueillis par Marie-Ange Guillaume in dossier de Presse 36 vues DE LA TOUR EIFFEL, d’André Juillard


Tout sur la galerie Desbois : www.desbois.com


Galerie Christian desbois – 14 avenue de la Bourdonnais – Paris 7ème – ouvert du mardi au samedi de 14h00 à 18h00 – 01 45 55 85 53

Galerie

2 réponses à Christian Desbois, éditions et galerie

  1. Souissi Kamel dit :

    Pil poil,en vadrouille (debut juillet) a cherbourg je tombe sur l expo « clair obscur » de loustal,et voila que le musée Thomas-Henry ce transforme en cathedrale, les dessins de Loustal en vitraille , le palmier cotoie le bunker,et le blochaus sent la coriandre des ruelles d’ alger ou de marakeche.Atmosphere tres blues et solitaire.Ou comment une vignette ou une planche de bd exilée de son contextete narative peut raconté une autre histoire,une histoire commune a tous les hommes …A SUIVRE.

  2. Patrick dit :

    J’ai lu avec plaisir cet article.
    Cordialement,

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