« Fletcher Hanks : Œuvres complètes » par Fletcher Hanks

L’An 2, qui avait déjà proposé au lectorat français en 2007 une première anthologie, très bien accueillie, de cet artiste américain excentrique, complète son travail patrimonial en éditant la totalité des œuvres de l’auteur dans un bel album cartonné. L’occasion ultime de découvrir cette bande dessinée complètement déjantée, au charme suranné.

Un des dessins "d'école" de Fletcher Hanks © L'An2-Fletcher Hanks

Fletcher Hanks (1887-1976) était un père de famille violent qui a, durant une courte période de sa vie, créé et dessiné des comics à une époque charnière du comic book, entre 1939 et 1941, avant de disparaître dans le plus grand anonymat. Mort oublié, détruit par l’alcool, son œuvre, redécouverte sporadiquement dans les années quatre-vingt par des artistes tels qu’Art Spiegelman, a bénéficié d’un premier recueil, traduit en France en 2007, sous une forme souple, dos carré : « Je détruirai toutes les planètes civilisées » (voir la chronique originale de Cecil Mc Kinley). Cette édition traduite par Harry Morgan était basée sur la maquette de l’éditeur américain Fantagraphics parue en 2016, grâce au travail de recherche de Paul Karasik, auteur dessinateur, mais aussi professeur et chercheur, ayant lui-même reçu des leçons de Will Eisner, et ayant côtoyé Art Spiegelman dans les années quatre-vingt dans la revue Raw.  Fantagraphics a ensuite publié un deuxième volume : « You should Die By Your Own Evil Creation » (2009) qui donne donc l’autre matière à ce gros volume bienvenu, où l’on retrouve les planches de Paul Karasik contant sa rencontre avec Fletcher Junior, déjà présentes dans le premier album, mais aussi en bonus deux bandes inédites, une postface mise à jour, (nous donnant l’année exacte : 1976, de la mort de l’auteur), ainsi que quelques unes de ses œuvres ayant été réalisées durant son apprentissage auprès de son école de dessin par correspondance, la W L. Evans School of Cartooning.

Le sommaire quant à lui fournit l’intégralité des récits parus dans les revues Fantastic comics, Jungle comics, Fight comics, Planet comics, Daring Mystery, Big Three comics, mettant en scène principalement les personnages de : Stardust, Space Smith (et sa chérie Dianna), Tabu le mage de la jungle, Big Red Mc Lane, Fantomah la blonde sorcière à tête de mort, ainsi donc que deux bandes reproduites en petit format et non traduites, issues de Great comicsn°1 et 2 : « La Pâtée défie Tony Pimento » et « Le Grand combat de Fuller la pâtée ».

Si ces histoires « abracadabrantesques » mettant en scène les aventures courtes, d’un genre super héros et science-fiction, entre Superman et Buck Rogers, apparaissent aujourd’hui comme improbables (1), c’est surtout le contexte de leur création et l’aspect patrimonial qu’il est intéressant de retenir.  Ces bandes, qui ont dû subjuguer des enfants américains et les perturber certainement, à une époque agitée, où, sur le vieux continent, l’Europe entrait en guerre, nous font rires aujourd’hui tant elles paraissent imaginées par un môme de six ans. Mais l’imagination débridée qui les a inventées, et le dessin si kitsch, aux couleurs et trames si explosives, que Paul Karasik ne veut pas définir d’Art brut, ne manquera pourtant pas de laisser songeur. En effet, n’est-ce pas justement lui qui conclue son imposant texte de présentation par la phrase : « Souvenez-vous, en lisant ces récits, qu’ils proviennent d’un homme, qui, en une occasion, envoya d’un coup de pied son fils de quatre ans valser dans un escalier » ?

Un recueil tout simplement beau, à la couverture au vernis sélectif magnifique; important pour tous les lecteurs s’intéressant aux comic books ou à la science fiction, et délicieusement drôle, pour tout ceux qui ont su garder leur âme d’enfant. Un ovni patrimonial du neuvième art !

Franck GUIGUE

Paul Karasik se met en scène... © Paul Karasik - l'An2

(1) Fletcher Hanks utilise des poncifs de scénarios que l’on devine empruntés par exemple aux bandes d’aventures de Buck Rogers ou de Flash Gordon – récits publiés dans le journaux dès 1929 pour l’un ou 1934 pour l’autre – mais y ajoute néanmoins une patte personnelle, aux éléments et personnages vraiment bizarroïdes et aux conclusions souvent violentes. Cela dit, et à postériori, des épisodes comme ceux de « Tarzan et les Ononoes », mettant en scène des grosses têtes monstrueuses, pourtant datées 1949 en Sunday pages, lui doivent peut-être quelque chose…

« Fletcher Hanks : œuvres complètes » par Fletcher Hanks, réunies par Paul Karazik


Éditions l’An 2 (39,50 €) – ISBN : 978-2-330-08651-0

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