Interview de Denis Falque

Avec 13 albums parus en 7 ans, Denis Falque s’est plutôt occupé ces derniers temps. Et même s’il nous avoue ressentir le besoin d’aller un peu moins vite, il n’est pas prêt de s’arrêter.

Entre Le Fond du monde (avec Corbeyran chez Delcourt), Jane (avec Bonifay chez Casterman) et Le Triangle Secret (avec Convard chez Glénat), il trouve encore le temps de préparer son futur projet, un album solo à paraître chez Glénat. Le temps d’une pause, nous l’avons rencontré à l’occasion de la sortie de « Le grand bateau », 5ème tome du Fond du monde.

YELLOW KID : « Le grand bateau », cinquième volume de la série Le fond du monde, qui vient de sortir aux éditions Delcourt, semble marquer un tournant narratif et graphique …

 

DENIS FALQUE : Au niveau des couleurs, d’abord . Etant un peu bloqué avec toutes les séries que je mène de front,  j’ai délégué cette partie à un ami, Christophe Araldi. Il a travaillé avec l’aide de l’informatique, même si ça ne se remarque pas, preuve de sa compétence. Je suis très satisfait du résultat.

 

 

YELLOW KID : Tournant également au niveau du récit puisqu’on assiste à un passage de relais entre Basile, le héros du premier cycle, et les autres personnages qu’il abandonne en cours d’histoire et qui vont partir vers un nouveau monde …

 

DENIS FALQUE : Oui, bien qu’il ait déjà été mis un peu à l’écart dans le tome précédent, « Le grand magasin ». En fait, Basile est devenu le fil conducteur du nouveau récit, et c’est lui qui accompagne le lecteur dans le passage de l’univers du fond du monde à celui du grand magasin. C’est quand même le héros du premier cycle de trois tomes. Il était donc naturel de le retrouver à la fin de l’album « Le grand magasin ». Et c’est lui qui nous amène à nouveau dans un nouvel univers, celui du grand bateau. Il va donc disparaître mais je pense qu’on le reverra à la fin de cette seconde trilogie. Il est vrai que de nouveaux personnages interviennent maintenant. Je vis cette situation avec un peu de nostalgie, m’étant attaché à Basile, mais je pense qu’on le retrouvera plus tard.

 

YELLOW KID : Peut-on qualifier la modification du style du récit, moins « idéologique » qu’auparavant, et plus centré sur l’action, mais également plus réaliste, comme un autre tournant ?

 

DENIS FALQUE : Oui, c’est vrai. Dans le tome 4,. Corbeyran et moi posions les bases d’un nouvel univers, qui venait remplacer la partie haute du fond du monde, où il s’était passé beaucoup de choses en 10 ans. Je pense que certains lecteurs ont trouvé, en refermant ce précédent tome, qu’il ne s’était pas passé suffisamment d’événements. On fait donc ici un album d’action. Bien sur, il y a toujours une critique sous jacente de la société mais « Le grand bateau » a été traité d’une façon différente, un peu comme un vaudeville. Je pense d’ailleurs qu’il est aussi amusant pour Corbeyran de changer, de montrer tout l’étendue de son savoir faire. Cela débouche sur une narration différente, qui est un petit « plus».

 

YELLOW KID : Votre trait est également plus réaliste ?

 

DENIS FALQUE : Oui, mon style évolue encore. C’est bien ainsi. Je ressent plus de facilité. J’ai l’impression de moins souffrir sur Le fond du monde, car c’est une souffrance parfois de dessiner. J’étais plus à l’aise sur cet album qui s’est finalement fait assez rapidement.

 

YELLOW KID : Comment qualifieriez-vous Le fond du monde ?

 

DENIS FALQUE : Cette série est difficile à qualifier. C’est un problème ! Je dirais qu’on est dans de la science-fiction. Même si il n’y a pas de vaisseaux spatiaux, nous avons inventé un univers, qui se révèle plausible. Plus de la science fiction que du fantastique puisque notre monde est réel et crédible. Un peu à la façon ou dans l’état d’esprit de Jules Verne.

 

YELLOW KID : Parallèlement au Fond du monde, vous travaillez sur Jane, avec Philippe Bonifay (Casterman). Où en est cette série ?

 

DENIS FALQUE : Un troisième tome doit logiquement paraître en novembre prochain.

 

YELLOW KID : Vous assurez également le dessin de la partie contemporaine du Triangle secret, une série scénarisée par Didier Convard (Glénat). Quelle différence faites vous entre vos trois scénaristes : Corbeyran, Bonifay et Convard ?

 

DENIS FALQUE : Corbeyran travaille au feeling, comme moi. Il avance son histoire au fur et à mesure. Tout n’est pas forcément pensé à l’avance. Il prend des risques à chaque fois. Philippe Bonifay avance un peu de la même façon mais son découpage est plus complexe, ce qui donne la force de ses récits. Il fait la démonstration du « comment raconter une histoire simple d’une manière fournie, avec beaucoup de psychologie et d’intimisme ». Didier Convard procède de façon mathématique, très réfléchie. Il connaît le début et la fin de son histoire quand il l’écrit, et découpe ses séquences en fonction de ça. Les autres fonctionnent vraiment plus au feeling et se retournent moins sur ce qu’ils ont fait au début.

 

YELLOW KID : Le Triangle secret est d’autant plus « mathématique » qu’il est prévu 7 albums à cette série dont les parutions sont d’ores et déjà programmées jusqu’en 2003. Pour Le fond du monde, qu’en est-il ?

 

DENIS FALQUE : On va faire un tome 6 qui s’appellera « La grande terre ». Ensuite on verra. En fonction des envies du scénariste et du dessinateur. Et des idées qui viendront. Si on n’a pas d’histoire intéressante à proposer, on s’arrêtera. Mais, quoi qu’il en soit, si on continue, ce sera pour faire des « one-shots », des épisodes indépendants à chaque fois. Ce sera plus simple et plus rassurant pour moi. Les séries interminables me posent des problèmes terribles de motivations. Je pense que sur trois albums, on finit par s’essouffler sur la fin. C’est le maximum. 2 cycles de 3, c’est très bien. Un troisième cycle serait sans doute de trop.

 

YELLOW KID : Mais le second cycle est très différent du premier ?

 

DENIS FALQUE : Heureusement. On a fait un peu table rase de tout ce qui se passait dans le premier cycle, sinon j’aurais eu l’impression de me répéter.

 

YELLOW KID : Combien de tome sont prévus pour Jane ?

 

DENIS FALQUE : On ne sait pas. On avance au coup par coup. On fait à chaque fois une histoire complète, avec à chaque fois un clin d’œil au tome 1, ce qui en fait néanmoins une série « à suivre ».

 

YELLOW KID : Nous avons compté qu’en 7 ans de BD, en prenant pour point de départ le premier Graindazur paru  chez Dargaud, vous avez fait 13 albums, ce qui reflète un rythme soutenu. Allez vous continuer sur cette lancée ?

 

DENIS FALQUE : J’aimerais un peu calmer le jeu. C’est pour ça que recommencer un cycle du Fond du monde me semble difficile car il faut évidemment fournir régulièrement la suite aux lecteurs qui la réclament. Je voudrais pouvoir travailler à mon vrai rythme car je me dépasse un peu en ce moment.

 

YELLOW KID : Avez vous d’autres projets, en plus de poursuivre ces trois séries ?

 

DENIS FALQUE : Oui, j’ai en projet un album solo, où je ferai à la fois le scénario, le dessin et les couleurs, pour faire une BD où j’assume l’ensemble des risques. Si je me plante, ce sera entièrement de ma faute, je n’aurais rien à dire.

 

YELLOW KID : Cette BD est-elle déjà en préparation ou s’agit-il encore d’un projet ?

 

DENIS FALQUE : Je suis en train de réunir la documentation. J’espère pouvoir le faire.

 

YELLOW KID : Chez quel éditeur ?

 

DENIS FALQUE : Ca collerait parfaitement à la nouvelle collection « Loge noire », dirigée par Didier Convard chez Glénat. Didier pourrait ainsi suivre mon travail et me permettre de faire mes premières armes dans le scénario.

 

YELLOW KID : Etes-vous sur de vouloir baisser votre rythme de travail avec ce nouveau projet en plus ?

 

DENIS FALQUE : Vous l’avez dit, la fin du Triangle secret est déjà programmée. Si Le fond du monde continue, ce sera  à un rythme moins soutenu. Quant à Jane, la série peut s’arrêter.  Je pense donc qu’il vaut mieux se préparer à travailler trop que de se voir dépourvu de scénarios et de projets.

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