« Les Chats du Louvre » T1 par Matsumoto Tayo

Le Louvre fait de nouveau appel à un talentueux dessinateur japonais pour conter cette vénérable institution française. Cet auteur, véritables ovni dans la culture formatée du manga au Japon, est passionné d’art européen, ce qui se ressent immeditament dans son album. Après avoir participé à une aventure à quatre mains avec Nicolas de Crécy en 2014(1), il revient en France par la grande porte, avec une œuvre à même de toucher un très large public, et pas seulement les amateurs de mangas ou même de bandes dessinées.

Cécile est guide au Louvre. Un jour, alors qu’elle fait la visite pour la énième fois, qu’elle s’arrête devant la fameuse Mona-Lisa et qu’elle répète encore et encore son discours devant un public peu enclin a s’intéresser aux autres merveilles que renferme le musée, elle aperçoit un jeune chat blanc qui, étrangement, l’écoute religieusement. Patrick, de son côté, vient d’être embauché par le musée pour suppléer Marcel dans ses rondes du soir. Ce dernier est une institution au Louvre : sa famille y travaille de génération en génération. Du coup, il connaît tous les recoins et fait découvrir à son nouvel apprenti un endroit inaccessible au public, où se rassemble un groupe de chats qu’il vient, en secret, nourrir chaque jour. Marcel a également un lourd secret en lui, sa soeur a disparu dans le musée et il pense qu’elle est enfermée dans un tableau. Elle serait, comme Flocon, le chat blanc : un passe tableau. Mais Marcel ne sait pas dans quelle peinture elle a élu domicile. Et surtout, pourquoi est-elle bloquée dans un tableau alors que Flocon de son côté peut aller et venir à sa guise entre les oeuvres ? Pourtant, il ne faut pas se faire repérer par les humains, et ça… Flocon a du mal à concevoir qu’il met en danger tous les autres chats du Louvre.

Fable onirique et anthropomorphique, « Les Chats du Louvre » nous fait voyager dans les coulisses de ce bâtiment encore plein de mystères pour les simples visiteurs qui n’aspirent, pour la plupart, qu’à contempler la Joconde. Les personnages sont attachants, même le vieux Marcel qui est plutôt renfermé. Et il y a bien sûr les chats, chaque félin ayant une histoire et un parcours différent. La grande force du récit est de personnifier ces chats. Quand ils sont dans le monde des humains avec leur vison d’humain, ce ne sont que de simples animaux à quatre pattes. Quand on passe dans leur monde à eux, ils sont d’apparence humaine et discutent de leur condition et autre philosophie du moment. Ce côté anthropomorphique permet au lecteur, d’une part de bien comprendre les deux mondes et d’autre part de rentrer plus facilement dans celui de ces animaux aux comportements parfois étranges, que nous, humains, ne saisissons souvent pas.

Le dessin de Matsumoto Tayo est égal à lui-même et donc assez inhabituel pour un manga. Son côté artistique et lâché ne correspondant pas aux canons formatés des productions habituellement présentes sur le marché nippon. C’est peut-être pour ce talent d’artiste, à contre-courant des standards actuels, que le Louvre a fait appel à ce dessinateur japonais. Ce n’est pas la première fois qu’un mangaka œuvre pour la collection du Louvre chez Futuropolis. Il y a eu : « Rohan au Louvre » par Hirohito Araki, un autre artiste japonais ayant su imposer son graphisme à contre-courant des canons commerciaux, « Les Rêveurs du Louvre », un collectif rassemblant les auteurs japonais : Shinichi Sakamoto, Daisuke Igarashi, Mari Yamazaki et Katsura Terada et, bien évidemment, « Les Gardiens du Louvre » de Jiro Taniguchi, qui pour le coup avait produit un superbe album en couleur directe. Étrangement, celui-ci vient d’être réédité en version noir et blanc. Version qui ne fait que passer les superbes teintes en nuances de gris ternes et qui dessert plus l’oeuvre originale qu’autre chose, selon moi. C’est pourtant cette version qui a été publiée au Japon et qui est ici augmentée de 8 pages et arbore donc une nouvelle couverture.

À noter que pour ce titre : « Les Chats du Louvre », un second tome est prévu au printemps 2018 ,afin de boucler cette histoire de plus de 400 pages en 18 chapitres. Une édition, en couleur, paraîtra également dans la foulée. Celle-ci ne sera pas réalisée par l’auteur, mais pas Isabelle Merlet-Rouger, une célèbre coloriste française spécialement choisie par Matsumoto pour mettre en valeur ses planches. Elle travaille également pour Futuropolis, ce qui a dû faciliter le contact.

La collection liée au Musée du Louvre de chez Futuropolis offre toujours des récits en marge de la BD traditionnelle, plus proche de l’univers de l’art, ce qui se confirme avec ce titre. Matsumoto n’a pas eu trop à se forcer pour réaliser un livre artistique plus proche de la BD européenne que japonaise. Néanmoins, les origines japonaises sont là, avec un sens de lecture inversé par rapport à nos codes occidentaux, des premières pages en couleurs, sublimes, et un intérieur en noir et blanc travaillé au lavis plutôt qu’à la trame mécanique. Un livre pour les amoureux du Louvre, des chats, des mangas ou tout simplement des bandes dessinées.

Gwenaël JACQUET

« Les Chats du Louvre » T1 par Matsumoto Tayo
Éditions Futuropolis (26 €) ISBN : 9782754822770

(1) Nicolas de Crecy et Matsumoto Tayo se sont rencontrés au Japon en 2014. En est ressorti, une sorte d’artbook édité chez Genkosha Mook montrant le travail des deux dessinateurs par le biais d’illustrations, d’histoires courtes et autre travaux de recherche graphiques.

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