« Emma G. Wildford » par Édith et Zidrou

Dans la petite bourgeoisie londonienne du début du XXe siècle, peu nombreuses sont les femmes à se déclarer voyageuses ou exploratrices. Ce sont les hommes soutenus par la Royal Geographical Society, qui ont ce privilège. Ainsi en est-il de ce fiancé parti pour une expédition en Laponie et qu’Emma attend sans faille depuis plus d’un an. Sauf qu’à force de trouver le temps long, Pénélope décide d’aller chercher Ulysse…

Emma est du genre Bovary : rêveuse et fidèle. Elle écrit des poèmes et attend sagement et avec obéissance son bien aimé, dans le petit manoir familial confortable, entouré d’un jardin à la végétation abondante. Malgré la chaleur exceptionnelle de cet été, tout est calme et tranquille. Emma sent pourtant monter en elle des émois transgressifs (sept ans de fiançailles, déjà,  et elle n’a que 20 ans !), et va se baigner nue, sous les yeux choqués de sa sœur Élisabeth, enceinte et bien mariée à Charles, un banquier bien ennuyeux qui veut neuf enfants : « Un tout petit peu de semence investie pour un rendement maximum, quel homme d’affaires avisé » persifle Emma !

Reste qu’Emma n’a, par exemple, pas osé toucher la lettre que son amant lui a laissée sur la cheminée, à n’ouvrir que s’il ne revenait pas… Elle préfère écrire ses états d’âme et tenter sa chance en tant que poétesse, jusqu’au jour où elle n’y tient plus et franchit la porte de la Royal Geographical Society, là où les femmes ne sont pas admises. Elle finit tout de même par en savoir un peu plus sur la zone où doit se trouver son Roald Hodges Junior, parti dans les pas de son propre père explorateur.

Puis elle se décide et part, non pas rechercher mais à la recherche (ce qui n’est pas la même chose) de son fiancé, convaincue qu’il lui est arrivé quelque chose. Comme elle l’a aidé à organiser son voyage, elle dispose de tout ce qu’il faut à sa disposition. Dès lors, destination le grand Nord : Bergen bientôt, puis le lac Inari, tout au nord de la Finlande, aidée d’un guide local. Évidemment, cette expérience va la transformer, lui ouvrir les yeux sur ce qu’elle est et sur ce que sont les autres, découvrant au passage le racisme des Norvégiens envers le peuple Sami.

Si le road-movie initiatique de cette féministe en herbe est un peu convenu (Zidrou a écrit tant de très bonnes histoires et celle-ci n’est pas la plus surprenante), il faut insister sur la réalisation graphique qui emporte irrésistiblement le lecteur. Édith a le don de construire des personnages d’un trait  léger, presque familier, et d’habiller le tout de couleurs toujours lumineuses et chaleureuses. On s’y sent tellement bien qu’on accepte de partir n’importe où avec ses héroïnes.

Enfin l’éditeur a imaginé pour ce récit une maquette d’album totalement originale, façon triptyque cartonné du plus bel effet, à l’ancienne, et il a ajouté au gré des pages une photo, un ticket d’embarquement et la fameuse lettre de Roald, intégrale (quelques extraits seulement dans le récit) et sous enveloppe, un texte fort bien écrit (Zidrou  a le sens de la formule) et qu’il convient évidemment de ne lire qu’après avoir tourné la dernière page.

Bref, un très beau cadeau de Noël en perspective !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Emma G. Wildford » par Édith et Zidrou

Éditions Soleil/Noctambule (19,99 €) – ISBN : 978-2-3020-6397-6

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Une réponse à « Emma G. Wildford » par Édith et Zidrou

  1. Richard dit :

    Emma Bovary…Fidèle ???

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