« Breakfast After Noon » par Andy Watson

Que fait-on lorsque l’on est au chômage ? On se lève tard et on mange à n’importe quelle heure, d’où le titre « Diner l’après-midi » ! Roman graphique anglo-saxon paru originellement en 2001 et traduit à l’époque chez Casterman, cette chronique sociale tendre et émouvante méritait d’être remise en lumière. C’est chose faite grâce aux éditions Çà et là, qui proposent dorénavant la totalité des ouvrages d’Andy Watson à leur catalogue.

Rob et Louise forment un couple de trentenaires heureux. Ils travaillent tous deux aux faïenceries Windsor, dans une petite ville du centre de l’Angleterre. Leur mariage est prévu dans quelques semaines, lorsqu’ils apprennent leur licenciement. Si Louise réagit de manière responsable, Rob, dans le déni, va, quant à lui, sombrer peu à peu dans la dépression.

Si l’on ne connaît pas l’ œuvre d’Andy Watson, auteur anglais au style graphique épuré très stylé, que l’on pourrait presque qualifier ici de style Comédie illustrée (1), tant son dessin ressemble à certaines production du français Jean-Philippe Peyraud, on pourrait croire que ce genre d’ouvrage tend plus à la compilation de belles vignettes et à la légèreté, qu’à une vraie histoire. Et pourtant !
Dès la couverture, indiquant un roman graphique à la thématique sociale forte : personnage de classe moyenne en désarroi, vaisselle cassée, arrière plan de cheminées d’usine…, le ton est donné. Mais ce qui pourrait alors rebuter est magnifiquement rendu accessible par ce dessin suave, aux contours très gras et arrondis. Les trames d’un gris très léger adoucissent encore davantage le noir et blanc au pinceau, tout en aplats. À cet égard, on remarquera les qualités supérieures du papier et de l’impression, qui apportent un toucher et une sensation de lecture particulièrement agréables.Le scénario d’Andy Watson ne manque ceci-dit pas d’humour, et fait immanquablement penser au cinéma de Ken Loach. On conseillera donc fortement sa lecture aux amateurs du réalisateur. Watson parvient à nous plonger avec habileté dans le quotidien de ce couple, pourtant amoureux, qui se désagrège au fur et à mesure, en nous faisant ressentir les sentiments de chacun. Cela est tout à fait remarquable, et réalisé avec tellement de justesse et de sensibilité que l’objet livre, en plus de sa qualité esthétique propre, deviendrait pratiquement un outil de sociologie thérapeutique sur les relations amoureuses d’un couple ordinaire.

Andy Watson doit être lu, et ce premier roman graphique de 2001, aujourd’hui réédité dans une nouvelle maquette sobre et presque charnelle, offre au lecteur l’occasion idéale de s’y mettre.

Franck GUIGUE (1) La Comédie illustrée, du nom de la petite maison d’édition créée en 1995 par, entre autres, les auteurs Christopher et Jean-Philippe Peyraud. On remarquera ceci-dit que le dessin d’Andy Watson possède différentes touches et présente un style assez différent dans ses dernières publications, allant davantage vers le dessin jeté, à l’encre. Cela est bien visible sur le titre « Points de chute » (Éditions Cà et là, 2016), mais aussi dans sa récente publication américaine : « Glister » (Dark Horse 2017), œuvre un peu fantastique et plus enfantine, qui fait davantage penser aux dessins de Craig Thompson. Andy Watson, qui propose par ailleurs de nombreux scénarios pour les comics américains mainstream, réussira-t-il à mixer ces deux univers ?

De nombreuses images d’Andy Watson à voir sur son compte Flickr

« Breakfast After Noon » par Andy Watson
Éditions Çà et là (20 €) – ISBN 978-2-36990-245-4

 

Galerie

2 réponses à « Breakfast After Noon » par Andy Watson

  1. Jean-Paul Jennequin dit :

    Qualifier le style d’Andi Watson de « Comédie Illustrée », quelle clairvoyance ! En effet, la Comédie Illustrée avait voulu publier « Breakfast After Noon » en français avant que ce soit finalement Casterman qui le fasse. Ce roman graphique est une petite merveille qui était passée un peu inaperçue dans sa première édition française. Cette nouvelle édition est l’occasion de réparer une injustice.

  2. Franck dit :

    Je te remercie Jean Paul. On ne m’avait jamais encore qualifié de « clairvoyant ». Je prends ça comme un compliment. Content en tous cas d’apprendre cette anecdote. Comme quoi… les « comédiens » se retrouvent ;-)

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