« Postal T1 : Carte postale » par Isaac Goodhart, Matt Hawkins et Bryan Hill

On a déjà évoqué ici l’auteur Matt Hawkins, au moins à l’occasion de la précédente chronique sur « Symmetry ». Le revoilà avec une série de l’éditeur Top Cow en cours aux États-Unis, nous plongeant dans l’atmosphère oppressante d’une ville isolée nommée Eden. Où l’on découvre, grâce à ces huit premiers chapitres, un polar fantastique et un postier handicapé mental en guise d’antihéros… Vous avez dit étrange ?

Eden est une petite ville du Wyoming qui n’est située sur aucune carte. Menée par son maire (Laura Shiffron), elle vit en autarcie, coupée des réseaux de télécommunication et des subventions d’état. Elle compte environ 2 190 habitants, et possède comme particularité d’accueillir des repris de justice, à qui l’on offre une deuxième chance. Mais il n’y a pas de justice fédérale ici. Juste un shérif, et le jugement populaire. Aucun crime n’y est cependant permis et sa devise est : « Cet endroit veut la tranquillité. » L’autre administration est la poste, avec un facteur qui n’est autre que le fils de la maire. Un jeune homme prénommé Mark, qui est atteint du syndrome d’Asperger.

S’il vit seul avec sa mère, qui le traite de manière très peu maternelle, c’est que leur passé à tous les deux est entaché par la vie et la mort brutale du patriarche, qui a aussi fait peser une chape de plomb sur la ville. Mais cet homme violent est-il vraiment mort ?

Si l’on ne comprend pas bien au départ ce que ce comics peut avoir à nous raconter avec un postier au centre d’une intrigue, c’est qu’il faut plutôt considérer la maladie neuronale de cet antihéros comme l’élément scénaristique majeur. Mark Shiffron est en effet un individu très particulier qui se sert de son handicap pour mieux saisir les éléments qui l’entourent. Il a la faculté de retenir parfaitement les choses qu’il observe, entend ou touche, et parvient ainsi à les analyser de manière systématique et précise, comme un talentueux enquêteur. Sa relation compliquée avec la seule jeune femme qu’il fréquente(la serveuse du bar local) apporte une touche intéressante, puisque de celle-ci va naître une complicité malsaine en fin de volume. Sa mère, son caractère bien trempé et son emprise sur le shérif local, ainsi que sur le reste de la population, maintiennent aussi le récit dans une ambiance lourde, où les secrets sont monnaie courante.

Sur ce canevas déjà intéressant, qui évoque le roman « Under the Dome » de Stephen King (petite ville isolée du reste du monde avec ses propres règles), Matt Hawkins greffe quelques éléments à connotation fantastique : étrangers affublés de masques, enlèvements, présence d’un père sensé être mort pendu… et une enquête officieuse du FBI, par le biais d’un agent infiltré, véreux lui aussi. Enquête faisant l’objet d’une compilation de fiches en fin de volume.

Le dessin étrangement froid et les couleurs volontairement (?) fades de Betsy Gonia ajoutent la touche finale à un polar fantastique original, même si un peu dans l’esprit rural d’un « Revival » (1), conférant à « Postal » le charme d’un premier tome réussi et intriguant. La fin en cliffhanger ne nous laisse que la possibilité d’attendre la suite. (2)

Franck GUIGUE

 

(1) « Revival » : déjà 7 tomes aux éditions Delcourt (2013-2017) : série en cours.

(2) Ce tome inclut les épisodes 1 à 8. 21 chapitres sont parus à ce jour aux États-Unis, soit environ deux tomes reliés d’avance.

 

« Postal T1 : Carte postale » par Isaac Goodhart, Matt Hawkins et Bryan Hill

Éditions Panini comics (18 €) — ISBN : 978-2809465099

 

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