« Oualou en Algérie » par Lounis Dahmani et Gyps

Nadir Oualou est détective à Paris. Il est né en Algérie, mais pour rien au monde il n’y retournerait. Problème : détective, c’est un métier ! Et pour manger, Nadir va devoir accepter une mission qui ne l’amuse vraiment pas puisque, à la clé, il y a un voyage, pire : un retour aux sources ! Et les auteurs, qui connaissent leur sujet – ils sont algériens tous les deux —, nous invitent à partager ce voyage et un peu de l’histoire de l’Algérie, avec beaucoup, beaucoup d’humour…

Une jeune femme a débarqué dans son bureau du 9.3 avec une mission : retrouver Mina, la fille qu’elle a eu avec un certain Saïd Benhamou, rencontré en France et avec lequel s’est mariée (en 1985). Après un séjour d’un an en Algérie, Nicole et son mari y retournent cinq ans plus tard alors que tout a changé : « L’Algérie, que j’avais connue en couleurs — dit-elle —, était passée en noir et blanc ». Un état d’esprit réactionnaire s’est imposé : finie la plage, finie la robe, bonjour le voile islamique. Finie la fête aussi, les intégristes tentent d’imposer des mariages sans « danse, ni musique, ni youyous ». Pas de chance pour Nicole, son mari décide d’y rester. Répudiée, elle préfère rentrer, mais sans son enfant !

Pour gagner sa vie, Nadir se voit donc obligé de s’assumer et d’assurer la recherche de cette enfant (devenue adulte, évidemment), alors direction l’Algérie ! Dès l’aéroport, il s’aperçoit combien tout a changé et combien, surtout, sa vie n’est plus la leur ! L’aide de la famille est toujours aussi pressante, mais le contexte n’est plus seulement aux relations familiales ! Le rappel historique en page 2 est d’ailleurs fort utile pour contextualiser cette histoire et les exactions des groupes islamistes armés (AIS, MIA, GIA…) évoquées ici et là, avec humour certes, mais sans en minimiser la brutalité. Comme le disaient les auteurs lors de la première parution de cet album, en 2011 (à l’époque, les éditeurs l’ont tous refusé et c’est en auto-édition qu’il a vu le jour. Cette réédition, en couleurs, n’est que justice au vu de la qualité de ce récit) :  « Nous évoquons énormément de choses, en stigmatisant surtout la loi de concorde civile. Il s’agit d’une amnistie concernant les gens qui ont exercé des activités terroristes, mais n’ont pas eu de sang sur les mains. Hélas, beaucoup de témoignages de victimes démontrent que les bourreaux d’hier sont les amnistiés d’aujourd’hui… ».

Sur place, Nadir retrouve peu à peu la trace de l’ex-mari, au fil de son enquête, suivi de près par une brochette d’intégristes à la Dalton : les frères Batata, des individus qui ont semé la terreur en Kabylie, où ils sont obligés de revenir, erreur fatale !

Outre l’enquête menée à un bon rythme et l’humour omniprésent (avec jeux de mots, clins d’œil, etc.), on appréciera également la représentation critique de la société algérienne actuelle, de la condition féminine (dans le bus ou à Oran) au monde du travail (avec emplois fictifs ou taxis clandestins), le tout dessiné d’un trait nerveux et caricatural très sûr et écrit en utilisant des dialogues alertes, parsemés de mots arabes (traduits).

Alors, bon voyage !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Oualou en Algérie » par Lounis Dahmani et Gyps

Éditions La Boîte à bulles (15 €) – ISBN : 978-2-84953-287-4

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