Par les temps qui courent, il est rare qu’un éditeur se lance dans une saga aux allures classiques prévue en plusieurs volumes. Pourtant, Futuropolis a déjà financé les scénarii des six ouvrages nécessaires à l’épopée de « L’Ange corse », lesquels sont d’ores et déjà écrits, et les trois premiers opus sortiront en l’espace d’une seule année… Rien que pour cela — mais pas que… —, saluons la parution du premier tome de « L’Ange corse » : l’histoire d’un orphelin corse qui doit s’expatrier dans l’Indochine des années 1930, pour échapper à une vendetta. Le jeune insulaire est recueilli, à Saigon, par un riche commerçant et propriétaire terrien natif d’Ajaccio : mais sous sa façade respectable, cet homme, bien installé, trempe dans le proxénétisme et le trafic de stupéfiants…
Lire la suite...« Alexandrin : l’art de faire des vers à pieds » par Alain Kokor et Pascal Rabaté

Que voilà un bel album consacré à la marginalité sociale, tout en rime, en finesse et en subtilité. On sent toute de suite que Pascal Rabaté s’est délecté à mettre en scène ce personnage de clochard céleste ne s’exprimant qu’en alexandrin, lequel est justement et délicatement mis en images par le trait sensible d’Alain Kokor.
Poète des campagnes et des villes, survivant en proposant ses poèmes photocopiés de porte en porte, le vagabond Alexandrin de Vanneville croise, au détour d’un chemin, le jeune Kévin. Celui qui ne pense qu’en rimes, pour éviter de sombrer dans la déprime et la déchéance physique, va donner le goût de la poésie à ce jeune adolescent fugueur qui a quitté son foyer pour être libre.
Alexandrin le prend sous son aile, en C.D.I. (contrat indéterminé en mendicité), pour lui apprendre, au cours de leurs tribulations urbaines et rurales, comment se contenter de peu et pouvoir refuser la servitude moderne : trouver de la beauté dans les arbres, dans le vol des oiseaux… ou du plaisir en ne payant ses achats qu’avec des pièces jaunes. Ce qui leur vaut, parfois, le sourire aimable et compréhensif d’une caissière de supérette.
Ce maître en liberté, emmitouflé dans son long manteau à carreaux, lui enseigne aussi les rudiments de la mendicité et les petites combines nécessaires à la survie en milieux bourgeois hostiles. Et, surtout, il lui apprend à rester toujours courtois, coûte que coûte, et à accepter les mains tendues quand elles se présentent. Ils feront ainsi un bout de chemin ensemble, n’ayant plus aucun compte à rendre, si ce n’est au temps qui passe : notion fondamentale et impitoyable !
Bref, la complicité artistique entre Rabaté et Kokor fonctionne à merveille et nous offre un bel hymne à la liberté et au respect d’autrui, doté de dialogues ciselés, d’une bonne dose d’humour et de poésie, et d’élégance graphique.
Gilles RATIER
* Sur Pascal Rabaté, voir aussi nos récents articles sur « La Déconfiture T1 : Première Partie » par Pascal Rabaté, « Le Linge sale » par Sébastien Gnaedig et Pascal Rabaté, Avec « Fenêtres sur rue » (sortie fin août), Pascal Rabaté jongle avec différents arts : dont le 9e !, Pascal Rabaté et Simon Hureau, à propos de « Crève Saucisse » ou Rabaté met Trenet en BD !.
« Alexandrin : l’art de faire des vers à pieds » par Alain Kokor et Pascal Rabaté
Éditions Futuropolis (22 €) – ISBN : 978-2-7548-1843-8