« Nuisible » T1 à 3 par Yû Satomi et Masaya Hokazono

Imaginez un monde où votre plus grande peur serait personnalisée par une nuée d’insectes envahissant le monde. Pas un vent de sauterelle comme ceux qui déciment les cultures en Afrique, mais réellement un nuage d’insectes, tous différents, unis pour tuer les humains et prenant littéralement possession de la ville. La nouvelle trilogie de Masaya Hokazono vient de se clôturer, et ce dernier tome fera frissonner de dégoût le lecteur aguerri, tout en apportant une collusion cohérente au récit.

Kikuko Munakata, une nouvelle élève, s’est déjà fait remarquer dès son premier jour. Alors que l’on est en train de la guider vers la salle des professeurs Lee remarque un calme inhabituel, sans oiseau qui chante, puis elle déclare froidement : «  Ce ne sont pas les êtres humains, mais les insectes qui dominent la terre ! Les êtres humains vivent dans le monde des insectes pour l’instant, c’est tout … » Juste avant ça, une vague de fourmis et d’autres insectes s’en est prise aux différents animaux domestiques. Les cabinets vétérinaires sont envahis de propriétaires apeurés alors que leurs chiens, piquées de partout, hurlent à l’agonie.

D’un autre côté, Ryoichi Takasago, un jeune étudiant fréquentant le même lycée que Kikuko a une impression de déjà vu lorsqu’elle débarque dans sa classe. En effet, depuis un petit moment, il est en proie à un cauchemar récurant où il vogue au milieu de corps morts. Seule une jeune fille, ressemblant à Kikuko, semble vivante et flotte sur le dos. Bien sûr, comme c’est un cauchemar, elle tente immédiatement de le dévorer avec son sourire aux mille dents acérées.

La série se découpe réellement en trois parties. Dans le premier volume, on découvre les personnages et leur environnement. On apprend à connaître Kikuko et Ryoichi, les deux protagonistes principaux. On voit leur attirance mutuelle se développer de manière surprenante, comme si les phéromones qu’ils dégageaient les poussaient inexorablement l’un vers l’autre. L’ambiance est captivante et les nombreuses zones d’ombre s’éclairciront dans le second opus où l’on découvre la vraie nature de la menace pour finalement arriver à la conclusion, suite à une enquête minutieuse et détaillée, de ce thriller horrifique dans le dernier tome.

C’est surtout la mutation de Kikuko qui intrigue. Comment une jeune fille d’apparence si banale peut-elle sortir de sa bouche une nuée de filaments qui sucent l’énergie de sa proie. De quelle manière, peut-elle faire apparaître un aiguillon, comme celui d’une guêpe, capable de contaminer sa proie ? Cette fille est une énigme à elle seule et c’est ce mystère qui l’entoure qui fait le sel de cette histoire. Bien sûr, il y a une explication à sa mutation, ou plutôt son évolution, mais elle ne va pas être immédiatement dévoilée. Il faut de la patience au lecteur pour s’immerger dans cette ambiance assez glauque et dérangeante.

Dans ce manga, c’est avant tout le scénario dû à Masaya Hokazono qui captive l’attention du lecteur. Ce dernier est loin d’être un inconnu dans l’hexagone, il a déjà à son actif pas mal de récits horrifiques convaincants comme l’excellent « Inugami » et le classique « Freak Island » chez Delcourt, ou encore « Emerging » chez Kurokawa. Ses recueils d’histoires courtes, « Hurlements » et « Insomnia », tous deux parus chez Black Box éditions, sont tout aussi convaincants. Il est également scénariste de récits plus léger comme « Girlfriend » chez Delcourt. S’il excelle dans la mise en place de récit cauchemardesque ou sentimental, c’est également un excellent dessinateur qui cette fois-ci a laissé sa place à la jeune virtuose, Yû Satomi, dont c’est la première série, pour mettre en image ses délires insectoïdes. Ses effets apportent une profondeur supplémentaire, visuellement très réussie. Ses traits changent et s’adaptent en fonction de la situation et le dessin peut passer d’une séquence calme, bien propre, à une débauche graphique proche du crayonné pour les moments d’action. Son dessin offre une densité et une profondeur évoluant avec le récit et la situation, la canicule ambiante avec ses arrière-plans moins nets en sont un parfait exemple. Cette chaleur qui envahit l’été japonais offre une ambiance encore plus étouffante, et visuellement bien maîtrisée, face à la menace grandissante.

« Nusisble » n’est pas un simple récit horrifique ou les scènes de carnage s’enchaînent sans logique. C’est un manga qui fait resurgir notre peur des insectes avec un scénario cohérent en trois actes complémentaires. De quoi frissonner d’angoisse en voyant ces pauvres animaux et humains dévorés, aussi bien physiquement que mentalement, par un nouveau genre de prédateur déjà présent sur toute la planète.

Gwenaël JACQUET

« Nuisible » T1 à 3 par Yû Satomi et Masaya Hokazono
Éditions Kana (5,95 €) – ISBN T1 : 978-2505067511

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Une réponse à « Nuisible » T1 à 3 par Yû Satomi et Masaya Hokazono

  1. Franck dit :

    Miam, ça fait sacrément envie. Merci Gwenaël pour cette suggestion bienvenue.
    Et je ne plaisante pas.

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