Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...« Shelter Market » par Chantal Montellier
En relisant cette dystopie (utopie qui vire au cauchemar) qu’elle avait commise pour le mensuel Métal hurlant en 1978, l’immense créatrice de bande dessinée qu’est Chantal Montellier trouve cette critique de notre société d’hyperconsommation plus actuelle que jamais : d’où l’idée de lui redonner une seconde chance en modernisant son trait, rajoutant trente pages de plus (avec une nouvelle fin) et peaufinant une mise en couleurs et un lettrage adéquats. Résultat : une fable politique angoissante, dans la lignée des romans de George Orwell ou les films de Terry Gilliam. Du grand 9e art !
Quand paraît la première version de ce qui n’était alors appelé que « Shelter » dans Métal hurlant en 1978 (publication entre le n° 31 et le n° 42, puis en album aux Humanoïdes associés en 1980), le choc est déjà présent ; même si le scénario peut, alors, sembler un peu schématique (1). En effet, le noir et blanc utilisé est puissant et le dessin ligne claire à la Tardi (2), totalement dans l’air du temps (son héroïne avait d’ailleurs de faux airs d’Adèle Blanc-Sec), sert fort bien le propos révolutionnaire et subversif. Au point que cette jeune artiste, désinvolte et provocatrice, est invitée à passer dans la célèbre émission littéraire « Apostrophes » de Bernard Pivot. Son attitude peu diplomate et politiquement correcte (alors qu’elle a un cœur d’or, Chantal n’est pas encline à s’embarrasser avec ce type de démagogie !) provoque l’indignation et son oubli chez les élites culturelles et sociales…
Quarante ans plus tard, toujours aussi révoltée et indignée, l’autrice — dont l’engagement féministe ne s’est pas atténué (quelques années plus tard, elle créera, avec quelques autres, l’association Artémisia qui défend la création féminine en bande dessinée) — n’est pas recadrée : dérangeant encore les bonnes consciences, sa nouvelle mouture, qui joue à bon escient avec les couleurs criardes et les effets de patchwork, est, en quelque sorte, toujours aussi visionnaire. Alors qu’un couple déambule dans les rayons d’un hypermarché, les lourdes portes blindées du Shelter Market se referment et une voix, qui se veut rassurante, annonce qu’un bombardement nucléaire vient d’avoir lieu à la surface. Pour protéger les survivants du cataclysme, plus personne ne peut sortir et la vie va s’organiser sous la forme d’une microsociété où chacun aura un rôle très précis à jouer. Sous la forme d’un huis clos donnant la chair de poule, Chantal Montellier pousse un cri, déchirant, et tout à fait d’actualité, contre la normalisation consumériste et l’État policier.
Gilles RATIER
« Shelter Market » par Chantal Montellier
Éditions Les Impressions nouvelles (20 €) – ISBN : 978-2-87449-541-0
(1) Bien d’autres petits chefs-d’œuvre de cette grande dame de la BD mériteraient aussi d’être réédités. On pense évidemment aux « Rêves du fou » publié chez Futuropolis en 1981 et à « 1996 », ou encore à « Andy Gang », « Wonder City », « L’Esclavage c’est la liberté » et « Rupture », qui firent également les beaux jours de Métal hurlant, mais aussi aux enquêtes de Julie Bristol proposées chez Casterman et Dargaud entre 1990 et 1994 : peut-être plus consensuelles, elles étaient pourtant oh combien passionnantes et maîtrisées graphiquement !
(2) Tout au long des cent pages de l’album, Chantal Montellier s’amuse à placer quelques caricatures ou clins d’œil à ces personnalités du monde de la BD qu’elle connaît bien : Jacques Tardi en tête, mais aussi Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet… ou un certain Michel Edmond Duclerc, le directeur du centre commercial.
A propos de rééditions, notons quand même que cet album a déjà été réédité en 2003 avec « 1996 » justement et « Wonder City » dans le recueil « Social fiction », chez Vertige graphique. Je me permets aussi cette petite digression : http://1caseenmoins.canalblog.com/archives/2016/02/08/33337586.html
Amitiés,
Merci Franck pour ce rajout, mais je crois que cette compilation n’est plus disponible chez les libraires classiques, ce qui explique pourquoi je ne l’ai pas mentionnée !
La bise et l’amitié
Gilles
« Quand paraît la première version de ce qui n’était alors appelé que « Shelter » dans Métal hurlant en 1996 (publication entre le n° 31 et le n° 42, puis en album aux Humanoïdes associés en 1999), »
Heu… Shelter a été publié dans Métal en 1978, album en 1980. Peut-être une confusion avec son histoire « 1996″ ?…
« mais aussi aux enquêtes de Julie Bristol proposées chez Casterman entre 1992 et 1994″
Pareil : Tome 1 chez Casterman en 1990, et les deux autres chez Dargaud entre 1992 et 1994.
C’est dur le retour de vacances, hein ?… ; )
Bien cordialement,
Marcel.
Merci Marcel de votre lecture attentive !
Je corrige tout de suite !
Oui, oui, le retour est difficile !
Mais bon, on va bien y arriver…
Bien cordialement
Gilles Ratier
« En relisant cette dystopie (utopie qui vire au cauchemar) qu’elle avait commise pour le mensuel Métal hurlant en 1996″
Allez, plus que la première phrase à changer, un double café et c’est bon ! : )
Rhhhrrr, le boulet (je parle de moi) !
Voilà ce que c’est de faire deux choses en même temps : on ne fait jamais rien de bien !
Désolé !
Et merci encore Marcel !
Bien cordialement
Gilles Ratier
Bonjour à tous !
Thierry Groensteen nous signale qu’il a réédité « Odile et les crocodiles » de Chantal Montellier (publié pour la première fois dans Métal hurlant en 1983), chez Actes Sud-L’An 2, en janvier 2008, et que cet ouvrage (indispensable, note de la rédaction) est toujours disponible.
Merci à lui pour cette information !
Bien cordialement
Gilles Ratier