« Ils ont fait l’Histoire : Robespierre » par Roberto Meli, Mathieu Gabella et Hervé Leuwers

Figure de proue de la Révolution française, Maximilien de Robespierre garde encore aujourd’hui l’image controversée du grand personnage historique victime de ses propres excès. Le député d’Arras, résumé négativement en incorruptible Montagnard, fer de lance de la Terreur, est éclairé d’un jour nouveau avec ce récent opus de la collection éditée par Glénat et Fayard, paru début juin : défenseur des opprimés et de l’idée démocratique, luttant en faveur de l’abolition de la peine de mort, Robespierre apparaît comme l’un des plus ardents garants des idées révolutionnaires…

Le représentant du peuple (planche 4 - Glénat 2017)

Éclectique dans, ses choix, le scénariste Mathieu Gabella (citons « La Licorne », « Sept T7 : 7 prisonniers », « WW2.2 T3 : Secret Service ») avait été le premier à lancer la collection Ils ont fait l’Histoire en mars 2014 avec « Philippe le Bel », dessiné par Christophe Regnault. Passé du XIIIe au XVIIIe siècle, le scénariste retrouve avec « Robespierre » des thèmes communs, dont la transition d’une époque vers une autre, la réforme législative ou le caractère intransigeant d’un être œuvrant pour la grandeur de la France.

École française du XVIIIe siècle, Portrait de Maximilien Robespierre (Musée Carnavalet)

Né en 1758, rapidement devenu avocat, Maximilien est un enfant des Lumières qui sait jouer dans ses plaidoiries avec les attentes et l’émotion du public. Nommé député au tiers état de l’Artois, l’homme s’impose tout aussi vite à Versailles comme un homme prêt à mourir pour ses principes. De l’Assemblée nationale constituante au club des Jacobins (1789 à 1794), selon le nom donné au couvent où se sont installés les Amis de la Constitution, Robespierre défend l’accès des protestants et Juifs à la citoyenneté, s’indigne de l’esclavage, dénonce la corruption généralisée des ministres et échoue à faire abolir la peine de mort. Opposé à l’idée de guerre contre l’Autriche, il n’aura pourtant d’autre choix que de suivre les positions de l’Assemblée législative après l’insurrection du 10 août 1792 (prise des Tuileries) et la victoire de Valmy un mois plus tard. En couverture de l’album figurent deux visuels associés : la guillotine et la tête coupée, éléments suffisants pour identifier la période évoquée, ne renvoient pas ici simplement à l’exécution de Robespierre le 9 thermidor An II (27 juillet 1794) mais aussi à celle de Louis XVI (21 janvier 1793) ou aux multiples victimes du régime de Terreur. Décrétée le 5 septembre 1793 pour lutter contre les ennemis intérieurs et extérieurs de la France, la Terreur jettera durant onze mois un voile sanglant sur la Révolution. Robespierre, élu à la tête du Comité de salut public, résumera toutefois la situation initiale en disant le 25 septembre 1793 : « Onze armées à diriger, le poids de l’Europe entière à porter, partout des traîtres à démasquer, des émissaires soudoyés par l’or des puissances étrangères à déjouer, des administrateurs infidèles à surveiller, à poursuivre, partout à aplanir des obstacles et des entraves à l’exécution des plus sages mesures ; tous les tyrans à combattre, tous les conspirateurs à intimider (…) : telles sont nos fonctions. »

L'ouverture des États généraux en mai 1789 (planche 4 - Glénat 2017)

Vue de l'Assemblée législative au Manège le 10 août 1792, par Louis-Joseph Masquelier

En dessous de la macabre silhouette de la guillotine nouvelle épée de Damoclès, figure en couverture celle – non moins austère -, de Robespierre. Le costume sombre, le visage sévère et l’air déterminé de cet homme en marche vers le pouvoir, aussi applaudi que vilipendé, suffisent à catégoriser les états d’âmes de celui qui s’est retrouvé au cœurs affrontements entre Montagnards et Girondins. Installés dans les tribunes de la salle des Manèges, lieu qui accueilli successivement l’Assemblée constituante (octobre 1789 à octobre 1791), l’Assemblée législative (octobre 1791 à septembre 1792) et la Convention (de septembre 1792 à mai 1793), les premiers (plutôt conservateurs) siégeaient à droite du Président, sur les bancs les plus élevés ; les seconds provenaient en majorité de la Gironde. Principal chef de file des Montagnards (avec Danton, Marat ou Desmoulins), Robespierre fera éliminer ceux de la Gironde, un parti coupable de s’opposer à la Terreur. Devenu dictateur de fait après l’exécution de son principal rival Georges Danton le 5 avril 1794, Robespierre s’enfonce dans l’excès et tente même d’imposer l’éphémère culte de l’Être suprême en remplacement du christianisme. Prenant acte de ses erreurs, il tentera de se retirer en démontrant ses vertus civiques, mais il sera trop tard… Par lassitude et par peur, rassurés par les victoires des armées françaises sur le front, les députés de la Convention finiront par s’insurger en décrètant l’arrestation de Robespierre et de ses proches fin juillet 1794. L’« Incorruptible », blessé à la mâchoire, sera guillotiné le lendemain.

Fête de l’Être suprême au Champ de Mars, le 20 prairial an II, toile de Pierre-Antoine Demachy en 1794 (Musée Carnavalet, Paris).

Nourrie par l’intransigeance du personnage, l’image volontiers monstrueuse du Robespierre-tyran naît dès avant sa mort et perdure au XIXe siècle à l’aune de la flamme et des combats révolutionnaires, l’on comprendra que, dès lors, les débats sur le sujet n’aient jamais cessé. Par la richesse de ses dialogues et la méticulosité du trait de Melli (chargé qui plus est de reconstituer de nombreux lieux disparus dont la salle des Manèges, celle des Machines et le palais des Tuileries), cet album offrira le beau moyen d’en apprendre plus sur une période politique complexe.

Couverture de "Robespierre" par l'historien Hervé Leuwers (Fayard/Pluriel 2016)

Philippe TOMBLAINE

« Ils ont fait l’Histoire : Robespierre » par Roberto Meli, Mathieu Gabella et Hervé Leuwers
Éditions Glénat/Fayard (14,50 €) – ISBN : 978-2-344-01612-1

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