« La Guerre de Catherine » par Claire Fauvel et Julia Billet

Les enfants grandissent plus vite en temps de guerre. C’est le cas de Rachel Cohen qui, adolescente, est cachée par la Résistance dans différents lieux. La rencontre avec des adultes ouverts d’esprit lui permet de peu à peu regarder la réalité sans l’interface du viseur de son Rolleiflex. Durant l’Occupation, elle est obligée d’adopter le patronyme de Catherine Colin. L’adolescente devenue adulte retrouve son identité à la Libération, enrichie d’une expérience irremplaçable, elle a appris toute la saveur de la liberté.

Le rolleiflex

Au début de l’Occupation, alors que la France est divisée entre une zone occupée par les forces nazies et une France libre sous l’autorité du maréchal Pétain, la jeune Rachel est interne à la Maison de Sèvres.

Avant d’être déportés, ses parents l’ont placée dans ce lieu paisible aux méthodes pédagogiques novatrices. Inspirés de Freinet et de Montessori, les enseignants du Centre d’entraînement aux méthodes de pédagogie active pratiquaient une pédagogie clandestine basée sur les envies et l’imagination des enfants.

Ainsi, les élèves appelaient leurs professeurs par un surnom animal : Goéland pour la directrice, Pingouin pour son mari, Musaraigne pour la chef de la chorale, etc.

La Guerre de Catherine page 7

La Guerre de Catherine page 8

C’est Pingouin qui a initié Rachel à la photographie. Il l’a nommée responsable de l’atelier photo. Sa passion est devenue dévorante, d’un clic elle arrête le temps, prends un cliché qu’elle développera par la suite dans l’obscurité du labo. Pingouin lui a même confié un appareil très moderne, un Rolleiflex, très rare à l’époque. Elle ne s’en sépare plus.

La Maison de Sèvres

La réalité du conflit vient perturber ce quotidien qu’elle sait très fragile. L’État français impose le port de l’étoile jaune à tous les Juifs. La direction de la Maison de Sèvres décide donc de modifier, le temps du conflit, le patronyme des jeunes juives réfugiées dans ce havre de paix. Rachel Cohen devient pour quatre ans Catherine Colin, mais elle n’en oublie pas pour autant ses origines et ses parents dont elle est sans nouvelle.

La Guerre de Catherine page 13

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Très vite, ce nouveau nom ne suffit pas à assurer sa sécurité, Pingouin et Goéland décident de la faire passer en zone libre par les filières de la résistance qu’ils connaissent. Commence pour Rachel-Catherine, un parcours chaotique ; d’un couvent bien approvisionné en nourriture près de Riom à une famille paysanne taciturne du Limousin et d’un orphelinat cossu des Basses-Pyrénées à une maison sise au fond de bois occupée par un couple de résistants. Quand on annonce à la radio que Paris est enfin libéré, elle traverse la France pour savoir si ses parents ont pu rejoindre l’appartement familial du Marais et si l’internat de la Maison de Sèvres est toujours debout.

Catherine dans une famille du Limousin

En 2012 paraissait le roman éponyme de Julia Billet, très vite recommandé par le ministère de l’Éducation nationale. C’est une fiction, certes, mais largement inspirée de faits réels, de la jeunesse de sa propre mère, Tamo Cohen, rebaptisée France Colin durant le conflit, et de l’histoire de la Maison d’enfants de Sèvres, dirigée par le couple de résistants engagés Goéland-Pingouin : Yvonne et Roger Hagnauer de leurs vrais noms. Pour plus de renseignements sur ce lieu étonnant vous pouvez consulter le site qui lui est consacré ici, avec des repères chronologiques ici .

Claire Fauvel a adapté avec beaucoup de dynamisme, de justesse et d’empathie pour ses personnages, ce roman dans une bande dessinée de 160 pages qui se lit d’une traite. Son style clair — rond et précis à la fois — se fait subtil pour décrire l’évolution des émotions et des sentiments des personnages principaux. Beaucoup d’authenticité dans les décors : que ce soient ceux de la campagne limousine ou ceux du Paris de 1944 et de pertinence pour capter ce moment si particulier où le photographe arrête le temps, retient un mouvement, une alchimie de groupe ou simplement l’émotion d’un instant.

Historiquement juste, cet émouvant récit d’initiation au féminin est complété par un petit dossier sur la Maison de Sèvres illustré de quelques photographies de l’époque, dont celle des danses rythmiques par les moyennes que l’on retrouve dans l’album. Une belle mise en abyme entre la réalité et la fiction, le roman et la BD, Tamo-France et Rachel-Catherine.

Pingouin

Laurent LESSOUS (l@bd)

« La Guerre de Catherine » par Claire Fauvel et Julia Billet

Éditions Rue de Sèvres (16,00 €) – ISBN : 978-2-36981362-0

Photo de Tamo Cohen à la Maison de Sèvres

 

 

 

 

 

 

 

La Guerre de Catherine pages de garde

Galerie

Une réponse à « La Guerre de Catherine » par Claire Fauvel et Julia Billet

  1. Laurent Lessous dit :

    Depuis la mise en ligne de cet article, « La Guerre de Catherine » a été fort justement récompensée de multiples prix : prix Artémisia de la fiction historique d’abord puis en cette fin du mois de janvier Fauve d’Angoulême, Prix Jeunesse.

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