Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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La collection Louis Vuitton Travel Book, lancée en 2013, fait suite à celle intitulée Carnets de voyage (1998). Elle a le mérite d’un bel éclectisme dans le choix des illustrateurs. Dans les trois derniers titres parus ce mois-ci, on retrouve un nom connu des lecteurs de bande dessinée (Nicolas de Crecy, qui illustre Mexico*), alors que le duo Eboy illustrant Tokyo, spécialiste du Pixel Art, l’est moins. Pour Esad Ribic, c’est encore autre chose, et on a l’occasion de savourer ici ses toiles avec plaisir, dans une thématique fraîche et exotique !
Esad Ribic est un artiste croate qui a étudié aux Arts appliqués de Zagreb. Il a travaillé d’abord dans l’animation aux studios Zagreb Films, puis s’est inscrit, son diplôme en poche, à l’Académie des beaux arts. Passionné de bande dessinée, qu’il lit depuis tout petit (les Stripovi), il dessine régulièrement ; mais la guerre qui éclate et l’explosion de la fédérationyougoslave ne lui permettent plus de travailler. Il présente néanmoins un premier projet de BD à un magazine allemand, avec son collègue Miljenco Horvatic. Projet qui sera publié. Les auteurs envoient alors des portfolios aux USA et sont remarqués, d’abord par Antartic Press, puis par DC et enfin par Marvel.
Esad Ribic n’est pas vraiment un inconnu en France, puisque l’éditeur Panini a publié un grand nombre de ses participations aux fascicules et albums de l’univers Marvel. On citera par exemple : « X-Men : les enfants de l’atome » (1999), mais surtout les magnifiques couvertures ou pages dessinées pour les séries « Loki », « Thor », « X-Men », « House of M » ou le roman graphique « Silver Surfer Requiem ».
Son style est assez représentatif d’une touche européenne que l’on peut voir chez d’autres artistes yougoslaves, comme Alex Maleev par exemple, mais le rapprochement graphique avec un autre as de la peinture, l’italien Gabrielle Del’Otto, se fera également facilement : lui, dont les planches aux couleurs douces offrent à chaque occasion un ravissement pour les yeux.
Certes, l’univers BD n’a pas attendu Louis Vuitton pour réaliser des carnets de voyage. On a tous en mémoire les très beaux ouvrages brochés de Robert Crumb, Philippe Dupuy et Charles Berberian, Jacques de Loustal (édités chez Cornélius), ceux de Titouan Lamazou chez Gallimard, ceux de Remi Maynègre chez Ankama, ou bien ceux d’Emmanuel Lepage, Jacques Ferrandez, Nicolas de Crécy… Ces ouvrages ont d’ailleurs gagné une certaine popularité ces dernières années.
Dans ce travel book au format à l’italienne, les artistes ont carte blanche dans le pays où ils ont été invités. L’objectif, revendiqué, est de présenter de la plus belle manière, ou la plus originale qui soit, la métropole considérée. Et ce, que ce soient des visions réalistes prises sur le vif, ou des inventions de l’esprit, voire des montages visuels. Le dessinateur laisse ainsi exploser son talent, en couleurs, sur de grandes pages plein format au papier glacé. Le peu de texte est réduit à de simples légendes, en fin d ‘ouvrage, sous la reproduction en forme de vignettes des illustrations couleur. Y sont joints une bio du dessinateur et un « Travelogue », sorte de présentation du choix narratif de l’artiste. Le tout en anglais et français.
Alors, passé la séduction, comme c’est le cas ici, d’une maquette cartonnée et au dos toilé, très soignée, pour ne pas dire luxueuse et qui impose le respect, on regrettera toutefois le prix un peu élevé de ces ouvrages : 45 €. Ceci nécessite, bien évidemment, de réaliser quelques économies si l’on souhaite accéder à l’ensemble de la collection. Mais vous aviez compris que l’on est là davantage dans un produit classieux, de type art-book, plutôt que dans un simple carnet de voyage.
 Franck GUIGUE
« Louis Vuitton Travel Book : Hawaï » par Esad Ribic
Éditions Louis Vuitton (45 €) — ISBN : 978-2369831129
(*) Les originaux de Nicolas de Crécy seront d’ailleurs exposés au Musée d’art moderne de Mexico, à l’automne 2017. En attendant, ce talentueux dessinateur a déjà été exposé, sur 500 m², à la ferme du Buisson pour le festival « Pulp » en avril, et le sera à nouveau au festival « Étonnants Voyageurs » de Saint-Malo, les 3, 4 et 5 juin, pour une exposition collective : « Voyager à dessein ».Â
Les autres titres à découvrir sur le site : http://fr.louisvuitton.com/fra-fr/histoires/travel-books#books
On est surtout dans l’industrie du luxe ! Donc le prix doit être cohérent avec la clientèle de Vuiton, sinon celle-ci va bouder le produit. Ces volumes sont imprimés en Italie, où l’impression coûte moins cher. 45 € est donc un prix symbolique qui ne reflète en rien le coût réel de revient car la présentation des volumes n’a rien d’exceptionnel.
Et on ne parle pas de l’édition cuir avec dessin original tiré à 50 exemplaires.