Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Les Grandes Batailles navales » par Jean-Yves Delitte
C’est l’un des événements éditoriaux de ce premier trimestre : avec « Les Grandes Batailles navales », Glénat se lance dans une nouvelle série conceptuelle historique digne des collections qui ont forgé sa réputation, de Vécu à Ils ont fait l’Histoire. De la Guerre d’Indépendance américaine (« Chesapeake », 1781) jusqu’au premier affrontement naval de la Première Guerre mondiale (« Jutland », 1916) en passant par la célèbre victoire de Nelson à « Trafalgar » (1806), c’est l’infatigable Jean-Yves Delitte qui a tenu la barre pour se porter sur tous les fronts. Confectionnant scénarios, couvertures, planches et dossiers documentaires, l’auteur de « Black Crow » et du « Sang des lâches », par ailleurs Peintre Officiel de la Marine Belge, nous offre un impressionnant voyage maritime dans le temps…
Peintre official de la Marine, membre titulaire de l’Académie des arts & sciences de la mer, architecte et designer de formation, Jean-Yves Delitte a, depuis ses débuts dans le journal Tintin en 1984, largement prouvé son expérience dans les domaines de la mer et du récit historique. Après avoir narré les péripéties du trois-mâts « Le Belem » (2 albums publiés en 2006 et 2008 chez Glénat), les aventures du corsaire amérindien Black Crow (9 titres depuis 2009 dont trois hors-séries consacrés à L’Hermione, à l’expédition de La Pérouse et aux mutinés de La Bounty), Delitte avait momentanément quitté la marine à voile au profit des « U-Boot » (uchronie sur 4 titres entre 2011 et 2015). Suivront encore chez Casterman les deux tomes du « Sang des lâches » (2014 et 2016) narrant une double enquête criminelle menée à vingt ans d’écart au XVIIIe siècle entre Angleterre et Java. Pour l’actuelle série « Les Grandes Batailles navales », Delitte, séduit par une idée proposée par Philippe Hauri (éditeur chez Glénat) en 2015, s’est immédiatement lancé dans un vaste travail de repérage, tout en recrutant une poignée de collaborateurs chevronnés. Parmi ces derniers, citons Denis Béchu (dessinateur de « Trafalgar »), Roger Seiter et Christian Gine (qui raconteront la bataille de « Stamford Bridge », tenue en 1066 entre Anglais et Vikings norvégiens), ainsi que Federico Nardo (illustrateur de « Lépante », en 1571). Outre ces deux futurs albums (à paraître en octobre 2017), signalons encore – parmi les livraisons annoncées dans les mois à venir – « Tsushima » (1905), « Hampton Roads » (1862) et « Salamine » (480 av. J-C.), tous composés par le seul Delitte !
La collection initiée par Glénat n’est sans rappeler les grandes manœuvres éditoriales qui ont déjà fait date dans le milieu de la bande dessinée : citons pour mémoire Les Grandes Batailles de l’Histoire (10 titres publiées chez Larousse entre 1983 et 1985) ou les « Récits de guerre » de Dimitri (intégrale par Glénat en 2013). Les amateurs du genre suivront actuellement les différentes séries militaristes (de la Première Guerre à nos jours) diffusées par Zéphyr BD, les éditions du Triomphe (voir par exemple les 4 tomes de « La Grande Fresque de la Marine ») ou les titres des collections Mémoire et Cockpit (Paquet). Concernant Delitte, la plus grande difficulté avouée fut de ne pas sombrer (sic) dans le didactisme par trop académique. Suivant le simple marin plutôt que le bel officier tout en rejetant le strict cadre du seul récit historisant, Delitte n’a pour autant pas négligé ses lecteurs les plus pointilleux : ceux-ci pourront retrouver en fin de chaque album de 45 planches un dossier historique constitué de 8 pages illustrées, au contenu fort dense. Cet incroyable travail de documentation permettra d’accepter sans difficulté la part d’interprétation graphique offerte par le ou les auteurs dans les pages précédentes au regard de la grande Histoire.
Pour « Trafalgar », les lecteurs suivront ainsi autant les atermoiements de la flotte française (commandée par l’hésitant vice-amiral de Villeneuve) que les interrogations des marins postés entre fonds de cales et huniers. Alors que la flotte franco-espagnole devait attirer la Royal Navy pour permettre l’invasion de l’Angleterre par la Grande Armée, le plan se retourne contre les Français : Horatio Nelson livrera une bataille plus que mémorable… Quelques années plus tôt, dans la baie de « Chesapeake », une courte canonnade met fin aux espoirs anglais de briser l’encerclement des troupes de Cornwallis à Yorktown : l’Indépendance des 13 colonies américaines est acquise. Multipliés par quatre par Louis XVI, les budgets de la Marine (qui sont alors de 74 millions de livres) permettent heureusement à la France de tenir tête à son éternelle rivale britannique. En couvertures de ces deux albums aux sujets et motifs finalement très proches, Jean-Yves Delitte a dessiné les escadres en plein combat : on pourra y observer les terribles ravages exercés par de pleines salves tirées à bout portant. Les matures, voilages, vergues et décors baroques, éclatés, enchevêtrés, amoncelés sur les ponts, offrent un spectacle dantesque dont on imaginera sans mal les conséquences humaines. Fendant l’écume au travers d’une tempête de fer et de feu, chaque bâtiment représenté conserve encore son aura et une certaine majesté. Il n’y a en quelque sorte pas de grandes batailles navales sans grands navires de guerre.
Dernier des trois albums proposés ce mois-ci, « Jutland » nous propulse jusqu’en mai 1916 : en Mer du Nord, aux larges des côtes danoises, la Royal Navy s’apprête à affronter la Kaiserliche Marine allemande, dont la qualité des équipages était incontestable. Comme l’illustre dramatiquement le visuel de couverture, le destin des protagonistes, hommes d’équipages ou officiers (tous embarqués sur l’un des 249 navires impliqués), ne sera guère plus enviable puisque déterminé par les tirs échangés entre croiseurs et dreadnoughts (cuirassés) à plus de 9 kilomètres de distance ! En immersion d’une époque à une autre, le lecteur prendra dans tous les cas conscience des fortunes ou infortunes des mers, au sein de batailles ayant souvent joué un rôle déterminant pour l’avenir des peuples et du monde.
Philippe TOMBLAINE
« Les Grandes Batailles navales T1 : Trafalgar » par Denis Béchu et Jean-Yves Delitte
Éditions Glénat (14,95 €) – ISBN : 978-2344012666
« Les Grandes Batailles navales T2 : Chesapeake » par Jean-Yves Delitte
Éditions Glénat (14,95 €) – ISBN : 978-2344020920
« Les Grandes Batailles navales T3 : Jutland » par Jean-Yves Delitte
Éditions Glénat (14,95 €) – ISBN : 978-2344011348
J’ai feuilleté celui sur la bataille de Jutland … mais je l’ai reposé sur son présentoir, franchement déçu…
Les dessins sont beaux, ainsi que les couleurs… … les prémisses de la bataille semblent bien expliquées (même s’il est difficile d’en juger sans une lecture approfondie)… Le problème, c’est que, à force de privilégier le point vu des matelots et officiers subalternes, la bataille a n’en voit pas grand-chose : quelque gros plans sur des navires entourés de gerbes d’eaux et cachant des flammes (ou en train de couler), des scènes de passerelles, dans les tourelles, casemates ou au poste de commande des lance-torpilles… et c’est tout, aucune scène d’ensemble, aucune représentation des manÅ“uvres des deux flottes… et de leurs différentes escadres & flottilles… Même la charge des croiseurs de batailles et des torpilleurs pour couvrir le troisième demi-tour de Scheer n’est pas représentée … J’aurais pu comprendre ce parti pris s’il y eut un ou deu petit plan de la bataille (comme dans les BD Cori le moussaillon et Bruce J. Hawker) mais la rien …
Par ailleurs j’ai repéré deux grosses erreurs au niveau du dessin, 1) L’un des croiseurs de bataille anglais qui se fait couler, c’est vu affubler de trois tourelles alors qu’il aurait dû en avoir 4( Queen Mary) ou 5 (Indefatigable et invincible), 2) dans la scène de la destruction du Black Prince, les faisceau des projecteurs de ses adversaires n’ont pas été représentés
Après, je ne dis pas que cet album est mauvais… c’est juste qu’il ne répond pas à ce que j’attendais
Ayant fini par acheter celui sur le Jutland après l’avoir trouvé un prix modique, voila la critique détaillé que je peux en faire :
Les dessins des bateaux, de la mer, des paysages, sont très beaux et les images de navigations dans la houleet le tangage carrément superbes … J’ai aussi trouvé très touchant le passage en automobile avec le capitaine et son épouse … Dans l’ensemble, les scènes d’avant la bataille m’ont semblé crédible… malheureusement les approximations commencent dés la page 6 avec la pseudo représentation de la poupe du SMS Seydliz en cale sèche, alors que : 1) la dit cale sèche ressemble plus à une cale de construction, 2) le croiseur de bataille Seydliz n’a jamais eu de gouvernail de cette forme (ont dirait celui d’un navire de commerce) et ses hélices avaient trois pales (quatre sur le dessin).
Cela continu avec la discussion entre le général Molke et les amiraux Phol et Cheer où l’on donne l’impression que l’empereur Allemagne poussait à la grande confrontation avec la Royal Navy et que Cheer était un élément modérateur… alors qu’en réalité c’était tout le contraire : Guillaume II couvait ses cuirassés & croiseurs comme une poule ses poussins… et Cheer était de ceux qui voulaient prendre des risques.
- Page 28, le commandant du croiseur-cuirassé HMS Black Prince au courant de la capture des codes radio de la marine Allemande ! … ainsi que de l’existence la « ROOM 40″ !! (1)…. et cela – dit-il – de la bouche même de l’amiral Jellicoe !!… ce qui, vu la conception qu’avaient les Britanniques du secret défense – en particulier sur les écoutes radio – me parait rigoureusement impossible !!!!!!!!!!…. D’autant que le caractère de Jellicoe, cordial mais un peut distant, et peut enclin à déléguer, et encore moins à faire des confidences, ne s’accorde pas non plus avec cette vision donné par la bd.
- Page 29, un simple matelot (Allemand) sur une bannette…. en 1916 !!!… alors que, jusqu’aux années 1950 – corriger moi si je me trompe – il me semble que la majorité des marins sans grades dormaient encore dans des hamacs (ex : Les escorteurs d’escadre T47 & T53 (2) et croiseur De Grasse, avant refonte).
- Page 33 à 47, des gerbes d’impactes d’obus dans l’eau complètement ridicules!… ont dirait des éclaboussures de cailloux!… Cela pourrait peut être passer avec les petits boulets non explosif des siècles précédents… mais pas avec des obus de 280, 305, 343 ou 380 mm … Il suffit comparer avec les quelques photos de la bataille prise par les Allemands et les Britanniques … ou alors avec les tableaux qu’en avaient fait Claus Bergen , Lionel Wyllie, Willy Stoewer, Alma Burlton, Hans Bordt & autres. (à titre indicatif, l’un des rare film à donner une représentation vraisemblable d’une gerbe d’eau d’obus de cuirassé, est le vieux « Sink the Bismarck! » de 1960)
- Pages 36, le croiseur de bataille HMS Queen Mary, au moment de sa destruction, dessiné avec les tourelles dans l’axe et faisant feux de ses seules pièces avant, droit devant !… alors qu’à ce moment là cela faisait plus d’une demi-heure que l’escadre de Beatty canonnait celle de Hipper aligner en ligne de file sur bâbord (un peut moins grave : Delittle à oublié de dessiner la tourelle centrale [tourelle 'X'] du Queen Mary)
- Double-pages 38-39, un destroyer Allemand qui se fait couper en deux par un obus de gros calibre tiré à distance, alors qu’à ce moment de la bataille – c’est à dire avant l’arrivé des escadres de Cheer et Jellicoe – les seuls destroyers allemands coulés, les V27 et V29, l’ont été lors d’un combat à courte distance – entre 1500 et 600 m – avec leur homologues Britanniques… et, contrairement à ce que laisse croire la page suivante, aucun n’a coulés ‘corps et bien’, il y a eu des survivants (qui ont été récupéré par les V26 et S35).
- Double-pages 42-43, un cuirassé classe Queen Elizabeth avec un bulbe anti-torpille en 1916 !… alors qu’ils n’ont commencé à recevoir ce genre d’extension à partir du milieu des années 20.
- Pages 46 & 47, le détail débile que même le lecteur le plus ignorant des usages de la guerre sur mer ne peut manqué de remarquer : un croiseur Britannique et un cuirassé Allemand, passerelle et hublots illuminés, en zone de combat de nuit !!! [:my name snake:2]
- Pages 47 le croiseur-cuirassé HMS Black Prince qui se fait instantanément détruire par des tirs nocturnes à longue distance… alors qu’en réaliser les Allemands l’ont massacré à moins d’un kilomètre, après l’avoir préalablement illuminé de leur projecteurs – ce que ne montre pas la bd – de plus le Black Prince n’a pas couler tout de suite : tous les témoignage Allemands disent qu’il à continuer à naviguer en flamme quelque temps avant sombrer dans une explosion – ce que des relevés sur l’épave ont corroboré.
(1) Le service de la Royal Navy chargé des écoute radio
(2) Le type de navire qui vas assister les pêcheurs dans le film « Le Crabe tambour »