« Reine d’Égypte » T1 par Chie Inudoh

Il y a 3 500 ans, l’Égypte était déjà un peuple extrêmement développé et une femme est, pour la première fois, rentrée dans l’histoire : Hatchepsout, « Reine d’Égypte ». C’est du moins la première officiellement dont on connaît quelques bribes de sa vie, grâce aux balbutiements de l’écriture, dans cette région du globe. Chie Inudoh à donc décider de s’attaquer à cette figure historique, avec une approche résolument féministe et moderne.

À peu près 1 500 ans avant notre ère, en Égypte, les pharaons se succèdent de génération en génération. On dit que ce monarque suprême est le seul qui peut communiquer avec les dieux et qu’il est leur représentant sur terre. Thoutmosis a eu deux filles avec sa première femme et un fils avec la seconde. Ce dernier, seul homme de sa lignée est tout choisi pour devenir son successeur. Mais comme Hatchepsout est née la première, elle épousera donc son frère, afin de devenir reine. Cette pratique, courante à l’époque, permet de garder le pouvoir dans le cercle familial. Pourtant, Hatchepsout n’admet pas d’être relégué au second plan. Pourquoi une femme ne pourrait-elle pas avoir un destin royal digne de ce nom ? Frustrée, durant son enfance, elle passe plus de temps à s’entraîner au combat avec son frère qu’à jouer à la belle ingénue. Une fois le mariage célébré, elle se renfermera sur elle-même, jusqu’à ce qu’elle rencontre Senmout : un simple scribe, dont les paroles, justes, ont éveillé sa curiosité.

Basés sur des personnages réels, les faits, partiellement exprimés sur les murs de hiéroglyphes encore intacts de nos jours, on été complétés afin de créer une narration fluide de l’histoire au service de l’Histoire. Le récit en est du coup extrêmement moderne. Ses personnages, même s’ils sont replacés dans le contexte de l’époque, ont des réflexions qui sont encore d’actualité, pour la plupart. Sur une période de 3 000 ans, on ne recense que cinq femmes pharaonnes. Mais seule Hatchepsout a eu un réel pouvoir politique. Sans vraiment dévoiler l’intrigue, on sait que le destin a voulu que le pharaon Thoutmosis II meure prématurément. La place était donc libre pour le règne d’Hatchepsout. Elle n’a que 22 ans quand elle commence à gouverner et ce fut l’unique pharaon à faire passer la diplomatie avant la guerre.

Chie Inudoh a réussi à écrire un récit à la fois historique et divertissant. Elle s’est énormément documentée, c’est indéniable. Son dessin très expressif montre bien le caractère désabusé du nouveau pharaon. Une position tranchant avec la combativité de l’héroïne qui cherche à s’affirmer dans ce monde machiste. Le trait, proche du style shonen, se rapproche également du style shojo lorsqu’il est question des parures somptueuses des différentes protagonistes. Le luxe du palais royal est clairement visible. La réalité est transcendée sans en faire trop, même si les personnages semblent bien propres sur eux. Mais il faut bien que le lecteur sente leur position royale, bien au-dessus du peuple.

On pourrait trouver les personnages, aussi bien masculins que féminins, caricaturaux. Le nouveau roi est dépeint comme un bon à rien plus attiré par une vie de débauche et de luxure que par un règne juste au service de son peuple.

Quand, lors d’un entretien, il s’absente parce qu’il a trop « picolé » la nuit passée, le lecteur fait immédiatement le rapprochement avec une situation qui pourrait lui être familière. C’est là tout l’intérêt de ce titre : associer Histoire et fiction dans un mélange accessible aux adolescents d’aujourd’hui. « Reine d’Égypte » n’est pas un cours d’Histoire rébarbatif et les libertés prises le sont au nom de la fluidité de la narration.

« Reine d’Égypte » est aussi beau graphiquement qu’intellectuellement. Ce titre, superbement présenté sous une jaquette texturée du plus bel effet avec ses couleurs flamboyantes, ratisse large : offrant à la fois de l’aventure, de l’action et de la romance enrobée dans un dessin extrêmement stylisé à même de plaire à un très large public. Une nouvelle série glorieuse, pleine de fraîcheur, oscillant entre mythe et faits historiques.

Gwenaël JACQUET

« Reine d’Égypte » T1 par Chie Inudoh
Éditions Ki-oon (7.90 €) – ISBN : 979-1032700679

© 2015 Chie Inudoh / KADOKAWA CORPORATION

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