Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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« Heavy Metal, l’autre Métal hurlant », à paraître en mars 2017 aux Presses universitaires de Bordeaux, analyse le parcours singulier de la revue américaine éponyme. Son auteur, Nicolas Labarre — maître de conférences en civilisation américaine à l’Université de Bordeaux —, nous y livre quantité d’informations collectées auprès des acteurs mêmes du magazine et une analyse passionnante et claire de sa politique éditoriale. Gilles Poussin, l’auteur de l’excellent livre « Métal hurlant, la machine à rêver » (Denoël, 2005, en collaboration avec Christian Marmonnier) en signe l’introduction.
Sans hésitation aucune, « Heavy Metal, l’autre Métal hurlant » est un livre indispensable pour tout amateur de l’école Métal hurlant et du mouvement révolutionnaire que la revue française apporta au 9eart à partir de la moitié des années 1970.
L’ouvrage se focalise sur Heavy Metal, la version américaine de Métal hurlant lancée en 1977 par le National Lampoon comme une simple traduction (et donc logiquement méconnue dans notre pays) et qui deviendra, par la suite, un magazine à part entière sous l’égide de ses rédacteurs.
En filigrane, les relations entre les principaux acteurs de la BD adulte mondiaux sont décrites, de Pilote à Métal hurlant en France, en passant par les comix underground et Ground Level [c’est-à-dire des revues indépendantes se situant entre l’underground et les comics mainstream ou overground de type Marvel ou DC] comme Star*Reach.
Le livre, structuré en plusieurs chapitres, commence par une généalogie croisée des revues Métal hurlant et Heavy Metal, permettant de saisir les interactions culturelles du 9eart entre nos deux continents.
Suit une partie consacrée à Heavy Metal, avec une contextualisation remarquable et une chronologie analysant ses différentes périodes, selon la direction éditoriale : Sean Kelly (1977-1980), Ted White (1980), Julie Simmons-Lynch (1981-1992), Kevin Eastman (1993)…
On comprend clairement les enjeux et les raisons, tant artistiques qu’économiques, poussant Heavy Metal vers son indépendance, s’affranchissant de la tutelle de la revue française.
L’essai de Nicolas Labarre détaille avec clarté et précision cette évolution.
Un chapitre est consacré aux imitateurs américains de Heavy Metal : que ce soit Epic chez Marvel, 1984 chez Warren…, des revues qui, par ailleurs, connaîtront des versions françaises, reflets abâtardis de Métal hurlant.
Avec les crises financières affectant Métal hurlant, Heavy Metal est contraint d’élargir ses approvisionnements en bandes dessinées européennes, démarchant Pilote (Dargaud), mais aussi Selecciones Illustradas : l’agence catalane fournissant du matériel à l’éditeur américain Warren.
Un focus est ensuite fait sur les versions allemandes Metall Menschen, Star Fantasy et Schwer Metall, qu’une filiation floue relie à la fois à Métal hurlant et à Heavy Metal.
En 1981, avec la production du film « Heavy Metal » de Gerald Potterton, la revue américaine se démarque définitivement de Métal hurlant, même si la réciproque n’est pas forcément vraie.
Nicolas Labarre en profite pour documenter objectivement les relations parfois difficiles entre rédactions américaines et françaises.
« Heavy Metal, l’autre Métal hurlant » s’achève sur un entretien-vérité avec la rédactrice Julie Simmons-Lynch, présente des débuts jusqu’à 1993.
Tout au long de l’ouvrage, on assiste à une métamorphose : Heavy Metal se cherche et se transforme imperceptiblement, abandonnant son statut de simple traducteur de bandes dessinées françaises (révolutionnaires, il est vrai !) pour publier des auteurs américains (Paul Kirchner, Howard Chaykin, Michael Kaluta,
Arthur Suydam, Jeff Jones,
Gray Morrow puis Charles Burns et quelques artistes modernes) et devenir aux États-Unis un véritable fleuron novateur et original de la BD adulte.
Avec l’avènement des revues adultes expérimentales (telle RAW d’Art Spiegelman et Françoise Mouly), Heavy Metal sera décrié par la critique élitiste pour sa politique commerciale, son sexisme et le mauvais goût de ses couvertures (de type magazine pour homme).
Pourtant, aux États-Unis, Heavy Metal reste la publication ayant permis à la bande dessinée de distraction de devenir adulte. Elle a également démocratisé les graphic novels, imposé une meilleure qualité d’impression et le respect des auteurs. Et que dire de son influence sur le cinéma actuel ? Sans Heavy Metal, y aurait-il eu « Star Wars », « Alien » et toute la cohorte des blockbusters actuels ?
Heavy Metal paraît toujours, quarante ans après son premier numéro, démontrant s’il en est une véritable institution outre-Atlantique. Fidèle à ses origines, la revue ose toujours s’aventurer en terra incognita. Pour preuve, le génial scénariste anglais Grant Morrison en a récemment repris la direction.
En conclusion, « Heavy Metal, l’autre Métal hurlant » de Nicolas Labarre est à recommander vivement à tous les amateurs d’histoire de la bande dessinée.
Grâce à son utilisation d’outils adaptés de l’analyse historique (témoignages, contextualisation, exemples judicieux, documents graphiques…), l’auteur nous fait comprendre simplement ce parcours croisé pourtant complexe et, plus généralement, retrace avec talent plus de quarante ans d’évolution partagée des bandes dessinées adultes des deux côtés de l’Atlantique.
On regrettera, peut-être, l’imprécision concernant la revue américaine après 1993 et son rachat par Kevin Eastman. Une analyse de la nouvelle direction et de la production du 2e film, « Heavy Metal F.A.K.K. » (Michael Coldewey et Michel Lemire, 2000), aurait également été la bienvenue.
D’un point de vue iconographique, « Heavy Metal, l’autre Métal hurlant » s’avère un peu aride, malgré quelques diagrammes et illustrations extrêmement pertinents, sans doute pour éviter les problèmes de droits d’auteurs en cette période de tension autour de l’exploitation potentielle du « Dune » de Jodorowski et Moebius.
Souhaitons que ce livre remarquable trouve son public. Son analyse critique et historique de haut vol fait honneur aux unités de recherche spécialisées dans les domaines qui nous intéressent.
Jean DEPELLEY
« Heavy Metal, l’autre Métal hurlant » par Nicolas Labarre
Éditions des Presses universitaires de Bordeaux (25 €) — ISBN : 979-10-300-0129-7
KitSch
Les Presses Universitaires de Bordeaux font du bon travail mais leurs livres sont décidément trop chers et trop austères. Celui consacré à Robert Crumb, paru en 2012 coûtait déjà 15 € pour un format poche et comportait vraiment très peu d’images.
C’est dommage, mais je me passerai de celui sur Heavy Metal, malgré cet article très alléchant.
J’espère qu’un jour un éditeur aura la bonne idée de publier une anthologie des bandes publiées naguère dans National Lampoon qui comptaient des pointures telles que Russ Heath ou Neal Adams (avec le délirant Son O’ God). Il est curieux, qu’à ma connaissance, aucune anthologie n’existe. Serait-ce devenu trop subversif ?
Marrant de retrouver cet article, après avoir acheté ce livre en occasion à 8 euros hier au soir, un peu par hasard, suite à mes recherches pour l’article sur Paul Kirchner. Comme quoi… BDzoom mène à tout. Merci en tous cas Jean pour ce bel article détaillé.