« Planetary intégrale » T2 par John Cassaday et Warren Ellis

Le second et dernier volume de la première édition intégrale française cohérente de « Planetary » vient de sortir chez Urban Comics, proposant enfin un écrin digne de ce nom à l’un des plus beaux comics jamais créés. Ce n’est pas la première fois que je fais ce genre de remarque, et je le regrette, bien sûr, toujours un peu navré de voir combien de temps et de possibilités éditoriales il nous faut ici pour rendre justice aux chefs-d’œuvre venus d’ailleurs… Parmi ces chefs-d’œuvre, « Planetary » fait figure de pièce de choix, et cette intégrale en deux volumes permettra sûrement à de nouveaux lecteurs de découvrir cette création qui leur donnera envie de découvrir par rebond d’autres chefs-d’œuvre essaimés par ce magnifique genre qu’est la science-fiction.

Ah, « Planetary » ! Assurément l’une des meilleures séries d’Ellis avec « Transmetropolitan », « Desolation Jones » et sa trilogie débutée par « Black Summer ». Cette œuvre narre les très étranges pérégrinations d’une équipe constituée d’un trio de choc qui explore l’univers afin de relever et de cartographier différents phénomènes paranormaux ; ce faisant, ils nous donnent à voir certains des plus grands archétypes de la SF du 20e siècle. Donc si vous aimez la science-fiction, l’étrange et les comics de qualité, aussi bien écrits que dessinés, n’hésitez pas : profitez de cette belle intégrale pour vous faire la totale, et laissez-vous embarquer dans l’une des créations de SF les plus abouties qui soient. « Planetary » ne cesse de surprendre, et c’est en cela qu’elle ne perd jamais de son aura. Car les dessins de Cassaday et les couleurs de la géniale Laura Martin sont loin d’être les seuls atouts de la série : Ellis y débloque parfois à fond, ne s’interdisant aucune invention pour nous plonger dans le surnaturel. Ce que nous voyons et lisons est aussi dingue que magnifique, Ellis et Cassaday créant des visions extraordinaires qui titillent gravement notre imaginaire. Cette exploration d’une surnature dans notre univers incite à tous les fantasmes, et c’est bien cela que creuse Ellis, pour revenir à nos fondamentaux tout en ouvrant des brèches inexplorées sur certains plans. La personnalité du héros principal (l’énigmatique Elijah Snow) est évidemment l’un des points forts de cette œuvre. Ce personnage symbolise une sorte de jalon, de maillon d’une chaîne invisible aux côtés de Jenny Sparks – une autre enfant née en 1900. Ses rapports avec ses deux acolytes (le Batteur et Jakita Wagner) font aussi partie des atouts de la série, ne réduisant pas « Planetary » à un simple spectacle du merveilleux mais explorant aussi les méandres de l’humain.

Warren Ellis a pondu ici l’une de ses œuvres les plus abouties, accédant à une certaine sérénité mystico-professionnelle qui semble transfigurer la nature même du récit : « Planetary » plonge autant dans la matière de notre conscience qu’elle ne s’échappe des sempiternels carcans indéboulonnables voulant paradoxalement faire « du nouveau ». John Cassaday a mis en images les idées folles d’Ellis avec une jouissance palpable, l’univers alambiqué et contrasté de la série offrant un éventail de possibilités graphiques assez énorme ; on pourra préférer le style des premiers épisodes aux derniers, cependant, Cassaday a maintenu une qualité qui fait plaisir à voir. Laura Martin, habituée à travailler sur les dessins de Cassaday, a mis en couleurs ces derniers épisodes avec le talent qu’on lui connaît. Un trio de choc, là aussi ! En refermant cet ultime volume, on ne pourra qu’admirer la constance de qualité du scénario d’Ellis, bouclant une boucle en moebius, architecte d’une logique à multiples niveaux que n’aurait pas reniée Moore. « Planetary » est une magnifique mise en abîme de l’univers des comics, terre imaginaire pourtant ancrée dans nos esprits, encrée sur le papier, influençant notre réel, s’avérant presque avoir une vie propre.

Toute la saveur de ces derniers épisodes tient dans les révélations qui nous sont faites sur certains des axes majeurs de la série, nous dévoilant avec justesse – sans trop de coups de théâtre – la nature même de ce qu’on lit. Ellis a échafaudé une logique où ses personnages sont conscients de vivre dans un univers en deux dimensions, et le relief ne se fait que par truchement graphique. En affirmant cette conscience d’être des personnages de comics, ils valident par défaut le fait qu’ils ont une existence réelle, que l’imaginaire de papier a une vie propre. Dès lors, l’hommage de « Planetary » à la culture de l’imaginaire prend des proportions énormes, et des directions aussi différentes que complémentaires. L’ennemi de l’équipe Planetary pourrait bien être aussi l’ennemi de Wildstorm… L’identité de ces fameux « Quatre » – dont nous ressentons la menace invisible depuis le début de la série – nous est enfin révélée, véritable déflagration remettant en perspective la logique intégrale de la série. La Plaie prend alors une autre dimension – sans jeu de mot. Mais je vous en ai déjà trop dit, ou pas assez… En plus des épisodes 13 à 27 de la série régulière, le dernier des trois cross-overs de cette œuvre est présente (avec la JLA, après les deux premiers proposés dans le volume 1 avec The Authority et Batman), et l’album se clôt sur le script du numéro 1 et une galerie exhaustive de couvertures. Que demander de plus ?

Cecil McKINLEY

« Planetary intégrale » T2 par John Cassaday et Warren Ellis

Éditions Urban Comics (28,00€) – ISBN : 979-1-0268-1060-5

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