Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Une vie avec Alexandra David-Néel » T1 par Fred Campoy et Mathieu Blanchot – « Alexandra David-Néel : les chemins de Lhassa » par Boro Pavlović et Christian Perrissin
Il est exceptionnel que deux albums traitant du même sujet paraissent en même temps chez deux éditeurs. C’est le cas pourtant avec ces deux biographies d’Alexandra David-Néel ! Au premier abord, on pourrait considérer cela comme un problème, mais fort heureusement leurs points de vue sont totalement différents et c’est plutôt une aubaine pour les admirateurs de la célèbre exploratrice…
Avec la collection Explora dirigée par Christian Clot, la biographie serre le personnage au plus près et c’est l’aventurière elle-même qui se raconte. En 1924, à près de 4 000 mètres d’altitude aux confins du Tibet, c’est à un officier anglais qu’Alexandra David-Néel, 55 ans, se confie. Elle est accompagnée de son fidèle et futur fils adoptif Aphur. Ils viennent de passer huit mois au Tibet et souhaitent rejoindre l’Inde. À l’officier incrédule puis passionné par les prouesses de cette femme hors normes, elle évoque les principales étapes de ses pérégrinations et ses rencontres incessantes (notamment celle du Dalai-Lama) dans le but d’explorer le bouddhisme. Voilà déjà 13 ans qu’elle parcourt l’Asie !
C’est évidemment parfaitement documenté (dossier final à l’appui) et restitué par le dessin hyperréaliste d’un Pavlovic incroyablement précis qui excelle dans les paysages de montagnes acérées, les vallées enneigées, les déserts inhospitaliers, les rizières sous la pluie… L’extrême dureté des conditions climatiques est parfaitement rendue et l’on s’étonne que ce duo incongru ait pu réussir un tel périple et arriver au Potala sans encombre, au cÅ“ur du Tibet interdit. Son récit en voix off développe constamment ou presque ce que montrent les dessins et alimente un récit extrêmement détaillé.
La personnalité complexe d’Alexandra est en revanche au centre du diptyque concocté par Campoy et Blanchot. Ce premier volume est d’ailleurs autant le portrait de l’aventurière que celui de la dame de compagnie, Marie-Madeleine Peyronnet. Se basant sur les mémoires de celle-ci, les auteurs ont donc pris le parti de raconter la vie quotidienne de l’orientaliste émérite à partir de 1959, à Digne-les-Bains où Alexandra possède une vaste maison, capharnaüm plein de souvenirs et de poussière. Marie-Madeleine Peyronnet est alors une jeune femme  peu cultivée qui va subir (le mot n’est pas trop fort) le caractère acariâtre et imprévisible de l’impotente et imposante Alexandra, qui a toute sa tête, écrit abondamment, mais se révèle être une femme directive et excessive.
Ces tranches de vie « à la maison » fort instructives n’excluent pas des échappées belles dans son passé où l’on retrouve les moments forts de ses trépidantes aventures. Contrairement à la tradition, alors que le récit quotidien est en noir et blanc, ce sont ces souvenirs qui sont en couleurs. Ils donnent alors matière à des images bandeaux du plus bel effet, le tout dessiné d’un trait aussi efficace que plaisant ! Là encore, un dossier vient compléter la bande dessinée racontant « L’Intrépide exploratrice au pays des Neiges ».
Les deux albums (bientôt trois quand le second tome d’« Une vie avec Alexandra David-Néel » sera sorti) ont donc chacun leurs qualités et leurs atouts respectifs, mais finalement ils se complètent avec bonheur. Autant on est immergé dans l’aventure sans jamais en sortir avec l’album de la collection Explora, autant on est impliqué par la personnalité de l’intransigeante nonagénaire dans celui des éditions Grand Angle. Selon qu’on aime l’aventure avec un grand A ou la psychologie des individus voyageurs, on est servis, et bien servis !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Une vie avec Alexandra David-Néel » T1 par Fred Campoy et Mathieu Blanchot
Éditions Grand Angle (16,90€) – ISBN : 978-2-8189-3522-4
« Alexandra David-Néel : les chemins de Lhassa » par Boro Pavlović et Christian Perrissin
Éditions Glénat (14, 95 €) – ISBN : 978-2-7234-9847-0
À noter qu’en même temps que le David-Néel, la collection Explora s’enrichit d’un « Darwin » (T1) et d’un « Rimbaud ».
C’est bien d’avoir mis l’accent. C’est incroyable le nombre de gens qui la croient anglaise.