« Lakaf affole le CAC » par Filip Skoda et Nicolas Rouvière

Dans la très vaste production actuelle d’albums, il existe des titres plus surprenants que d’autres. Associé au dessinateur tchèque Filip Skoda, l’universitaire et scénariste Nicolas Rouvière a ainsi eu l’idée d’exploiter le filon du thème boursier sous l’angle de l’humour satirique. Ainsi, dans « Lakaf affole le CAC », contre toute attente, un assistant trader parvient à couler le système financier en spéculant sur le cours… du radis !

Lakaf à la côte ! (Planche 11 - Mosquito 2015)

Publié par les éditions Mosquito depuis mai 2015, en partenariat avec le site lexpress.fr (l’album y fut prépublié entre janvier et avril 2014), et longuement préfacé par Benoît Hamon (ancien ministre socialiste délégué chargé de l’économie sociale et solidaire entre 2012 et 2014), « Lakaf affole le CAC » se présente ouvertement comme une BD comique pour adultes, au style « gros nez » caractéristique. Skoda, auteur de la série « Docteur Babilla » (2 tomes édités chez Joker éditions en 2010) et de nombreuses caricatures dans les journaux tchèques (51 PRO), retrouve donc là une tonalité satirique qui lui convient.

On s’étonnera à l’inverse un peu plus de voir associé à cette réalisation le nom de Nicolas Rouvière : ce dernier, maître de conférence en littérature à l’université de Grenoble, était en effet jusqu’ici plus couramment associé à des essais pointus sur un univers bien connu des bédéphiles (« Astérix ou les lumières de la civilisation », PUF, 2006 ; « Astérix ou la parodie des identités », Flammarion 2008 ; « Le Complexe d’Obélix », PUF 2014). Il a également coordonné l’ouvrage « Bande dessinée et enseignement des humanités » en 2012 (Ellug) et participé en 2007 chez Mosquito au collectif concernant « Toppi, une monographie ».

Deux essais par N. Rouvière

Storyboard ,découpage, mise en couleurs

Avec le présent album, auto-produit avec succès fin avril 2014 sur le site de financement participatif (un comble vu le sujet traité !) Kiss Kiss Bank Bank (cf. http://www.kisskissbankbank.com/lakaf-affole-le-cac), le changement de registre est assuré. Au-delà du froid langage technique des traders, aspect déjà évoqué plus sérieusement dans des séries et titres récents tels « Dantès », « La Banque », « Hedge Fund » ou « L’Affaire des affaires », l’aventure improbable de Mickaël Lakaf vire à la fable outrancière et au démontage des vices du milieu boursicoteur. Alors que Lakaf est censé devenir pour ses patrons peu scrupuleux le bouc-émissaire d’un énorme trou de plusieurs milliards causés par la crise des subprimes, le voici qui réussit dans un premier temps à faire fructifier (grâce au cours du radis) le chiffre d’affaire de la banque – fictive – Clearfrim. Toute référence à l’actualité de la crise financière mondiale depuis 2007-2008 ou à l’affaire Kerviel (jugé responsable en janvier 2008 des pertes de 4,82 milliards d’euros enregistrées par la Société Générale) n’est évidemment pas un hasard !

Un lettrage appliqué !

Figurine numérotée/signée (hauteur : 10 x 5 cm) de Lakaf offerte lors du financement participatif

Issu d’une drôle de famille écolo d’intellectuels gauchistes, Lakaf est l’archétype de l’homme en mal de reconnaissance familiale, mi-naïf (inconscient de l’avidité, du cynisme et de l’égoïsme de son entourage) et mi-conscient des ravages produits par le capitalisme outrancier. Une dichotomie qui pousse notre trader à toutes les folies. Le message entêtant, délivré au final par l’album entre fiction humoristique et tragique réalité, pointe vers le rêve collectif d’une économie « verte » et propre, extraite de la bulle spéculative… mais heureusement pas de la bulle du 9ème art.

Deux sites sont à consulter pour les intéressé(e)s, afin de suivre l’actualité de ce titre : http://lakaf.com/blog/ et https://www.facebook.com/lakaf.officiel.

Philippe TOMBLAINE

« Lakaf affole le CAC » par Filip Skoda et Nicolas Rouvière
Éditions Mosquito (12, 40 €) – ISBN : 978-2-35283-295-9

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