Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Le Juge : la république assassinée T1 : Chicago-sur-Rhône » par Olivier Berlion
L’assassinat du juge Renaud, dans la bonne ville de Lyon, en 1975, revient sur le devant de l’actualité grâce au premier tome d’une bande dessinée très bien documentée (1). Ce fait divers qui déboucha sur un scandale impliquant la justice, les politiques et le grand banditisme est ici minutieusement reconstitué, bénéficiant d’un graphisme soigné, d’une narration solide et de dialogues qui sonnent juste.
Vu la compilation d’informations et la juxtaposition habile de toutes les pièces du puzzle, la fiction proposée par Olivier Berlion nous paraît même, historiquement, totalement plausible.Encore tout auréolé par son passé de résistant, François Renaud prend ses fonctions de premier magistrat du chef-lieu de la région Rhône-Alpes en 1966. Après quelques succès à mettre à son actif, il sera chargé des plus grosses affaires criminelles et sera plongé dans toutes les entrailles de la pègre lyonnaise. Grande gueule, franc-maçon et coureur de jupons, aussi courageux qu’incorruptible — on le surnommera très vite Le Shérif –, il va devenir la cible privilégiée des gangsters mégalos et des politiciens pourris.Ce premier opus restitue parfaitement l’ambiance et l’esprit particuliers des années soixante-dix qui imprégnaient alors cette ville secrète aux traditions florentines qu’Oliver Berlion connaît bien, puisqu’il est lui-même Lyonnais. S’étant appuyé sur des photos et des vidéos de l’époque, ainsi que sur les archives des quotidiens locaux, le dessinateur du « Cadet des Soupetard », de « Lie-de-vin » ou de « Tony Corso » réussit à fort bien mettre en scène la vie intime et publique de ce juge qui sortait de l’ordinaire, essayant, à sa façon, de rétablir la réputation d’un homme manifestement intègre et honnête.
Gilles RATIERÂ
(1) Le sujet semble en effet dans l’air du temps, puisque, sans ne s’être aucunement consulté avec Berlion, Étienne Davodeau, l’auteur des BD-reportages « Rural », « Les Mauvaises Gens » ou « Les Ignorants », a également enquêté sur les eaux troubles de la Ve République et les barbouzes du SAC (Service d’action civique) avec l’aide de Benoît Collombat, grand reporteur à France Inter spécialisé dans l’investigation. Leur collaboration, initiée par la Revue dessinée, donnera lieu à un album qui sera bientôt édité chez Futuropolis sous le titre « Cher Pays de notre enfance », et dont le premier épisode sera, justement, consacré lui aussi à l’assassinat du juge Renaud.
 « Le Juge : la république assassinée T1 : Chicago-sur-Rhône » par Olivier Berlion
Éditions Dargaud (13,99 €) – ISBN : 978-2205 — 07365-2