ZOOM SUR LES MEILLEURES VENTES DE BD du 1er juin

Il n’y a plus que le «  Julia & Roem  » d’Enki Bilal dans le « Top 20 » des meilleures ventes de livres tous genres confondus? Et encore, il y recule de la 13ème à la 18ème place !!! Heureusement, le « Top 15 BD » (hors mangas) se renouvelle un peu, avec les nouveaux opus du  » Tueur « , de  » Jour J « , du concept  » 7  » de chez Delcourt, d’une énième série parallèle aux  » Simpson «  et du  » Dernier templier  » ; lesquels nous laissent quelques espoirs pour un « monde meilleur », dans un contexte pourtant vraiment difficile !

Ce sont encore les éditions Casterman (et leur filiale Jungle) qui font carton plein avec 4 titres en tête du classement des meilleures ventes de bandes dessinées de la semaine : le nouveau Bilal, le 14ème  » Simpson « , le 22ème  » Lefranc  » et le 9ème  » Tueur « ; ce dernier étant dû aux efficaces Luc Jacamon (au graphisme aussi élégant que frigorifiant) et Matz (au scénario aussi palpitant qu’implacable), et se plaçant en 4ème position ! Pour le besoin de cette nouvelle enquête, tirée à à 40 000 exemplaires (mise en place de 25 000), l’inquiétant protagoniste de ce thriller pas comme les autres quitte le Venezuela pour le Mexique, car il est chargé de tuer trois personnes clés du secteur pétrolier texan…

Par ailleurs, on voit des «  Simpson  » partout puisque, non seulement  » Bart Simpson  » est encore présent, au 13ème rang de notre hit-parade, depuis déjà 10 semaines (ce qui en fait le doyen du classement !), mais voici qu’arrive  » Bartman « , l’avatar super-héros de ce rejeton de la terrible famille de Springfield (qui doit mettre au jour, entre autres, une escroquerie concernant sa bande dessinée préférée), à la 8ème place ! Tiré à 60 000 exemplaires (dont 50 000 sont déjà mis en place) par Jungle, cet album est évidemment réalisé dans le style de Matt Groening (le créateur de la série animée) par une pléiade de dessinateurs (ici Jason Ho, Luis Escobar, Ryan Rivette, John Delaney…) et de scénaristes (Gail Simone, Jesse McCann, Amanda McCann, James Bates, Tony Digerolamo ou Chuck Dixon, en ce qui concerne ce 1er volume).

Les éditions Delcourt tirent également leur épingle du jeu avec le 6ème tome de l’innovante uchronie  » Jour J  » conçue par Jean-Pierre Pécau et Fred Duval (et dessiné ici par Mr Fab) qui se place d’emblée au 5ème rang. Tiré à 25 000 exemplaires, cet album nous ramène au joli mois de mai 68 où des malfaiteurs dérobent 200 millions de francs. Au moment du partage, l’un des braqueurs disparaît mystérieusement et réapparaît 5 ans plus tard pour réclamer sa part : mais seulement voilà, ses complices d’autrefois gravitent désormais dans les cercles proches du pouvoir…

Et n’oublions pas, en 9ème position, le 1er opus de la 2ème saison du concept  » 7  » (initié par David Chauvel) qui a été confié au professionnalisme du dessinateur réaliste Denys et à l’imagination débordante du scénariste d’origine italienne Luca Blengino. Également tiré à 25 000 exemplaires par les éditions Delcourt,  » Sept survivants  » nous raconte une horrifique poursuite dans les Alpes françaises : un neurologue, sa femme et son frère pénètrent en voiture dans un tunnel, suivis par un inspecteur qui course un couple de criminels. Sans le savoir, ils se précipitent tous vers un piège infernal…

Dernière entrée de la semaine (et certainement pas l’une des moindre), le 3ème tome du polar ésotéro-historique  » Le Dernier templier  » débarque à la 12ème place. Tiré à 30 000 exemplaires par les éditions Dargaud, cette très bonne adaptation du roman « best-seller » éponyme de l’écrivain Raymond Khoury (par ailleurs fort bien mis en images par Miguel de Lalor Imbiriba) devrait se clore avec le volume suivant… Mais vu le succès rencontré par cette bande dessinée, la tentation doit être forte de persévérer dans la même voie… D’autant plus que, par les temps qui courent, quand on tient une série qui marche (à l’instar de celles qui restent encore dans notre « Top 15 BD », comme  » Blast « , «  Les Schtroumpfs « ,  » Les Blondes « ,  » Le Donjon de Naheulbeuk  » et  » Mezek « (1), ou même celles qui en sortent juste tels  » Game Over « ,  » Lady S « ,  » Les Gardiens du sang  » et  » Sherman « ), il vaut mieux se la garder sous le coude…

En effet, d’après les indicateurs Livres Hebdo/I+C, l’économie du livre (certes, il s’agit de tous les genres confondus, mais il n’y a aucune raison pour que la bande dessinée y échappe) aurait continué de chuter pendant le mois d’avril 2011 : le marché ayant régressé de 2 % en euros courants, par rapport à la même période de l’année précédente. Avec un samedi de plus et un jour de semaine de moins cette année, le recul est même proche de 4,5 %, en données corrigées des jours ouvrables, et la baisse de l’activité est également de 4,5 % en volume : l’indice Insee des prix s’affichant à + 2,5 %. Cette persistance d’un marché du livre dégradé s’inscrit dans un contexte morose pour le commerce en général : d’après la Banque de France, les ventes de tous les types de produits confondus ont stagné en avril (+ 0,6 %), alors que l’habillement, le meuble, l’automobile et l’électronique grand public régressaient à un an d’intervalle. Manifestement, ce sont tous les circuits de distribution du livre qui se sont orientés à la baisse en avril, à l’exception de la vente à distance (dont les clubs via les détaillants) qui enregistre une modeste progression de 2 % en euros courants. Et ce sont toujours les hypermarchés (- 5 %) et les librairies de deuxième niveau-soldeurs-grands magasins (- 4 %) qui souffrent le plus : les grandes surfaces culturelles et les librairies de premier niveau parvenant presque, quant à eux, à maintenir leur activité en euros courants.

Voilà de générales nouvelles économiques qui ne vont pas rassurer les auteurs de bandes dessinées inquiets sur l’avenir de leur métier, dont le talentueux scénariste Kris ( » Un homme est mort « ,  » Un sac de billes  » http://bdzoom.com/spip.php?article5067,  » Notre mère la guerre « …) qui s’en est récemment fait le porte-parole en poussant un coup de gueule justifié sur Facebook : billet d’humeur qui a déjà été repris sur de nombreux autres sites spécialisés. Ne se basant pas spécifiquement sur sa situation personnelle (qui, dans le contexte actuel, serait même plutôt enviable : ce qui ne l’empêche cependant pas d’avoir les yeux ouverts et de ne pas être d’accord avec ce qui se passe) mais sur celles d’auteurs chaque jour plus nombreux, il constate que les prix à la page accordés aux auteurs n’ont fait que baisser drastiquement ces dernières années ; au point d’être plus bas, en moyenne, qu’il y a 5, 10 voire 20 ans, et sans que rien ne vienne justifier une telle baisse : « Je dis précisément qu’un album était rentable il y a 5,10 ans avec un certain à-valoir donné à l’auteur et qu’aujourd’hui, à vente identique, on nous dit que ce n’est plus le cas. Mais on ne sait pas réellement pourquoi, comment… Je dis que, suite à ça, nombre d’auteurs se paupérisent chaque jour un peu plus. Bref, j’interroge une situation que tous les auteurs évoquent au quotidien, aujourd’hui, dans tous les festivals, dans toutes leurs conversations, etc. »… Bref, l’expression justifiée d’un « ras le bol » qui commence à gagner de nombreux acteurs du monde de la bande dessinée…

Gilles RATIER, avec un tout petit peu (mais vraiment un tout petit peu) de Laurent Turpin

(1) Nous ne citons pas, intentionnellement, le  » Manuel de conduite à l’usage du motocycliste débutant  » car ce n’est pas une bande dessinée mais un guide humoristique illustré qui surfe sur le succès du  » Joe Bar Team « .

PS : Encore merci à Sergio Salma (scénariste, mais aussi observateur pointu et sans concession de notre milieu), à Libon (dessinateur) et aux éditions Dupuis qui nous autorisent à reprendre, chaque semaine, pour illustrer notre rubrique, quelques extraits pertinents de leur strip  » Animal lecteur  » publié, en avant-première, dans Spirou, l’hebdomadaire champion de la bonne humeur !

« TOP 15 BD »:
DU 16 AU 22 MAI 2011
(Copyright Ipsos/Livres Hebdo)

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