Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Bel hiver non super-héroïque chez Urban Comics
En cette fin d’année, beaucoup de nouveautés, comme d’habitude, et pas mal de choses intéressantes. Parmi elles, quelques albums parus chez Urban Comics qui n’ont rien à voir avec les univers des super-héros DC. Petit coup d’œil sur trois d’entre eux qui valent assurément le coup !
« The Creep » par Jonathan Case et John Arcudi
On commence par un polar, et même un bon polar des familles, car ce « The Creep » est une vraie bonne surprise. Une intrigue classique, un style classique, dans ce que « classique » inclut de meilleur, à savoir une nouvelle exploration de la moelle même du genre policier, sachant charpenter de vrais personnages, de vrais destins dramatiques, au-delà de l’enquête qui n’est que prétexte à révéler la nature des êtres ; nous sommes bien dans ce monde-là . Noir et sombre mais pas trop, non dénué d’humour et de second degré, ce polar s’avère riche et prenant, en premier lieu grâce à la personnalité du protagoniste principal : Oxel Kärnus, dont l’étrangeté ne vient pas que du nom. Homme atteint d’acromégalie, une maladie dégénérative, ce molosse au physique aussi imposant qu’exhalant une profonde douceur exerce la profession de détective privé. Un jour, il reçoit la lettre d’un amour de jeunesse qui fait appel à lui pour enquêter sur le suicide de son fils… Oxel va accepter, mais cela va le mener vers des territoires peu confortables… Je ne veux rien vous dire de plus sur l’histoire afin que vous puissiez la découvrir avec le plus de plaisir possible, mais sachez que ce récit se parcourt très agréablement, avec même quelques surprises et des variations graphiques qui apportent un petit plus non négligeable. Avec « The Creep », un très beau personnage de polar est né, touchant et impressionnant : Oxel Kärnus.
« Sandman T5 » par Neil Gaiman & co
Suite de l’édition enfin intégrale de « Sandman » avec ce cinquième volume très intéressant. En ouverture, l’un des plus fameux épisodes de la série, « Ramadan », nous proposant une version « Mille et Une Nuits » de Morphée… Puis vient l’arc « La Fin des mondes » qui – calqué sur « Les Contes de Cantersbury » – fait se rencontrer plusieurs personnes dans un même lieu de veillée où chacun raconte une histoire… Des récits de natures très différentes, nous entraînant dans des voyages qui deviennent les facettes d’un même moment, carrefour des destinées de chacun, nourri de chaque vie des personnages présents. Puis vient « Les Chasseurs de rêves ». Non pas celui illustré par Amano (qui eut le droit à une édition française chez Norma en 2003), mais celui réalisé ultérieurement par P. Craig Russell alors que « Sandman » avait presque vingt ans, en 2008-2009. Cette très belle mini-série en quatre chapitres est un régal, tout en poésie et en délicatesse… et était restée inédite en France ! C’est donc un vrai plus que de trouver ces épisodes au sein de ce volume (même si cela entraîne une petite dichotomie chronologique, mais l’arc « La Fin des mondes » est assez court, ce qui rend cet ajout acceptable). Sinon, que dire à part que « Sandman » reste « Sandman » ? Ce nouveau volume ne fait que confirmer la très haute qualité de cette Å“uvre magistrale, protéiforme et fascinante. À l’instar des autres volumes, celui-ci contient un dossier de fin reprenant des extraits de l’excellent « Sandman Companion » de Hy Bender, mais on y trouvera également le script de « Ramadan », des croquis, dessins, illustrations et autres documents d’archives dont les fans de la série pourront se régaler. Le rêve continue…
« Y le dernier homme T5 » par Pia Guerra et Brian K. Vaughan
Avec ce cinquième volume s’achève l’édition intégrale d’« Y le dernier homme », l’œuvre fondatrice de Brian K. Vaughan. Alors, je sais, évidemment, un certain nombre d’entre vous vont me dire que « franchement, avoir une fin pareille au bout de 60 numéros, c’est du foutage de gueule », et d’autres que « c’est la fin d’une Å“uvre très intéressante qui n’a pas à se clore dans le sensationnel ». Et il sera difficile de vous départager, même s’il n’y a pas à s’exciter comme ça pour quelque chose qui n’est pas non plus cataclysmique ! Je suis plutôt de ceux qui pensent qu’« Y le dernier homme » est une Å“uvre épatante, induisant plusieurs strates de lecture et nous poussant à réfléchir un minimum sur des choses tout de même assez importantes, et que malgré quelques longueurs, certes, l’ensemble reste un bel exemple de saga d’anticipation humaniste, à la fois grave et drôle, engagée et un peu désespérée… La richesse et l’intérêt de cette Å“uvre réside bien dans son cheminement et ce qui en est exprimé, dressant une sorte de portrait d’une humanité contemporaine très fragile et contrastée, et non dans la nature de son dénouement qui n’est justement pas une fin en soi. Que ce volume close l’intégrale de cette série est une très bonne chose, le lectorat français pouvant enfin lire la totalité de l’un des comics contemporains qui ont compté en ce début de millénaire.
Cecil McKINLEY
« The Creep » par Jonathan Case et John Arcudi
Urban Comics (15,00€) – ISBN : 978-2-3657-7438-3
« Sandman T5 » par Neil Gaiman & co
Urban Comics (35,00€) – ISBN : 978-2-3657-7448-2
« Y le dernier homme T5 » par Pia Guerra et Brian K. Vaughan
Urban Comics (28,00€) – ISBN : 978-2-3657-7430-7