Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« La Guerre des magiciens » T1 (« Berlin »)
Deux quinquagénaires juifs anglais, qui ont fait partie de la prestigieuse brigade de Scotland Yard chargée de démystifier les charlatans et faux spirites londoniens, dans les années 1910, ont aimé la même femme, au même moment : Lili Thiel, une apprentie magicienne repartie en Allemagne, sans plus jamais donner de nouvelles?
Vingt-cinq ans plus tard, on retrouve nos enquêteurs à Berlin, ville qui leur est pourtant devenue hostile en virant nazie : il faut dire qu’ils ont reçu une missive de la fille de leur amour de jeunesse, laquelle leur demande de retrouver sa mère disparue, alors qu’elle est devenue une farouche opposante au parti national-socialiste. Tout ceci en leur laissant même l’espoir de savoir qui des deux est vraiment son géniteur… En dépit de leur rancune respective, les deux détectives se serrent les coudes et se lancent, tête baissée, dans une aventure fantastique dans le monde de la magie, où tout n’est peut-être pas qu’illusion…
Entre une ambiance à la « W.E.S.T » (la bande dessinée de Nury, Dorison et Rossi) et un contexte proche du « Prestige » (le fabuleux film de Christopher Nolan, d’après le roman éponyme de Christopher Priest, avec Christian Bale et Hugh Jackman), « La Guerre des magiciens » ne dédaigne pas non plus un peu de légèreté et d’humour ; ne serait-ce qu’avec les chamailleries incessantes entre les deux protagonistes ! L’association scénaristique entre la dérision du maître argentin Carlos Trillo (« Fulù », « Cybersix », « Je suis un vampire », « Le Cri du Vampire »…) et l’efficacité des détails historiques prônée par Italien Roberto Dal Pra’ (« Weimar : les enquêtes de Jan Karta » ou « Le Manuscrit interdit ») fait merveille ; d’autant plus que le dessin de Domingo Mandrafina (« La Grande arnaque » ou « Spaghetti Brothers », également scénarisés par Carlos Trillo), dont on a plus souvent l’occasion d’admirer la maîtrise du noir et blanc, se complaît parfaitement dans de subtils bains de couleurs directes à l’aquarelle : une bande dessinée dense, envoûtante et charmante à la fois…
Gilles RATIER
«La Guerre des magiciens» T1 (« Berlin ») par Domingo Mandrafina, Carlos Trillo et Roberto Dal Pra’
Éditions Delcourt (13,50 €)