Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Le Château des étoiles T1 : 1869, la conquête de l’espace » par Alex Alice
Et si la conquête de l’espace avait commencé à la fin du XIXe siècle, avec les inventions d’un ingénieur français travaillant pour Louis II, le roi fou de Bavière ? Son jeune fils, le bien nommé Séraphin, se serait alors envolé au-delà de l’atmosphère, vers l’éther théorisé par les Grecs anciens. C’est ce que décrit la somptueuse bande dessinée d’Alex Alice, récit futuriste dans la lignée des meilleurs romans de Jules Verne.
À la fin du XIXe siècle, en 1868, la communauté scientifique estime que l’espace est fait d’éther, une substance qui remplit le vide du cosmos en transmettant la lumière des étoiles. La famille scientifique des Dulac se charge de vérifier cette hypothèse et se lance dans la construction d’un moyen de transport pour explorer l’espace. Claire, la mère, monte à plus de 13 000 mètres à bord d’un ballon à hydrogène, pour prouver l’existence de l’éther au-delà de l’atmosphère. Le ballon explose, on ne retrouve pas le corps de Mme Dulac.
Un an plus tard, on annonce à Archibald et à son fils, Séraphin, que le carnet de leur épouse et mère a été retrouvé en Bavière. Malgré une tentative d’enlèvement par des espions prussiens, ils parviennent à rejoindre le château du roi Louis II de Bavière. Le souverain va financer les travaux d’Archibald pour la construction d’un engin spatial de cuivre et de bois. Un coup de force des Prussiens, ennemis de la France et de la Bavière, met la vie des Dulac en danger. Ils n’ont alors d’autre choix que de partir vers l’espace, avec la machine fabriquée par Archibald.
Ce très beau premier volume d’un diptyque annoncé est à la croisée de plusieurs registres ; steampunk d’aventures à la Jules Verne, aventures aériennes dignes des meilleurs dessins animés de Miyazaki, romantisme du récit d’initiation d’un jeune garçon en terre inconnue, le tout animé par un humour toujours sous-jacent.
L’auteur a entièrement réalisé à l’aquarelle les planches, aux tons pastel, de cette bande dessinée aux décors époustouflants, des cieux proches de l’éther à la folie douce des châteaux de Ludwig II de Bavière. La superbe couverture qui évoque ouvertement celles des romans de Jules Verne, édités par Hetzel, est une aimable mise en bouche, tant le lecteur suit avec ravissement, toujours surpris par les rebondissements du récit, les aventures du jeune Séraphin : jeune candide étonné par les agissements des hommes et qui ne rêve que des cieux de l’éther, là où il espère encore rejoindre sa mère.
Cette saga s’amuse à retrouver les codes de la littérature de la fin du XIXe siècle pour mieux les transgresser. Elle respecte ainsi le contexte historique de l’Europe d’avant la guerre de 1870, mais le pervertit en introduisant le merveilleux fantastique des inventions délirantes des parents Dulac. Si les aquarelles de l’auteur répondent à l’esthétique des illustrations pour la jeunesse de l’époque, on retrouve dans certaines planches une influence du manga, notamment pour les expressions du petit Hans.
À noter que les éditions Rue de Sèvres ont prépublié, au printemps 2014, cette histoire sous forme de trois journaux de l’époque, la bande dessinée étant alors complétée par des articles faussement contemporains des faits, dus à Alex Nikolavitch.
« Le Château des étoiles » retrouve le goût et la force créatrice des grands feuilletons du XIXe. Concept original, cette uchronie esthétique a, dès sa parution, toutes les qualités pour devenir un incontournable de la bande dessinée jeunesse.
Laurent LESSOUS (L@BD)
« Le Château des étoiles T1 : 1869, la conquête de l’espace » par Alex Alice
Éditions Rue de Sèvres (13,50 €) – ISBN : 978-2-36981-013-1