Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...80 bougies pour Le Journal de Mickey (première partie)
Créé le 18 octobre 1934, Le Journal de Mickey fête ses 80 ans cette année ! En attendant divers événements et manifestations prévues en fin d’années (lancement du nouveau site internet du Journal de Mickey le 1er octobre, publication d’un poster anniversaire en quatre parties dans les n° 3248 à 3251 et d’un numéro collector anniversaire de 100 pages le 15 octobre (au n°3252) ou présence de l’exposition sur les 80 ans du Journal du Mickey du 23 au 27 octobre à Kidexpo (1)), Henri Filippini revient sur l’histoire de ce magazine, né 6 ans après la création du personnage de Mickey par Walt Disney, où pour la première fois dans la presse jeunesse française, toutes les BD sont « à bulles » et non avec le texte sous l’image.
En 1928, Paul Winkler (né à Budapest, en 1898), jeune expatrié hongrois issu d’une famille aisée qui était arrivé en France en 1921, écrit des articles qu’il vend aux journaux étrangers. Fasciné par le système de syndicalisation qui règne sur les périodiques des États-Unis, il fonde à Paris l’agence de presse Opera Mundi (l’Œuvre du Monde).
Son entreprise vivote jusqu’au jour où il obtient les droits de représentation pour l’Europe du puissant King Features Syndicate américain. Dans la corbeille de mariage se trouvent les strips et pages dominicales de l’agence de presse yankee dont les séries (« The Katzenjammers Kids », « Krazy Kat », « Polly and her Pals », « Bringing up Father », « Barney Google », « Little Annie Rooney », « Mickey Mouse », « Popeye », « Blondie », « Pete the Tramp », « Flash Gordon », « Terry and the Pirates », « Mandrake the Magician », « The Phantom », « Prince Valiant »…) envahissent les pages des quotidiens américains. Face à la tiédeur de la presse française envers ce matériel novateur, Winkler vend aux éditions Hachette les droits de publication, sous forme d’albums, de « Félix le chat » et de « Mickey » dont les ventes dépassent rapidement les 500 000 exemplaires.
Le succès de ces ouvrages, et principalement ceux dédiés au personnage de Mickey, l’incite à lancer un magazine de bandes dessinées portant son nom, dont la formule, bien différente des Lisette, Pierrot, Fillette et autre Semaine de Suzette (ou même de L’Épatant) proposés aux jeunes lecteurs et lectrices de l’hexagone, est révolutionnaire pour l’époque (2).
Les éditions Hachette financeront l’opération, mais la déjà très puissante et vénérable librairie dont l’actionnariat est encore très familial souhaite ne pas apparaître dans l’association, devenant ce qu’on appelle un sleeping partner.
Annoncé par une simple feuille le premier juin 1934 (il existe aussi un n° 02 daté du 14 octobre 1934), le premier numéro du Journal de Mickey est publié le 18 octobre 1934.
Huit grandes pages au format 28,5 x 42 cm (3), dont la moitié en couleurs où évoluent de véritables héros bien différents de ceux des bluettes françaises, permettent à l’hebdomadaire de Paul Winkler d’atteindre très vite les 400 000 exemplaires, voire plus.
À la Une figurent les « Symphonies folâtres » (« Silly Symphonies »), dont la première est dessinée par Al Taliaferro et scénarisée par Ted Osborne, ainsi que le personnage de Mickey Mouse bientôt entouré de ses amis (des textes de Merrill de Marris mis en images par Floyd Gottfredson et Ted Thwaites pour le n° 1).
On y trouve aussi les séries réalistes « Jim La Jungle » (« Jungle Jim », dessiné par le grand Alex Raymond)
et « Les Malheurs d’Annie » (« Little Annie Rooney » des dessinateurs Darrell Mc Clure et Nicolas Afonsky et de l’écrivain Brandon Walsh) (4),
ainsi que les gags du « Père Lacloche » (« Pete the Tramp »)
ou de « Touffu » (« Pete’s Pup ») par Clarence D. Russell,
de « Tout est bien qui finit bien » (« Discontinued Stories »)
ou de « Jacques Beaunez policier » (« Needlenose Noonan ») par Walter C. Hoban
et des « Petites Fables » (« Fablettes », créées vers 1933) par Nicolas Afonsky et Brandon Walsh dont certaines, comme « Si Rip le dormeur revenait », sont uniquement proposées dans les premiers numéros…
Voir le détail sur http://www.bdoubliees.com/mickey/annees/1934.htm.
Sans oublier les diverses rubriques, jeux, concours et l’indispensable roman illustré (dus à Claude Davière, Karl May, Pierre Cobore, Edgar Rice Burroughs, Yves Dermèze alias Paul Mystère, Paul Winkler alias Guy d’Antin, Lucienne Rozier, Max-André Dazergues…) pour apporter une note éducative non négligeable, ceci afin de ne pas trop s’attirer les foudres des éducateurs conservateurs…
Ces premières bandes sont bientôt rejointes par « Pim Pam Poum » (« The Katzenjammer Kids », voir Le paradis retrouvé ou Pim Pam Poum à lîle Bongo)
ou « Les Durondib et leur chien Adolphe » (« Dinglehoofer und his Dog Adolph ») d’Harold H. Knerr,
« P’tit Jules » (« Shorty ») ou « Les Jumeaux (« The Tucker Twins ») de C. D. Russell,
« Luc Bradefer » (« Brick Bradford ») de William Ritt et Clarence Gray,
« Richard le téméraire » (« Tim Tyler’s Luck »)
ou « Marc Luron » (« Curley Harper ») de Lyman Young,
« Cora » (« Connie »)
ou « La Patrouille des aigles » (« Eagle Scout Roy Powers ») de Frank Godwin,
« Bernard Tempête » (« Don Winslow of the Navy ») créé par l’officier Frank V. Martinek (5),
« La Patrouille du Grand Nord » (« King of the Royal Mounted ») par Jim Gary d’après Zane Grey,
« Prince Vaillant » (« Prince Valiant ») d’Harold Foster…
Ou encore par des réalisations made in France : « La Famille Durondel » de Pierre Billon,
« Babou » de De Nedan, « Bizut sportif » ou « L’Arbre de la mort » de René Pellos, « L’Île aux monstres » ou « Jean Bart » de Simmons, etc.
Comme quoi, dès cette première formule, la création était de mise dans Le Journal de Mickey…
Notons aussi que Paul Winkler est épaulé, à la rédaction de l’hebdomadaire, par Léon Sée, ancien manager du fameux boxeur Primo Carnera.
Il signera, entre autres, les fameux « Club Mickey » ou « Billet de l’Onc’ Léon », lequel perdurera longtemps après guerre.
L’engouement des lecteurs pour le Journal de Mickey est tel que Paul Winkler lance, avec le même succès, deux autres journaux à la formule assez proche : Robinson et Hop-là ! dont les carrières prendront fin avec la guerre.
La belle aventure cesse d’ailleurs le 16 juin 1940, avec le numéro 296 : faute de papier, mais aussi parce que Paul Winkler, d’origine juive et foncièrement antinazi, n’a guère les faveurs des Allemands.
La rédaction se réfugie à Marseille, en zone libre, où Le Journal de Mickey revient le 22 septembre 1940 sous le nouveau titre Le Journal de Mickey et Hop-là ! réunis.
Édité plus officiellement par Hachette et dirigé par l’épouse du créateur (Betty Winkler) qu’un divorce de circonstance mettra provisoirement à l’abri des poursuites de l’Occupant, il paraît avec plus ou moins de régularité jusqu’au 2 juillet 1944, cessant de paraître avec son numéro 477.
De retour en France, Paul Winkler, qui s’était réfugié aux États-Unis, reprend ses activités au sein d’Opera Mundi.
Il réactive la vente du matériel américain dans la presse française, moins frileuse envers les héros US qu’avant-guerre, et crée, pour son propre compte, de nombreuses bandes dessinées.
Ces strips, bandes verticales, romans dessinés… sont réalisés avec la collaboration d’une solide équipe de dessinateurs (on peut citer, par exemple, les frères jumeaux Willy et Yves Groux, Robert Bressy, André Daix, Jacques Blondeau, Rob-Vel alias Bozz, Pierre Degournay, Pierre Le Goff, l’Espagnol José Ramón Larraz – voir L’étonnante carrière de José Ramón Larraz -, le Catalan Marc Cardus, l’Italien Raffaele Carlo Marcello dit Raphaël Marcello…) et de scénaristes, à l’instar de la célèbre romancière Juliette Benzoni.
Toujours sous l’égide d’Opera Mundi, il renoue alors avec la presse des jeunes en publiant Donald, un hebdomadaire dont la présentation est proche de celle de feu Le Journal de Mickey : grand format, huit pages, séries américaines… Donald sera publié du 23 mars 1947 au 22 mars 1953, soit pendant 313 semaines.
À suivre…
Henri FILIPPINI,
avec un peu de Gilles Ratier (notamment en ce qui concerne certains compléments, notes ou détails chronologiques, et la mise en pages)
Merci au site http://m-bd.over-blog.com qui nous a permis d’illustrer dignement certains passages de cet article et au n° 15 du Collectionneur de bandes dessinées (janvier 1979) pour la vérification de certaines dates
(1) Les éditions Glénat annoncent, pour le mois d’octobre prochain, la publication d’un gros ouvrage consacré à « La Grande Histoire du Journal de Mickey », coordonné par Patrick Weber. Ne l’ayant pas encore lu, nous en reparlerons plus longuement dès parution. On peut cependant penser que Glénat étant l’éditeur français des histoires Disney, il y a peu de chances pour que la triste formule actuelle de l’hebdomadaire, bientôt octogénaire, soit traitée avec les mots qu’il convient.
(2) Sachez qu’il existait, en Italie, un autre périodique utilisant en vedette les personnages de Walt Disney : le Topolino (souris en italien) de l’éditeur florentin G. Nerbini. Toutefois, les bandes proposées au sommaire de cet hebdomadaire, qui apparaît le 31 décembre 1932, ne sont que des pâles copies de « Mickey » & Co : aucun copyright n’indiquant, d’ailleurs, que Disney eut donné son accord à ce démarquage abusif. Ce n’est qu’en 1935 que le puissant éditeur milanais Mondadori reprit le titre et le transforma en l’un des fleurons des publications pour la jeunesse de l’autre côté des Alpes, avec un tirage de l’ordre de 700 000 à 800 000 exemplaires.
(3) Il en sera pratiquement ainsi jusqu’au n° 361, même si le format augmentera légèrement en passant de 31,5 x 43,5 (au n° 297 du 22 septembre 1940), à l’exception de quelques numéros spéciaux publiés pour Pâques, les vacances d’été, la rentrée ou Noël et arborant de superbes couvertures reprises du Journal de Mickey anglais : Mickey Mouse Weekly. Ces opus de seize pages offraient souvent de nouveaux gags d’une bande ou d’une demi-page en noir et blanc : traductions de séries américaines comme « Henry » par Carl Anderson (« Henri »),
« Colonel Potterby and the Duchess » (« Monsieur Pivoine et la duchesse »)
ou les déboires d’Alexander (le fils de Blondie appelé curieusement ici Coco) par Chic Young,
« Skippy » par Percy Crosby,
« Au royaume du Père Noël » par King Cole ou encore « Bonzo » par George E. Studdy, lequel eu aussi l’honneur d’être proposé auparavant en albums Hachette comme « Mickey » et « Félix le chat » (« Felix the Cat »), héros d’Otto Messmer et Pat Sullivan dont on retrouve aussi quelques gags traduits dans ces numéros spéciaux.
(4) « Little Annie Rooney », série créée par le dessinateur Edward Verdier en 1927 (assisté dès l’année suivante, par l’écrivain Brandon Walsh) est, à l’origine, l’adaptation en bandes dessinées d’un long-métrage réalisé par William Beaudine avec Mary Pickford dans le rôle principal. Après un intermède réalisé par un artiste resté inconnu puis par Ben Batsford en 1929, c’est Darrell Mc Clure qui la reprend graphiquement en main, un an plus tard. En 1933, ce dernier délègue la planche du dimanche à Nicolas Afonsky, lequel introduit, aux côtés de la gentille et larmoyante Annie, un jeune garçon nommé Joey Robbins et son mentor, le sentencieux Chinois Ming Foo. À la disparition d’Afonsky en 1943, c’est Mc Clure qui en redevient l’unique dessinateur. Or, c’est cette sunday page qui est proposée dans Le Journal de Mickey, d’abord sous le titre « Les Malheurs d’Annie »
puis « Les Aventures de Jojo » : les deux paraissant parfois simultanément sous ces deux appellations (« Les Malheurs d’Annie » étant alors, à partir du n° 183 du 17 avril 1938 et jusqu’au n° 245 du 25 juin 1939, la reprise de la bande quotidienne due à Darrel McClure), faisant croire ainsi à l’existence de deux séries différentes. « Les Malheurs d’Annie » sera aussi longtemps traduite dans la deuxième version du Journal de Mickey, de 1952 à 1958, et lorsque le matériel américain vint à manquer (la série se termina en avril 1966 aux USA), la petite orpheline vécût quelques aventures apocryphes dessinées par José Larraz et Jacques Blondeau, sous l’égide du label Opera Mundi de Paul Winkler. Enfin, il ne faut pas confondre « Little Annie Rooney » avec « Little Orphan Annie » d’Harold Gray, aventures humoristiques également inspirées des longs-métrages interprétés par Mary Pickford, mais qui furent beaucoup moins traduites en langue française.
(5) Pour cette maritime série militaire américaine qui apparut au n° 171 du 23 janvier 1938, les dessins étaient dus au lieutenant Leon A. Beroth, assisté par Carl Hammond. À noter qu’à partir du n° 258 du 24 septembre 1939, une suite fut imaginée et dessinée par le Français Georges Sogny, jusqu’au n° 477 du 2 juillet 1944, lequel dessinera aussi diverses courtes bandes policières entre mai 1942 et avril 1943 : encore une collaboration (et donc création) autochtone peu mise en avant par les historiens du 9e art !
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