Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Les Poilus d’Alaska T1 : Moufflot, Hiver 1914 » par Félix Brune, Michaël Delbosco et Daniel Durand
Des millions d’hommes ont voyagé en 14-18. Ils ne l’avaient pas voulu, et même, pour la plupart, jamais souhaité. C’était souvent pour eux la première fois et ce fut très souvent aussi la dernière ! Et il en fut de même pour les animaux, les chevaux notamment, et les chiens, ceux d’Alaska, par exemple…
C’est l’histoire de ces « poilus » d’un genre particulier, autant chiens que soldats, 400 chiens esquimaux qui quittèrent leur terre américaine pour rejoindre les Vosges. A l’initiative de ce transfert étonnant, un homme, Louis Joseph Moufflet, capitaine de l’armée française qui a décidé de créer une section de combat avec 400 chiens polaires et 60 traineaux ! Pour cela, il faut d’abord aller les chercher et les ramener. Et tout commence, ou presque, dans le village de Nome, au nord de la mer de Béring, un bled perdu d’Alaska, mais ne sont-ils pas tous perdus les villages d’Alaska en 1914 ? En tout cas, on y respire encore les illusions et les désillusions de la ruée vers l’or, celui du Klondike, notamment, 15 ans plus tôt. De là, viennent des Français rentrés au pays pour combattre et qui vont aider Moufflot à réaliser son pari audacieux…
Bien dialogué et s’autorisant des parenthèses pittoresques (un capitaine fort en gueule et dérangeant, une « veuve » Mouflot qui fait rêver les soldats, une infirmière inoubliable…), le récit s’étoffe, semble s’égarer un peu et « retarde » l’apparition du troupeau canin qu’on ne découvrira… qu’au tome 2 final ! Il est vrai que le récit a pris des libertés avec l’histoire et c’est pourquoi Moufflet devient Moufflot, ce qu’un dossier final explique avec force détails.
Graphiquement, le trait caricatural demande un peu de temps pour séduire, puis on y prend goût et certains personnages sont même très réussis, d’autant que la mise en couleurs d’Albertine Ralenti est d’une belle efficacité.
A l’heure où il y a pléthore d’albums sur les événements proprement guerriers de la Première Guerre mondiale, ces Poilus-là offrent une échappée par moments jubilatoire que le deuxième volet ne devrait que conforter. Casterman réédite bien évidemment et opportunément « C’était la guerre des tranchées » augmenté d’un cahier de dessins et d’une courte postface de Tardi qui fustige « les épiciers du Centenaire » oubliant qu’il a baigné, lui, toute sa vie dans le devoir de mémoire familial et historique, mais qu’il n’est pas mauvais de raconter encore et encore à tous ceux, plus jeunes, qui n’ont pas cette obsession artistique et intime agrippée à leurs neurones.
Toujours est-il qu’il sera difficile d’oublier cette meute de chiens puisque, outre la BD, un livre et un film en raniment déjà la flamme, sans oublier le site qui leur est consacré : http://www.poilusdalaska.com/.
Alors, bon voyage.
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook) : http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Les Poilus d’Alaska T1 : Moufflot, Hiver 1914 » par Félix Brune, Michaël Delbosco et Daniel Durand
Éditions Casterman (13, 50 €) – ISBN : 978-2-203-06858-2