« Magda Ikklepotts » T1 par Krystel et François Debois

Le duo François Debois au scénario et Krystel au dessin reviennent avec une aventure magique. Dans la même veine que leur précédente collaboration « Ash », parus chez Soleil, ils nous baladent cette fois-ci dans un Paris contemporain propice à la magie et la sorcellerie. Magda pensait être la seule sorcière à habiter la capitale, apparemment ce n’est pas le cas. Elle qui se fait habituellement plutôt discrète envers la maréchaussée va devoir collaborer avec l’inspecteur Maulincourt, lequel est sur la piste d’une affaire bien étrange.

Même si on peut parler d’une esthétique proche du manga, Krystel possède indéniablement son propre style. Dynamique et semi-réaliste, c’est surtout une fois la mise en couleur terminée qu’elle dévoile son vrai talent. Son univers est assez sombre, sa précédente série « Ash » est là pour en témoigner. Mais de petites touches d’humour sont distillées çà et là et trahissent une influence japonaise. C’est notamment flagrant sur les cases reprenant le célèbre corbeau de « City Hunter » passant dans le fond, en laissant une traînée de points de suspension signifiant un lourd silence pensant suite à un bide retentissant. Bien évidemment, le corbeau est ici remplacé par une pie, animal de compagnie de la jeune sorcière. Comme dans toute bonne histoire surnaturelle, il va sans dire que ces deux la communiquent. Ce qui permet au volatile de prévenir Magda de certains dangers, ou simplement de donner des conseils que la jeune impérieuse ne daigne pas toujours suivre.

Au début de cette histoire, le lecteur découvre donc une jeune paumée au nom saugrenu de Magda Ikklepotts. On comprend rapidement que c’est une véritable magicienne et qu’elle utilise ses pouvoirs afin d’abuser de certains antiquaires peu scrupuleux ; ces derniers, revendant à prix d’or d’anciens objets prétendument magiques volés à d’anciens adeptes de l’occultisme. Son manège est simple, elle laisse ses coordonnées au propriétaire de la boutique, puis génère un phénomène paranormal. Ensuite, elle attend sagement d’être contactée afin de désenvoûter l’échoppe et, bien sûr, faire revenir les clients. Mais cette fois-ci, c’est peut-être le coup de trop, la police finit par débarquer chez elle. Dans la panique, la jeune fille ne trouve rien de mieux à faire que de s’enfuir. Ce qui fait d’elle un suspect idéal dans l’affaire des hallucinations de la rue de la Grange-aux-belles. Finalement, comme elle n’y est pour rien, et pour se dédouaner, elle va daigner collaborer avec les forces de l’ordre. Ce qui va permettre de rétablir une situation presque normale et faire cesser cette chasse aux sorcières qui est loin de la ravir : on peut aisément le comprendre.

Ce récit joue à fond sur la peur de l’autre, face à ces croyances et ces rites inconnus. On est transporté dans ce monde ou la magie fait partie du quotidien d’habitants peu enclin à accepter ces délires paranormaux dans leur vie bien tranquille. Le ton est jeune et les tournures de phrase bien contemporaines. On est clairement dans le présent, même si certaines scènes nous ramènent vers un Moyen Âge fait de croyances magiques et de sorcellerie. Une époque barbare où l’on pendait les sorcières. Ce que sait parfaitement rendre Krystel avec ses couleurs mélangeant élégamment les tons chauds et froids : un rendu novateur caractéristique de ces artistes ne travaillant qu’en numérique. Malheureusement pour les éventuels collectionneurs, il n’existe pas d’originaux des crayonnés des planches. La BD « Magda Ikklepotts » est entièrement créée par informatique avec l’aide d’une tablette graphique et de logiciels professionnels rendant à merveille les nombreux effets de matière et de lumière nécessaires à la réalisation d’un monde onirique : un outil de plus en plus utilisé et ici maîtrisé à la perfection. Mais l’ordinateur ne fait pas tout et c’est surtout dans le jeu d’expressions variées et la diversité des personnages que l’on peut saluer le talent de cette jeune auteure, pourtant déjà bien aguerrie avec seulement deux séries à son actif.

Tout au long des 50 pages de l’album, riche en rebondissements, on suit cette enquête policière dans le milieu de l’ésotérisme. Par la même occasion, le lecteur découvre un monde à la fois familier et pourtant bien étrange. Une bonne mise en place pour une série prometteuse. Contrairement à certaines bandes dessinées influencées par les bandes dessinées venues du Japon, celle-ci pioche un peu dans tous les genres sans en faire trop. Que l’on soit amateurs de mangas, de comics ou de BD franco-belges, tout le monde devrait y trouver son compte. Néanmoins, le public visé est clairement celui des adolescents, l’héroïne étant à leur image : un peu geek, un peu punk, un peu envoûtante et surtout très mystérieuse.


Gwenaël JACQUET

« Magda Ikklepotts » T1 par Krystel et François Debois
Éditions Ankama (13,90€) – ISBN : 2359104888

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>