« Lucifer Sam T1 : Les Portes de l’enfer » par Marco Nizzoli et Michelangelo La Neve

De temps en temps, ça fait du bien de ne pas trop se prendre la tête et de se laisser porter par une bonne histoire qui nous tient en haleine de bout en bout, d’autant plus lorsqu’elle est mise en valeur par un dessin expressif et réaliste. C’est justement le cas de ce thriller contemporain aux relents sataniques, particulièrement glaçant et haletant : une véritable bonne surprise à sortir immédiatement du lot des trop nombreuses nouveautés sans saveur particulière qui ont envahi nos librairies favorites ces derniers mois…

Élisabeth Frazer, écrivaine américaine à succès, mais aussi maman un peu trop « poule », décide d’envoyer son fils Syd de dix-huit ans, qu’elle a élevé toute seule et qui a vraiment besoin d’un peu d’air, en vacances à Paris. Pendant le voyage, il rencontre une charmante top model, pas vraiment farouche, amatrice des romans de Miss Frazer. Elle semble même tout connaître de la vie de Syd ; ce qui est a priori normal, puisque le jeune homme apparaît régulièrement dans les ouvrages de sa mère. Or, cette dernière est renversée par une voiture juste après avoir mis sa progéniture dans l’avion, et son corps va être carbonisé par ses ravisseurs. À son arrivée et contrairement à ce qu’il attendait, Syd n’est pas hébergé dans la capitale, mais chez l’éditrice française de sa mère, dans un château distant d’une cinquantaine de kilomètres, gardé par une horde impressionnante de dobermans. Il va se retrouver pris au piège dans une pièce, sans eau ni nourriture, avec un chat pour seule compagnie, après avoir eu le crâne rasé et tatoué par un halluciné qui prétend être son père…

Ce machiavélique polar limite fantastique, qui démarre sur les chapeaux de roues, est d’origine italienne. Il est signé par deux auteurs aguerris qui ont su efficacement mêler narration et mise en images pour mieux balader le lecteur de mystères en intrigues, avec un sens implacable du suspens. Si Michel Angelo La Neve est assez célèbre, de l’autre côté des Alpes, pour sa série « ESP » publiée chez Universo à partir de 1995 (où il avait déjà collaboré, entre autres, avec Marco Nizzoli : un seul opus traduit en France chez Clair de lune, en 2010), en France, on ne connaît vraiment que ses albums réalisés pour les Humanoïdes associés : la quête initiatique et magique « Le Jour des magiciens » (en 2003) ou le récit d’anticipation « Les Enfants du crépuscule » (en 2006) également imagés par Nizzoli ou encore « Sebastian X », un thriller futuriste dessiné par Stuart Immonen (en 2005).

Marco Nizzoli, lui, a d’abord imposé un style très moebiusien dans des bandes science-fictionnesques (« Raymond Capp » et « Fondation Babel » chez Vertige Graphic en 1998) ou des récits érotiques fortement marqué par l’empreinte de Milo Manara (« Démons et délices » chez Vents d’Ouest en 1999 réédité sous le titre « Les Délices du démon » aux éditions Blanche en 2009, « Un bel été » chez Tabou ou « SimBaby » chez Blanche en 2010).

 Cet artiste, au dessin ultra-réaliste, commence toutefois à se détacher de ses influences avec sa reprise du « Monde d’Alef Thau » (scénarisée par Alexandro Jodorowsky, aux Humanos en 2008 et 2009), pour trouver ici pleinement sa marque : son trait aussi dynamique que détaillé, étant hélas un peu assombri par des couleurs numériques que l’on aurait préférées moins agressives…

Gilles RATIER

« Lucifer Sam T1 : Les Portes de l’enfer » par Marco Nizzoli et Michelangelo La Neve

Éditions Glénat (12,90 €) – ISBN : 978-2-7234-9283-6

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