» F. Compo  » T1 par Tsukasa Hojo

Panini réédite enfin la série  » Family Compo  » ou plus simplement  » F.Compo  » comme indiqué en gros sur la couverture des albums. Précédemment édité par Tonkam, elle fut retirée du catalogue de cet éditeur en 2004, comme tous le reste des ?uvres de Tsukasa Hojo suite à la politique de Shueisha, l’éditeur Japonais, de ne plus avoir qu’un seul interlocuteur dans chaque pays ou les ?uvres du mangaka sont publiées ; ceci afin de garder un niveau de qualité constant. Pour la France et l’Italie, ce fut donc Panini.

La première version française de  » Family Compo  » est sortie en 1999 chez Tonkam dans une version respectant le format original japonais, 12,5 x 18 cm. La nouvelle édition de Panini comics reprend le format de luxe déjà en vigueur sur les séries  » City Hunter  » et  » Cat’s Eye « , soit 14,5 x 21 cm. Mais les différences ne s’arrêtent pas à une question de taille, nous allons voir cela ensemble.


Les deux versions placées de manière homothétique l’une à côté de l’autre. © Tsukasa Hojo – Panini 2010 – Tonkam 1999

En premier, j’aimerais vous replacer ce manga dans le contexte de l’époque. Tsukasa Hojo est sur le point de terminer  » City Hunter « , la série qui l’a consacré auprès du public. En 1995, il débute une nouvelle série «  Rash  » qui ne fut pas accueillie convenablement par les lecteurs. Comme nous sommes au Japon, pays où les contraintes éditoriales sont très rigoureuses, l’aventure fut stoppée au bout de seulement deux numéros.

Hojo a néanmoins une grande idée, comme il l’explique en introduction de  » Family compo  » :  » je pensais qu’une histoire traitant d’un couple, dont le mari et la femme ont inversé leur rôle pourrait être amusante « . Or, la rédaction de Jump, le magazine mythique pour jeunes garçons qui édite déjà les autres mangas de cet auteur, pense que le sujet est trop osé pour son lectorat. Têtu, Hojo demandera à être publié dans un autre magazine de Shueisha, Allman. Destiné à un public plus adulte le sujet semblait porteur. La série fut en effet un succès durant quatre ans avec ses quatorze volumes.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010

L’histoire en elle même est assez banale et utilise les ficelles classiques de l’auteur pour créer des situations burlesques basées sur le quiproquo. Masahiko Yanagiba se retrouve orphelin à seize ans. Son père vient de décéder dans un accident de voiture et il n’a quasiment jamais connu sa mère. Sans ressources, il voit sonner à sa porte la femme de son oncle qui lui propose de le prendre en charge afin qu’il puisse continuer ses études. Le lecteur se rendra vite compte que sa tante est en faite son oncle et que son mari est en faite sa femme. La famille Wakanae est un couple de travestis.

Le plus drôle dans l’histoire est qu’ils ont un enfant : Shion. Et si pour le moment, c’est une fille, il lui est arrivé de se travestir en garçon durant sa scolarité. Bien sûr, Masahiko est un peu perturbé par ces révélations, mais il finira rapidement par les apprécier en tant que famille.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010

Néanmoins, Masahiko désire hardiment percer le mystère de Shion : est-ce un garçon ou une fille ? Cette situation restera pour toujours ambigüe et sera le leitmotiv de l’histoire. En effet, la série, même si elle se clôture sur un événement heureux, ne répond pas à cette question centrale. De quel sexe est Shion?? C’est une fin ouverte, mais qui laisse le lecteur dans l’expectative.
Tsukasa Hojo a toujours eu ce problème avec ses séries longues, il ne sait pas comme les finir et préfère laisser l’histoire en suspend comme s’il espérait un jour les continuer toutes. Dans la préface du dernier volume chez Tonkam il raconte même avoir reçu de nombreuses lettres de lecteurs déçus l’encourageant à continuer la série. Or, il répond clairement que  » l’histoire serait toujours incomplète, car il n’y a jamais de point final à l’histoire d’une famille « . Une manière détournée pour éluder les questions laissées en suspend. Et il conclut : «  ce qu’ils deviendront après le dernier chapitre, je vous laisse à vous, chers lecteurs, le soin de l’imaginer ! « .

Comme on dit  » Tout ça pour ça ! « . On en attendait plus, on aurait en effet aimé en savoir encore plus sur les aventures de Masahiko et Shion. On aurait voulu les suivre jusqu’à un point clef de leur vie et non s’arrêter abruptement au meilleur moment. De toutes les séries longues qu’a réalisées Tsukasa Hojo, «  Family Compo  » est la plus courte (1).

Voyons un peu maintenant clairement ce qui différencie les deux éditions françaises de  » Family Compo « .

En premier, j’en ai déjà parlé, la taille des livres. L’édition Panin, qui est plus grande, comporte également plus de pages avec un chapitre supplémentaire qui correspond au début du second volume chez Tonkam. Ce qui est dommage, c’est que ce chapitre était à l’origine en couleur chez Tonkam et se retrouve en noir et blanc chez Panini. De plus, on remarque que le papier utilisé par Tonkam est de meilleure qualité : vraiment blanc et non jaune, et avec un touché plus agréable malgré une épaisseur identique. Mais le papier ne fait pas tout, car l’impression de Panini est bien plus fine et bouche moins les trames tout en respectant la finesse du trait de l’auteur.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010 – Tonkam 1999

Dés la première planche couleur, on peut facilement différencier les deux éditions. Celle de Panini à gauche et celle de Tonkam à droite.
La première édition chez Tonkam utilisait des lettrages de couleur et traduisait toutes les onomatopées à la différence du lettrage noir et des caractères japonais présents chez Panini.

La version Panini ayant une édition plus grande, elle a gardé une taille de police sensiblement identique à la version Tonkam. De ce fait, l’écriture flotte plus dans les bulles et cela allège les pages.

On remarquera aussi que la traduction est plus rigoureuse chez Panini : plus formelle, elle semble plus proche de la version japonaise. Néanmoins, la version Tonkam, mise à côté, reste très agréable à lire et les textes coulent un peu mieux, car l’ensemble paraît plus vivant, moins coincé et plus spontané.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010

Cette seconde planche de la version Panini permet de voir la finesse d’impression et une plus grande richesse de couleur que la version de Tonkam ci-dessous. Néanmoins, du fait de l’utilisation d’un papier jaunâtre, cela change la tonalité des couleurs de l’image.


© Tsukasa Hojo – Tonkam 1999

Chez Tonkam, les couleurs sont plus fades et perdent de leur intensité du fait de l’impression moins soutenue.

Après les planches couleur, passons maintenant aux pages en noir et blanc.

Cet extrait est tiré de la première partie lorsque Masahiko découvre la vérité sur son oncle.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010


© Tsukasa Hojo – Tonkam 1999

Grâce à ces deux scans, on remarque clairement l’impression bouchée sur la version Tonkam. Tout est plus sombre, les dégradés sont quasiment inexistants et les détails disparaissent sous la charge d’encre.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010 – Tonkam 1999

Dans cette scène ou Masahiko découvre les attribues masculins de sa tante, on remarque nettement sur la version Tonkam à droite, les pertes au niveau du travail de trame ainsi que les traits bouchés, notamment l’ombre sous le cou qui perd en détail ou les reflets dans les cheveux qui deviennent des pâtés blancs informes.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010 – Tonkam 1999

Même dans les pages couleurs lors de la publication en revue et imprimé en noir dans l’album on remarque une nette différence dans la densité de la trame et son rendu final. Ces deux scans reprennent la version Panini en haut et la version Tonkam en bas sans retouche et en taille réelle.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010


© Tsukasa Hojo – Panini 2010 – Tonkam 1999

Cette scène correspond au moment ou Shion joue un tour à Masahiko en lui faisant croire qu’elle ve se dévoilée nue devant lui et lui révéler sa vraie nature. Avec cet exemple, on voit que ce n’est pas le fruit du hasard. La trame a disparu de moitié sur les habits de Shion et les ombres sont bouchées, notamment sous le nez, le cou, les cheveux et les plis de son bustier.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010 – Tonkam 1999

Dans la version de droite de Tonkam, le parti pris a été de traduire les onomatopées alors que Panini a plutôt cherché à conserver le dessin original de l’auteur en traduisant à côté en petit les divers bruits émaillant la série.

Et toujours cette perte de détail dans la trame, notamment dans le dégradé sur la maison en haut en gauche.

Comme quoi, même en noir et blanc une bande dessinée demande beaucoup de travail pour respecter le dessin d’un auteur et le rendre de la meilleure manière qui soit. C’est une alchimie complexe entre qualité de reproduction, couleur du papier et taux d’encrage. On comprend mieux maintenant ce qui a poussé Shueisha à vouloir uniformiser par le haut la publication des mangas de Tsukasa Hojo. Cet auteur ayant, en plus, un trait réaliste très fouillé et assez fin. Donc demandant une rigueur dans la reproduction qui manquait clairement a certains éditeurs. On pensera évidement à la première édition de  » City Hunter  » chez J’ai lu qui fut un massacre, comme tous les mangas qui sont sortis de leurs presses.

Comme je vous l’indiquais en début d’article, le dernier chapitre de l’édition Deluxe correspond au premier du second volume publié chez Tonkam. Cette édition de 1999 avait des pages couleur qui ne sont pas reprises dans celle de Panini en 2010. Néanmoins, la qualité de reproduction de Panni rend honneur au travail de Tsukasa Hojo. Du coup, vaut-il mieux avoir une première édition au trait bouché, mais comportant des pages d’introduction en couleur, ou une version noir et blanc de bonne qualité et de format plus grand ? À vous de voir en fonction de ce que vous trouverez, sachant qu’aujourd’hui il est quasiment impossible de se procurer l’édition de Tonkam.


© Tsukasa Hojo – Tonkam 1999

La page d’introduction du second album original qui, du coup, saute avec cette réédition.


© Tsukasa Hojo – Panini 2010 – Tonkam 1999


© Tsukasa Hojo – Panini 2010


© Tsukasa Hojo – Tonkam 1999


© Tsukasa Hojo – Panini 2010


© Tsukasa Hojo – Tonkam 1999

Remplie d’humour et extrêmement divertissante, la vie de la famille Wakanae est beaucoup plus terre-à-terre que celle de Ryo Saeba dans  » City Hunter « . Mais comme elle comporte son lot d’imprévus, cette série est l’une des plus réalistes de Tsukasa Hojo. Une histoire sur la tolérance, le respect de soi ainsi que des autres, l’acceptation de son corps et de ses singularisés sans porter de jugement sur la vie d’autrui. «  Family Compo  » reste un classique du manga à découvrir ou redécouvrir avec cette très bonne réédition.

Gwenaël JACQUET

«  F. Compo  » T1 par Tsukasa Hojo
Éditions Panini (9,95€).

(1)  » Cat’s Eye  » 18 volumes –  » City Hunter  » 35 volumes –  » Angel Heart  » 33 volumes, la série étant toujours en cours de publication.

Galerie

Une réponse à  » F. Compo  » T1 par Tsukasa Hojo

  1. Hisoka dit :

    Bonjour,

    Et donc au final vous conseillez quel version ?? Car j’hésite

    Merci

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