Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Á bdzoom.com, on aime bien la série « Canardo » créée en 1978, dans le mensuel (Á suivre), par Benoît Sokal, lequel est, depuis quelques années maintenant, efficacement secondé pour le graphisme par Pascal Regnauld : en effet, cela fait dix-neuf albums que ce détective privé volatile, alcoolique et dépressif, traîne son flegme, sa fatigue et son vieil imper, dans des enquêtes pour le moins pittoresques, dans une ambiance noire à la limite du glauque, sans jamais nous décevoir.
Et cette fois-ci, ce polar animalier plutôt cynique nous permet de découvrir tous les recoins d’un pays que les auteurs connaissent bien : la Belgique.
Hector Van Bollewinkel, le parrain de la mafia belge qui vit depuis des lustres en Amérique, est rongé par un cancer généralisé. Ayant décidé de se suicider avant d’être transformé en « grabataire larmoyant », il lègue toute sa fortune à ses deux petits-enfants : des jumeaux mal élevés, violents, avides et limite débiles. Mais il y a une condition « sine qua non » : il faut que ces derniers acceptent de répandre ses cendres dans un endroit bien précis de son pays natal. Encadrés par l’inspecteur « Canardo », membre éloigné de la famille, dans le rôle du chauffeur, et par une robuste gouvernante flamande au caractère rigide mais aux mœurs un peu plus laxistes, les deux ados vont donc découvrir tout l’intérêt et l’originalité de ce « Plat pays » triste et désenchanté : une visite guidée qui va devenir un véritable circuit initiatique, loin d’être de tout repos…
Construit comme un « road-movie », puisque l’action change d’endroit chaque jour donnant ainsi un effet de cours poursuite, ce « Voyage des cendres », aux dialogues toujours aussi percutants, se révèle plein de clins d’œil (situés entre amour vache et ironie grinçante) à une certaine « belgitude » assez touchante. … ; et comme la narration est sans faille, sans parler des dessins toujours fort bien exécutés, au final, on obtient un vrai plaisir de lecture !
Gilles RATIER
? Canardo T.19 : Le Voyage des cendres ? par Benoît Sokal
Éditions Casterman (10,40 Euros)