Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Le Cahier à fleurs T.1
Après le trop méconnu mais pourtant splendide « L’ÃŽle aux chiens » de Florenci Clavé et Guy Vidal publié dans Pilote en 1978(1) et le récent tome 4 des « Fleury-Nadal » (« Anahide » par Didier Courtois et Frank Giroud) paru aux éditions Glénat fin 2009, voici une autre très belle bande dessinée axée sur le difficile sujet du génocide des Arméniens, lequel a eu lieu, il y a déjà 95 ans?
L’album commence pourtant en octobre 1983, lors de la représentation d’un jeune et virtuose violoniste turc : en plein concert, un vieil Arménien fait un grave malaise. Après avoir donné une interview télévisée où l’artiste nie le génocide, il fait une visite à l’Arménien, désormais hospitalisé, qui s’est effondré pendant sa prestation : ce dernier lui fait des révélations au sujet d’un cahier à fleurs qui se trouvait avec le premier violon que lui avait offert son grand-père et en profite pour retracer les circonstances qui ont mené à l’extermination arménienne au début du XXème siècle : voilà qui va bouleverser la vie du jeune musicien…
Habitué des sujets historiques forts et sociaux, le scénariste engagé qu’est Laurent Galandon défriche, une fois de plus, l’un des travers noirs de l’Histoire (ceci alors que les autorités turques peinent encore à admettre leurs torts), en se basant sur de nombreux témoignages qu’il utilise efficacement : son récit, ponctué d’habiles flash-back, se déroulant sans temps morts et frappant irrémédiablement les esprits !
Quant à la dessinatrice Viviane Nicaise (que l’on avait pas revue depuis le polar « La Vie en rose » scénarisé par Dieter chez Glénat, entre 2003 et 2004, et qui vit désormais en Grèce), son style élégant, lumineux et juste, rajoute à la fluidité de ce diptyque qui nous explique, en quelques pages, comment toute une culture peu disparaître…
Gilles RATIER
? Le Cahier à fleurs T.1 : Mauvaise orchestration ? par Viviane Nicaise et Laurent Galandon
Éditions Bamboo/Grand Angle (12,90 Euros)
(1) Il s’agit d’une aventure de « Ned Kelly », une série que les éditions Dargaud seraient bien inspirées de rééditer !