Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Deux des derniers spécimens de la race humaine sont capturés par des chasseurs, suite à une battue dans la forêt de Fontainebleau : et la prise est excellente !
Ces deux petits, mâle et femelle, sont, en effet, d’une grande valeur sur le marché ! La fillette se retrouve alors entre les pattes d’une scientifique naturaliste au physique porcin qui, contre l’avis de tous, entrevoit la possibilité d’une intelligence humaine. En commençant par prononcer une seule parole (« Hélas ») pendant qu’on l’expose devant les sommités de la communauté scientifique, ce qui provoque d’ailleurs un effet dévastateur, la petite humaine va finir par déclarer tout son dégoût de la condition humaine : habitat précaire et harcèlement des braconniers sans foi ni loi. Mais voilà que l’un des antiques pontes de l’Académie (le professeur Rouquemonte, au visage simiesque), entend bien s’approprier la découverte de sa jeune collègue… D’autant plus qu’il est également membre du comité de vigilance sur la question humaine, lequel s’échine, depuis des années, à garder secret le fait que les humains puissent être dotés de parole et d’intelligence…
Évidemment, on pense tout de suite à « La Planète des singes » de Pierre Boulle… Mais le fait que l’habile et protéiforme conteur qu’est Hervé Bourhis ait placé son intrigue feuilletonesque et légèrement décalée (car dotée, quand même, d’une petite pointe d’humour) dans le Paris haussmannien du début du siècle dernier, alors inondé (l’opposition entre cette époque représentative de la science triomphante et cette situation plutôt étrange étant une autre de ses bonnes idées), efface d’emblée toutes comparaisons et similitudes.
Quant au dessin animalier, naïf et doux, de Rudy Spiessert (que l’on sent très influencé ici par le style illustratif de Benjamin Rabier), il donne une dimension poétique supplémentaire à l’histoire, prouvant, une fois de plus, que ce dessinateur, qui maîtrise de mieux en mieux son trait rigide, peut s’adapter à différentes ambiances : ses « Stéréo club » et « Ingmar », toujours avec Hervé Bourhis aux scénarios, son « Comme tout le monde » avec Denis Lapière, ou ses « Villes d’un jour » réalisé entièrement tout seul, comme un grand, ayant déjà largement enfoncé le clou…
Enfin, ne vous laissez pas trop déstabiliser par les toutes premières pages peuplées de jeux d’ombre : elles ne sont que les prémices d’une fabuleuse histoire rocambolesque que vous lirez d’un seul trait…
Gilles RATIER
? Hélas ? par Rudy Spiessert et Hervé Bourhis
Éditions Dupuis (15,50 Euros)