Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Changing Ways » T1 (« Mutation ») par Justin Randall
Parmi la vague horrifique qui n’en finit plus d’enfler progressivement au sein de la production des comics, voici un titre qui tire pas mal son épingle du jeu en évitant les écueils de nombre d’ouvrages actuels surenchérissant dans la violence et le gore. Ici, il est plutôt question d’ambiance… Brrrouh !
Pas étonnant que Justin Randall ait été découvert notamment sur la série « 30 Jours de nuit », lorsqu’on lit son « Changing Ways » où – donc – c’est plus l’atmosphère que l’expression explicite de la violence et de l’horreur qui prévaut. Et c’est tant mieux, le « renouveau de l’horreur » actuel ne réussissant pas forcément à se dégager d’une certaine mouvance mainstream et sensationnaliste où le sticker « Pour public averti » laisse place à tous les débordements les plus extrêmes ou… gratuits. Souvent peu de substance, à part celle de l’hémoglobine. Je ne dirais pas que « Changing Ways » est un chef-d’œuvre absolu ni qu’il évite totalement certains effets de mode, mais il possède indubitablement une vraie puissance d’évocation et instaure une ambiance angoissante savamment distillée et mise en Å“uvre pour que le lecteur ne puisse pas faire autrement que de tourner les pages avec la glotte qui frétille de manière fébrile. L’aspect « photographique » du procédé artistique de Randall (faisant écho aux travaux des faux « hyperréalistes photoshopeurs » qui ne sont pas forcément des réussites à part quelques exceptions comme Maleev) est finalement très plaisant, ajoutant à l’angoisse et à la crédibilité du récit. On se sent réellement impliqué par ce couple et leur fille au vu de leurs visages si proches de ce que nous vivons…
Pas étonnant que Justin Randall soit australien, lorsqu’on lit son « Changing Ways » où de furtifs et violents « cochons sauvages » semblant avoir muté en monstres sèment la mort, à l’instar du fameux « Razorback » qui avait marqué les esprits au milieu des années 80… Dans la petite bourgade de Grey Oaks, David Barrot, sa femme et leur fille se retrouvent confrontés à une mystérieuse « épidémie » qui frappe les insectes mais aussi les humains avec pour signe distinctif des marques comme des scarifications rougeoyantes qui apparaissent sur le corps. Un « virus » qui semble aussi transformer les porteurs du germe en créatures violentes. De nuit, dans une atmosphère poisseuse et sombre, perdus dans la cambrousse, essayant d’échapper à divers individus flippants, le trio va tenter de s’extirper de cette zone devenue folle où tous les repères se désagrègent petit à petit, laissant place à l’inconnu, danger invisible mais omniprésent qui insuffle à l’ensemble une tension et une angoisse très intelligemment mises en place. Histoire à suivre dans un prochain deuxième tome…
Cecil McKINLEY
« Changing Ways » T1 (« Mutation ») par Justin Randall
Éditions Delcourt (14,95€) – ISBN : 978-2-7560-3968-8
Je ne suis pas tellement adepte des dessinateurs de photos, mais il faut bien dire que le rendu est efficace… L’ambiance est très réussie. Je ai lu changing way salors que j’étais en proie à une fièvre moyenne m’obligeant à rester chez moi, et, les rideaux tirés, dans une demi-pénombre moite, l’effet était triplé. Un très agréable mauvais moment.
Une question demeure : comment peut-on utiliser sa propre fille comme modèle pour la balancer dans une horreur pareille ?!?
Hello Vlad,
Avec un prénom comme le tien, on ne devrait pas avoir si peur de la pénombre, si tu vois ce que je veux dire… (gnark gnark gnark argh!).
Quant à la fille de Justin… je suis sûr qu’elle trouve ça classe et que ça la fait « kiffer grave »… C’est là où on se sent très vieux, d’un seul coup… Mais bon! (sourire)
Bien à toi,
Cecil